Arrestation de Mohamed Amra : comment la police judiciaire a pu retrouver la trace du fugitif en Roumanie

Ce n'est qu'au début du mois de février que les policiers ont localisé le narcotrafiquant le plus recherché de France, selon les informations de franceinfo. En tout, 25 personnes sont en garde à vue après son arrestation.

Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le narcotrafiquant Mohamed Amra lors de son arrivée au tribunal de Bucarest, le 23 février 2025 en Roumanie. (DANIEL MIHAILESCU / AFP)
Le narcotrafiquant Mohamed Amra lors de son arrivée au tribunal de Bucarest, le 23 février 2025 en Roumanie. (DANIEL MIHAILESCU / AFP)

Depuis son évasion, en mai dernier, qui avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires, il était le narcotrafiquant le plus recherché de France. Mohamed Amra a été arrêté samedi 22 février à la sortie de son VTC devant un centre commercial de Bucarest, en Roumanie, malgré ses cheveux teints en roux. L’homme le plus recherché de France depuis son évasion sanglante en mai 2024 a accepté sa remise aux autorités françaises. Il sera remis aux autorités françaises d'ici à trente jours, comme un point final de cette traque de neuf mois. Selon les informations de franceinfo, ce n'est que tout récemment que les enquêteurs ont retrouvé la trace de Mohamed Amra.

La procureure de Paris a annoncé lundi que 25 personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue, en France, dans ce dossier. Tous sont âgées entre 16 et 37 ans. Trois de ces gardes à vue ont été levées, deux femmes et un homme, a-t-elle précisé. Par ailleurs, quatre personnes ont été interpellées à l'étranger : Mohamed Amra en Roumanie, plus trois autres au Maroc et en Espagne. 

"Les investigations ont permis d'établir qu’autour de Mohamed Amra existait le déploiement d’une organisation criminelle déterminée dans sa préparation et dans son action", a indiqué la procureure de Paris. Il y avait "une équipe de voleurs, de repérage, de logisticiens, de guetteurs, de commando". 
"L’ensemble des protagonistes ont eu recours à des armes lourdes, et des lignes téléphone dédiées", a-t-elle ajouté.

Des images en direct

Le 8 février dernier, tout s'accélère : les enquêteurs ont alors la conviction que Mohamed Amra se rend en Roumanie en voiture de location, avec des complices. S'il est impossible de dire d'où il vient précisément, c'est grâce à la téléphonie, par un travail de coopération entre l'Office central de lutte contre le crime organisé et la police roumaine, que l'homme est repéré. 

Arrivé à Bucarest, Mohamed Amra est pris en charge par un homme qui lui loue un appartement pour six mois dans un quartier résidentiel de Bucarest. Ce dernier lui fournit même des sacs de provisions. Cette résidence moderne et de haut standing est équipée de plusieurs caméras. Une aubaine pour les policiers roumains, qui demandent alors de pouvoir consulter les images en direct. En lien avec leurs homologues français, ils connaissent ainsi les moindres faits et gestes de "La mouche".

Il ne sait donc pas qu'il est suivi quand il quitte son appartement samedi après-midi à bord d'un VTC, avant d'être arrêté sans difficulté devant un centre commercial, malgré son changement d'apparence, avec sa barbe et ses cheveux teints en roux et de grosses lunettes. Mohamed Amra avait fui en Roumanie, car "il voulait faire des opérations esthétiques et quitter le pays pour la Colombie", a affirmé le ministre de l'Intérieur roumain, Cătălin Predoiu.

"Prof"

Par ailleurs, en parallèle, une interpellation a également eu lieu en Espagne, dans la région de Malaga, samedi dans la soirée. Selon une source proche de l'enquête, il s'agit d'un homme suspecté d'être impliqué dans le commando qui a permis à Mohamed Amra de s'échapper. Surnommé "prof", ce suspect, âgé de 32 ans, est considéré par les enquêteurs comme le chef du commando. Originaire d’Evreux, il est soupçonné d’être l’auteur des tirs qui ont coûté la vie à deux surveillants lors de l'évasion au péage d'Incarville, le 14 mai dernier.

Traqué depuis de longs mois par l'Office central de lutte contre le crime organisé, il s'était réfugié dans une villa au sud de l'Espagne. Les policiers y ont découvert deux armes, dont un fusil à pompe, une voiture volée et même un brouilleur d’ondes. Là aussi, les enquêteurs ont pu collaborer avec la police espagnole pour parvenir à l'arrêter, comme avec les autorités néerlandaises, avec l'arrestation d'un autre suspect dans le pays du nord de l'Europe. Preuve de la dimension internationale de cette enquête. 

La "Black Manjak Family"

Enfin, huit autres suspects ont quant à eux été arrêtés entre Evreux et Rouen, dans la région d'origine de Mohamed Amra. Selon les enquêteurs, il apparaît que "la mouche" s'est appuyé sur un carré de fidèles - sept hommes et une femme âgée de 22 à 37 ans - pour préparer son évasion et organiser sa fuite. Preuve de leur ancrage dans la criminalité organisée, des armes, dont une kalachnikov, ont été saisies.

Certains d’entre eux, au lourd casier judiciaire, sont même soupçonnés d’appartenir à un groupe criminel, appelé la BMF, la "Black Manjak Family". Une organisation, inspirée de la "Black Mafia Family" américaine, qui, d'après un connaisseur du dossier, se livre au trafic de stupéfiants en Normandie et gravite aussi dans le monde du rap, notamment dans l'entourage du rappeur Koba LaD, actuellement en détention. Des malfaiteurs "chevronnés", commente cette source, qui ont joué un rôle de premier plan dans l'évasion de Mohamed Amra. D'autres complices sont encore activement recherchés.

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