Procès de Cédric Jubillar : "Il n'y a pas de preuve matérielle, c'est là que tout va se jouer", estime la journaliste Valentine Arama
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Valentine Arama, journaliste et autrice d'un livre sur la disparition de Delphine Jubillar, est l'invitée du "10 minutes info" de franceinfo vendredi 17 octobre. Elle revient sur le verdict attendu dans la journée.
Autrice de Delphine Jubillar, une disparition, Valentine Arama était au micro de franceinfo. La journaliste a enquêté sur cette affaire qui dure depuis cinq ans maintenant. Le verdict est prévu ce vendredi 17 octobre aux assises du Tarn. Cédric Jubillar, accusé du meurtre de sa femme Delphine, encourt 30 ans de réclusion criminelle. Les avocats ont plaidé l'acquittement.
Vous avez suivi ce procès. Entre l'acquittement et les 30 ans de réclusion criminelle, dans quel sens cela peut-il basculer ?
Valentine Arama : Tout peut se passer. C'est une journée à fort enjeu parce qu'il y a cette réelle incertitude. Pas de preuve matérielle, c'est ce qui a été asséné pendant toute la durée de ce procès. On n'a pas de corps, pas de scène de crime, pas d'aveu. Même pendant toute la durée de l'enquête. Il y avait quand même un faisceau d'indices qui ne pouvaient que laisser penser que c'était Cédric Jubillar qui avait commis l'acte, que tout convergeait vers lui. A contrario, hier, la défense a plaidé de manière assez magistrale en disant qu'on ne pouvait pas condamner une personne, on condamne les coupables. La tâche va revenir aux jurés. La cour est composée de neuf personnes. Ce sont eux qui vont avoir cette immense tâche de juger cet homme. Il y a une vie qui est en jeu. 30 ans de réclusion criminelle requis, ce n'est pas rien. La question aujourd'hui qui va se poser, c'est : 'Est-ce que le doute que la défense a tenté d'instiller a fait son chemin dans l'esprit des jurés ?' Je rappelle que si trois d'entre eux, magistrats ou jurés populaires confondus, ont un doute et qu'ils écrivent 'non coupable' sur le petit bulletin qui va leur être remis, il sera acquitté.
"Au cours de ces quatre semaines, on a entendu pas moins de 65 témoins"
Le doute doit bénéficier à l'accusé...
C'est la règle en droit français. Aujourd'hui, est-ce que ce doute a fait son chemin ? Ce procès a duré quatre semaines. Au cours de ces quatre semaines, on a entendu pas moins de 65 témoins, des gendarmes, des experts, des proches. Il y a une amie de Delphine, Anne, qui est venue prendre la parole, qui a expliqué qu'elle avait vu son amie rentrer le jour de la disparition, se garer capot vers le haut. On retrouvera le véhicule garé dans l'autre sens le lendemain, ce qui peut laisser entendre que le véhicule a été bougé pendant la nuit. Il y a également le fils qui a entendu des cris, qui a vu ses parents se disputer ce soir-là, alors que Cédric Jubillar dit qu'il était couché, qu'il dormait. Les lunettes de Delphine Jubillar ont été retrouvées brisées. Il y a plusieurs indices, mais encore une fois, il n'y a pas cette preuve matérielle et c'est là que tout va se jouer.
Il y a des éléments circonstanciels qui sont forts, quand même.
L'un des avocats généraux a essayé de faire cette démonstration. 'C'est un crime pulsionnel. Cédric Jubillar, ce soir-là, pète les plombs parce qu'il apprend que sa femme a un amant. C'est pour lui une déconvenue totale parce qu'il va perdre sa femme, sa maison. Il ne peut pas le supporter. Il passe à l'acte.' Ils expliquent que ça pouvait être un étranglement, que c'était pour faire taire sa femme, qu'il avait cherché à la tuer. Mais encore une fois, tout ça, ce sont des grilles de lecture, des clés de compréhension, mais ce n'est pas la preuve matérielle irréfutable sur laquelle on pourrait se baser.
"Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de corps que Cédric Jubillar n'est pas coupable"
Vous avez suivi ce dossier depuis cinq ans. Les jurés ont une très lourde responsabilité. Est-ce que vous, vous vous êtes forgé une intime conviction ?
Je n'ai pas à en avoir une en tant que journaliste. J'ai suivi l'enquête au plus près. J'ai rendu compte de cette enquête du mieux que je le pouvais. Mais j'ai également suivi ce procès et donc forcément, à l'issue des débats, il y a une impression. Pour moi, la thèse des avocats généraux et ce qu'ils racontent de cette soirée fatidique, le fait que Cédric Jubillar avait un mobile, le fait que sa femme voulait divorcer, qu'il allait tout perdre, tout ça, ça semble cohérent. Après, j'entends aussi les arguments de la défense qui ont fait un travail vertigineux, monumental et qui ont apporté aussi leur pierre à l'édifice et qui ont parlé de ce doute. Aujourd'hui, la particularité, c'est qu'en droit français, on peut être coupable, mais être acquitté, parce que si le doute persiste, il doit profiter à l'accusé.
Vous l'écrivez, il manque la preuve principale : on n'a pas de corps. Ça arrive fréquemment dans les affaires judiciaires ?
C'est déjà arrivé, je pense à l'affaire Viguier, cet éminent professeur de droit toulousain qui avait été acquitté à deux reprises par une cour d'assises, en première instance et en appel. Sa femme avait disparu à l'époque. Jacques Viguier clamait aussi son innocence, disait qu'il n'y était pour rien dans cette disparition. Plusieurs éléments convergeaient aussi vers lui. Mais au terme de deux procès d'assises, il est acquitté. C'est tout à fait ce qui pourrait se passer aujourd'hui. Mais à l'inverse, il y a déjà aussi eu des condamnations dans des affaires sans corps. Je pense à l'affaire Maurice Agnelet avec la disparition d'Agnès Le Roux. Il sera d'abord acquitté en première instance (puis condamné en appel). L'absence de corps ne veut pas dire absence de condamnation. Les avocats généraux ont été très précis mercredi (15 octobre) pendant leur réquisition. Ils ont bien insisté sur le fait que l'absence de corps et le fait d'avoir dissimulé une dépouille ne devaient pas donner un blanc-seing à l'accusé. Et que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de corps que Cédric Jubillar n'est pas coupable.
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