La justice refuse d'exhumer le corps d'une jeune femme tuée en 1991, un "cold case" dans lequel Dominique Pelicot est mis en examen

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dominique Pelicot, face à la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, au procès des viols de Mazan, le 3 octobre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)
Dominique Pelicot, face à la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, au procès des viols de Mazan, le 3 octobre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)

Le septuagénaire, principal condamné de l'affaire des viols de Mazan, est mis en examen dans deux affaires non résolues, dont le viol et le meurtre de l'agente immobilière Sophie Narme, en 1991. Cette exhumation avait été demandée par l'avocate de Dominique Pelicot.

C'est l'un des deux "cold cases" dans lesquels Dominique Pelicot pourrait être impliqué : le meurtre précédé du viol de l'agente immobilière Sophie Narme, retrouvée morte le 4 décembre 1991 dans le 19e arrondissement de Paris. Elle était âgée de 23 ans. Le septuagénaire, condamné en décembre à vingt ans de réclusion criminelle dans l'affaire des viols de Mazan, a été mis en examen en octobre 2022 pour ces faits. Il a toujours nié toute implication dans cette affaire. 

Pour montrer que son client "se donne tous les moyens pour prouver son innocence", explique son avocate Béatrice Zavarro à franceinfo, celle-ci avait formulé une demande d'exhumation du corps de la victime le 21 mars, afin de voir si de l'ADN pourrait être retrouvé sur sa dépouille. Mais elle a été refusée par la justice, a appris franceinfo de source proche du dossier jeudi 17 avril, confirmant une information de BFMTV.

"Sauf à ce que le corps ait été préservé (cercueil plombé par exemple ou corps embaumé), et au vu du délai écoulé depuis l'inhumation, il est quasi certain que seuls les ossements restent accessibles, la recherche de liquide biologique ne présente donc pas d'intérêt", justifie le tribunal judiciaire de Nanterre, en charge du dossier, selon un document auquel franceinfo a eu accès. 

Or, la dépouille de la jeune femme n'a pas été placée dans un cercueil plombé et sa famille ne se souvient pas si un embaumement a été réalisé, précise le tribunal. Il ajoute que "les ongles, éléments du corps ayant pu échapper à la putréfaction, ont déjà été prélevés" par le médecin légiste, au moment de l'autopsie, il y a trente-quatre ans. 

Un rapprochement avec une autre affaire 

A l'époque du meurtre en 1991, du sperme avait été retrouvé sur le corps de Sophie Narme mais il a été perdu dans les quinze jours suivant la mort de la jeune femme. Des spermatozoïdes avaient pourtant bien été recueillis. Mais ils n'apparaissaient plus dans l'échantillon quelques jours plus tard, quand un expert avait procédé à l'analyse. "Est-ce que ça a mal été étiqueté ? Est-ce que les prélèvements ont été intervertis ? Je ne sais pas, mais finalement, la preuve a été perdue", déplore Florence Rault, l'avocate de la famille Narme, qui a fait condamner l'Etat pour dysfonctionnement en 2010. 

Dominique Pelicot est devenu le suspect numéro un dans cette affaire car l'ADN du septuagénaire a été retrouvé sur une autre scène de crime, au mode d'action très similaire : une tentative de viol le 11 mai 1999 sur Marion*, une jeune femme de 19 ans, à Villeparisis (Seine-et-Marne). Le rapprochement s'est fait "compte tenu notamment du mode opératoire des agressions et du contexte des faits, tous deux commis dans le cadre d'une visite d'appartement, les deux victimes étant toutes deux agents immobiliers", a précisé à franceinfo le parquet de Nanterre. Dans les deux cas, l'agresseur a utilisé de l'éther pour tenter d'endormir sa victime, des cordelettes et un cutter.

Au pied du mur, le septuagénaire a reconnu les faits concernant Marion, mais a contesté avoir utilisé une arme. Il continue toutefois de nier toute implication dans l'affaire Sophie Narme. Faute de preuve ADN, ces accusations sont "basées uniquement sur des rapprochements", regrette Béatrice Zavarro. 

Des investigations auraient pu avoir lieu bien avant

L'avocate rappelle que l'ADN de Dominique Pelicot figurait dans le Fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg) dès 2010, au moment de sa première interpellation dans un centre commercial de Seine-et-Marne, alors qu'il filmait sous les jupes de clientes. 

A l'époque, son ADN avait "matché" avec celui retrouvé sur les lieux de la tentative de viol de Marion : l'information avait été transmise au tribunal judiciaire de Meaux (Seine-et-Marne), qui avait classé l'affaire en non-lieu depuis 2001. Les faits n'étaient pas encore prescrits, mais cette information n'a pourtant donné lieu à aucune réouverture de l'enquête de la part du parquet. Et Dominique Pelicot ne sera plus jamais inquiété, jusqu'à son interpellation définitive en septembre 2020, lorsqu'il a de nouveau été surpris en train de filmer sous les jupes de clientes dans un supermarché de Carpentras (Vaucluse).  

Si les investigations avaient été menées en 2010, Dominique Pelicot aurait pu être arrêté bien avant. "Peut-être que j'aurais gagné dix ans de ma vie", avait déclaré Gisèle Pelicot devant la cour criminelle du Vaucluse, le 5 septembre.

"L'exhumation [du corps de Sophie Narme] aurait dû être faite à ce moment-là, pour clarifier les choses", pointe aujourd'hui Béatrice Zavarro. A ce jour, l'instruction se poursuit concernant ces deux affaires au pôle consacré aux crimes sériels de Nanterre : Dominique Pelicot a récemment été réentendu dans ce cadre. 

*Le prénom a été changé à la demande de l'intéressée

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