"Vous mesurez le degré d'incohérence de vos réponses ?" : Cédric Jubillar entre dénégations et contradictions lors de son dernier interrogatoire
Sous le feu des questions pendant quatre heures, confronté à ses nombreux changements de versions, l'accusé a semblé pour la première fois déstabilisé, lundi.
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Depuis son box, Cédric Jubillar, droit comme un I et concentré, a vacillé, hésité, s'est repris, s'est contredit, s'est justifié. Lors de son ultime interrogatoire, lundi 13 octobre, le peintre-plaquiste jugé pour le meurtre de sa femme est revenu pendant près de quatre heures sur la dernière journée où Delphine Aussaguel a été vue en vie, le 15 décembre 2020.
Ce soir-là, Cédric Jubillar raconte être rentré chez lui, après une journée à poser du parquet chez un particulier. Il trouve ses enfants, Louis, 6 ans, et Elyah, 18 mois, en train de jouer avec des Lego. Son épouse est sur son téléphone. Puis, elle leur donne le bain. Lui prépare le dîner, des cordons bleus et des coquillettes, se souvient-il. Une soirée banale, à ceci près que le couple est en pleine crise : Delphine lui a annoncé son intention de divorcer.
Tous deux dorment séparément, se disputent sans arrêt, et l'infirmière échange chaque jour des centaines de messages avec son amant. La situation financière des époux est tendue. Celle de l'accusé surtout, dans l'incapacité de retirer un seul centime à la banque : l'après-midi même, sa tentative de retrait, pour rembourser cinq euros qu'il devait à une connaissance, lui a été refusée.
Le trentenaire dépense l'essentiel de son argent dans sa consommation de cannabis. Ce 15 décembre, il reconnaît avoir fumé environ un joint par heure, avant, pendant et après son chantier, de 6h45 à 18 heures. Une consommation habituelle, selon lui.
"Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !"
Selon son récit, la famille dîne devant la télévision vers 20h30. Delphine couche Elyah vers 21 heures. Cédric Jubillar affirme qu'il est ensuite sorti promener les deux shar-peïs du couple, entre "21h30 et 22h15". "Aujourd'hui, vous dites : 'J'ai sorti les chiens pendant trois quarts d'heure environ, j'ai fait un grand tour'", relève la présidente. L'accusé acquiesce. Pourtant, pointe Hélène Ratinaud, lors de sa première audition et à nouveau devant les juges d'instruction, il avait parlé d'un "café/clope" devant la maison – "clope" voulant dire "joint" dans la bouche de Cédric Jubillar. "Je ne sais pas, ça ne m'est pas venu à l'esprit de leur dire ça dès le début", tente de justifier l'accusé d'un trait.
Il déclare avoir joué à Game of Thrones sur son téléphone pendant toute la durée de la promenade : le jeu se serait coupé à 22h04, faute de batterie. L'accusé explique se trouver alors à 200 mètres de son domicile. Et met son téléphone en mode avion, pour économiser la charge qu'il lui reste. Le téléphone s'éteint à 22h08. "Vous êtes où quand il s'éteint ?", interroge la présidente. "Sous la douche", dit-il. "En quatre minutes, ça parait difficile que vous ayez parcouru 200 mètres, que vous soyez rentré chez vous, que vous soyez allé vous déshabiller et que le téléphone se soit éteint alors que vous entriez dans la douche", estime Hélène Ratinaud, dubitative.
Que se passe-t-il ensuite ? Son fils et son épouse seraient venus lui faire un câlin "vers 22h40". Puis le couple se serait câliné seul à seul, pendant "environ cinq minutes". "C'est un beau moment suspendu, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes entre Cédric et Delphine !", ironise Mourad Battikh, avocat de parties civiles, rappelant le contexte entre les deux époux.
Cédric Jubillar se souvient-il si sa femme portait un pyjama à ce moment-là, lors du dernier moment d'intimité qu'il est supposé avoir partagé avec elle ? "Non, pas du tout", lâche l'accusé. A 22h19, Delphine Aussaguel avait envoyé une photo d'elle à son amant, vêtue d'un combishort. Le vêtement sera retrouvé dans le linge sale de la maison par les enquêteurs.
Les contradictions s'accumulent
Cédric Jubillar dit s'être couché dans la foulée, son téléphone éteint, ce qu'il ne faisait pratiquement jamais. "Vous vous êtes relevé ce soir-là ?", demande la présidente. "Non, pas du tout", rétorque l'accusé. "Vous le savez, ce n'est pas la déposition de votre fils", observe Hélène Ratinaud. Dès sa première audition, le 16 décembre 2020 après-midi, l'enfant avait assuré aux enquêteurs avoir entendu une discussion entre ses deux parents, après s'être couché. Il a parlé de dispute lorsqu'il a été réentendu un mois après. "Je ne sais pas, il se trompe de soirée", balaye l'accusé, le corps parcouru de spasmes de nervosité.
Pour la première fois, Cédric Jubillar semble déstabilisé. La présidente lit les constats du médecin légiste qui l'a examiné juste après la disparition de son épouse. Il a relevé "une lésion épidermique de dix centimètres de long" sur son bras droit et "une érosion cutanée de trois centimètres de long" sur son thorax. "Celle au niveau du bras, c'était il y a très longtemps", explique l'accusé, qui parle d'une "cicatrice". "En principe, les médecins légistes, quand ils notent qu'il s'agit d'une cicatrice, ils indiquent qu'il s'agit d'une cicatrice", oppose la présidente.
La défense se tend. Emmanuelle Franck propose à son client de se mettre torse nu pour prouver sa bonne foi. L'intéressé s'exécute et retire la polaire noire qui couvre son T-shirt. Hélène Ratinaud hausse le ton : "Il n'est pas question que vous vous déshabilliez, monsieur Jubillar !" L'avocate de la défense parvient habilement à casser le rythme oppressant imposé à son client.
Des éléments troublants rapportés par son ex-compagne
Mais la présidente enchaîne : "Quelle explication avez-vous quant à la disparition de votre femme ?" "Je n'en ai aucune". Delphine a-t-elle "pu se suicider ?" "Je ne pense pas, non." "A-t-elle pu disparaître volontairement ?", renchérit la magistrate. "Je n'en ai aucune idée, j'espère pas". Et l'accusé de se contredire, quelques minutes après, interrogé par l'avocat général, Nicolas Ruff, disant espérer "du fond du cœur que ce soit ça".
"Votre femme aimait-elle ses enfants ?", poursuit le représentant du ministère public. "Oui, mais c'est pas une raison pour laquelle elle ne voudrait pas s'en aller", estime Cédric Jubillar. L'hypothèse du départ volontaire a pourtant été largement rejetée par tous les proches de l'infirmière.
Laurent Boguet, avocat des enfants du couple, prend le micro et rappelle un élément troublant : Jennifer C., l'ex-compagne de Cédric Jubillar, a raconté jeudi à l'audience que l'accusé s'était vanté d'avoir dupé les enquêteurs, en justifiant la blessure sur son bras par la pose de parquet effectuée le jour de la disparition. "Comment posséderait-elle autant de détails, si elle ment ?", interroge l'avocat toulousain. La défense tente d'intervenir, visiblement gênée par la question. "Je comprends que ça pique, ça fait mal", nargue Laurent Boguet. "C'est n'importe quoi !", s'emporte Cédric Jubillar. "Vous comprenez le degré d'incohérence de vos réponses ?", lui rétorque l'avocat.
"Ce n'était plus ma femme"
Son confrère Laurent De Caunes, qui représente un des frères de Delphine Aussaguel, tente de replacer la victime au centre des débats. "Si Delphine était vivante, où serait-elle ?", demande-t-il d'une voix douce, qui tranche avec son prédécesseur. "Je ne sais pas", rétorque froidement l'accusé. "Vous avez réfléchi à la question ?", insiste l'avocat. "Non pas du tout", lâche Cédric Jubillar. Surprise dans la salle : une rumeur monte sur les bancs du public.
L'avocat rappelle ensuite que l'accusé a déclaré à l'expert-psychiatre qui l'a rencontré en octobre 2021, moins d'un an après la disparition : "Je cherchais à refaire ma vie, j'avais tourné la page, ce n'était plus ma femme". "Tout à fait, ce n'était plus ma femme, elle avait décidé de divorcer", répond l'accusé sans affect.
"Là, vous êtes en pilote automatique : 'oui, 'non', 'peut-être', 'j'ai oublié', 'je ne sais pas'...".
Mourad Battikhavocat côté parties civiles
Il est plus de 17 heures, l'accusé semble lessivé, quand Malika Chmani, qui représente les enfants du couple Jubillar aux côtés de Laurent Boguet, demande à faire lire un courrier rédigé récemment par Louis, aujourd'hui âgé de 11 ans. Le petit garçon appelle désormais son père "Cédric" et relate, en quelques lignes bouleversantes, les sévices corporels infligés par celui-ci "quand maman n'était pas là". L'enfant réitère qu'une dispute a bien eu lieu entre ses parents le soir du 15 décembre 2020. Louis raconte même avoir tenté de faire cesser la querelle en lançant un Lego dans le couloir : le détail paraît difficile à inventer.
Cédric Jubillar souhaite-t-il réagir ? "Non, je n'ai rien à dire", balaye-t-il froidement. Le courrier vient achever une journée d'audience particulièrement compliquée pour l'accusé de 38 ans. Vendredi, il livrera à la cour ses derniers mots. Avant le verdict, attendu dans la foulée.
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