Ce que l'on sait du rodéo urbain dans lequel un pompier a été grièvement blessé en Haute-Savoie

Le drame a provoqué l'émoi à Evian-les-Bains (Haute-Savoie). Un pompier a été grièvement blessé lors d'un rodéo urbain, samedi 10 mai. Si son état est "stable", ce volontaire "lutte encore aujourd'hui pour sa santé", a rapporté la préfète de Haute-Savoie lundi. Le suspect, âgé de 19 ans et alcoolisé au moment des faits, a été rapidement interpellé et placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour tentative de meurtre. Il a été mis en examen et placé en détention provisoire lundi. Le ministre de l'Intérieur, qui s'est rendu sur place, a annoncé dimanche vouloir "généraliser" les prises en chasse des véhicules participants à des rodéos urbains.

Le pompier percuté devant sa caserne

Les faits se sont déroulés samedi, vers 6 heures du matin. Deux véhicules effectuaient des dérapages contrôlés à proximité de la caserne quand plusieurs pompiers sont sortis pour leur demander d'arrêter, selon un communiqué du parquet de Thonon-les-Bains. "S'en est suivie une altercation verbale aux termes de laquelle, en l'état des premiers témoignages recueillis qui devront être complétés", l'un des conducteurs, "dont le véhicule était à l'arrêt, a brutalement démarré, percuté un pompier qui était en tenue civile et manqué d'en percuter un second". 

Selon Bruno Retailleau, le ministre de l'Intérieur, le conducteur "a fait démarrer sa voiture en trombe et a voulu en réalité tuer ceux qui étaient là". Trois des pompiers ont été protégés par le trottoir, mais cela n'a pas été le cas de la victime, "bousculée de façon brutale par cette voiture", a poursuivi l'élu, affirmant que le conducteur était allé jusqu'à "cracher sur la victime et sur un autre" pompier qui lui portait secours. "Ce n'est pas un accident survenu lors d'un rodéo, c'est une volonté délibérée de cibler le sapeur-pompier", a abondé la préfète Emmanuelle Dubée.

Le conducteur a été mis en examen

Le conducteur, déjà connu des services de police et dont le permis était suspendu, a été interpellé au volant de son véhicule, en "moins de 40 minutes", selon Bruno Retailleau. Il a ensuite été placé en garde à vue. Il était alcoolisé, avec un taux de 0,28 mg/L d'alcool dans le sang, et des bouteilles d'alcool et de protoxyde d'azote (gaz hilarant) ont été retrouvées dans sa voiture. Des analyses sont en cours, a précisé le parquet. Il a été mis en examen pour "tentative de meurtre" et placé en détention provisoire, a annoncé le parquet, lundi.

Le conducteur "reconnait la matérialité des faits, mais conteste avoir délibérément percuté la victime, indiquant avoir paniqué", et dément aussi avoir invectivé les personnes présentes, a précisé la procureure d'Annecy, Line Bonnet, dans un communiqué. Il dément également avoir invectivé la victime et les autres personnes présentes.

Le conducteur du second véhicule qui participait au rodéo urbain, interpellé samedi dans l'après-midi, a également été mis en examen, notamment pour conduite dangereuse, mais laissé libre sous contrôle judiciaire.

La victime est désormais dans un état stable 

Ce pompier volontaire, âgé de 38 ans et père d'un enfant, a été hospitalisé à Annecy dans "le coma", selon le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, Jean-Paul Bosland, auprès d'"ici Pays de Savoie" (ex-France Bleu). Lundi, il était dans un état "stable" mais "lutte encore aujourd'hui pour sa santé", a fait savoir Emmanuelle Dubée au micro de la radio locale. "Il faut aujourd'hui laisser à sa famille et ses proches le soin de l'entourer au mieux, le plus discrètement possible", a ajouté la préfète. Son pronostic vital reste engagé, relève le communiqué du parquet, lundi en fin de journée.

Pompiers et élus locaux sont scandalisés

La préfète a fait part de "l'état de choc" des collègues du pompier, "notamment ceux qui étaient présents sur place au moment où leur camarade s'est volontairement fait heurter par ce délinquant". Le porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, Eric Brocardi, a exprimé sa "tristesse" et sa "colère".

"On a dépassé tout entendement en ce qui concerne le respect des valeurs républicaines, le respect de celles et ceux qui s'engagent au quotidien pour le bien-être et le secours des autres. C'est l'incompréhension la plus totale."

Eric Brocardi, porte-parole de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers

sur franceinfo

Les élus locaux ont aussi fait part de leur "émotion". "C'est complètement dingue qu'on puisse s'attaquer aux pompiers", a réagi samedi Martial Saddier, le président du conseil départemental de la Haute Savoie, au micro d'"ici Pays de Savoie". "J'ai de la colère et de la tristesse", a pour sa part déclaré, très émue, la maire d'Evian-les-Bains, Josiane Lei, sur les mêmes ondes. "Des rodéos, il y en a ici mais qui n'ont jamais été aussi dramatiques."

Le gouvernement veut agir contre les rodéos urbains 

Selon la préfecture du département, une soixantaine de procédures et signalements en lien avec des rodéos urbains ont été comptabilisés en Haute-Savoie depuis le début de l'année. Vendredi, veille du drame, un rodéo urbain rassemblant 500 voitures et près de 3 000 personnes avait été dispersé par les forces de l'ordre. 

Ce phénomène, qui consiste à réaliser des manœuvres dangereuses avec des engins motorisés, est depuis longtemps dans le viseur des autorités. Il y a deux ans, Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, avait déjà conseillé aux préfets d'autoriser l'usage de drones pour lutter contre ces rodéos. Désormais ministre de la Justice, il a appelé les procureurs de la République à "saisir systématiquement les véhicules impliqués dans des rodéos et, comme la loi le permet, les vendre ou les faire détruire avant même le jugement". 

Dimanche, Bruno Retailleau a annoncé dans l'émission "Le Grand Jury" diffusée sur RTL, Public Sénat, Le Figaro et M6 son intention de "généraliser" les prises en chasse des véhicules participants à des rodéos urbains, comme c'est le cas dans l'agglomération parisienne. Le ministre de l'Intérieur a promis de prendre "dans quelques jours une nouvelle instruction" allant en ce sens. L'année dernière, les rodéos urbains ont donné lieu à 3 480 interpellations, 1 304 gardes à vue et près de 2 500 véhicules saisis, selon la police nationale.