"Je n'ai jamais forcé qui que ce soit à faire quoi que ce soit" : au procès en appel des viols de Mazan, la défense de l'accusé mise à mal par Dominique Pelicot

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
L'accusé, Husamettin Dogan, à son procès en appel pour "viols aggravés", le 7 octobre 2025 à Nîmes (Gard). (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
L'accusé, Husamettin Dogan, à son procès en appel pour "viols aggravés", le 7 octobre 2025 à Nîmes (Gard). (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Interrogés mardi, l'ex-époux de Gisèle Pelicot et deux policiers ont contredit la version du seul accusé rejugé en appel, qui assure qu'il pensait participer à un jeu sexuel.

Un adepte de libertinage piégé par un "manipulateur" ou un violeur qui peine à reconnaître ses actes ? Au deuxième jour du procès en appel des viols de Mazan, mardi 7 octobre, l'audition de deux enquêteurs et de Dominique Pelicot, instigateur des viols sur son ex-épouse Gisèle Pelicot, ont mis à mal la version de l'accusé, Husamettin Dogan, le seul des 51 hommes jugés en première instance en 2024 à avoir fait appel de sa condamnation à neuf ans de prison.

La veille, devant la cour d'appel de Nîmes (Gard), l'ancien ouvrier de 44 ans avait réaffirmé n'avoir "jamais voulu violer cette dame", disant ignorer qu'elle était droguée lorsqu'il s'était rendu au domicile du couple à Mazan dans la nuit du 28 au 29 juin 2019. Lors de l'enquête, il avait martelé qu'il pensait participer à un "jeu sexuel" avec un couple libertin rencontré sur le site Coco.fr. Selon lui, Dominique Pelicot l'avait prévenu que sa femme simulerait le sommeil. Une fois sur place, Husamettin Dogan affirme avoir fait l'objet de "menaces" de la part de l'ancien époux de la victime, que la défense a dépeint comme une "personnalité dominante" à la "symbolique paternelle".

"Je lui ai dit que ça allait être filmé"

"Je n'ai jamais forcé qui que ce soit à faire quoi que ce soit, je n'ai jamais dominé qui ce soit, [les hommes reçus chez lui] n'ont pas eu besoin de moi", a répondu Dominique Pelicot, interrogé longuement mardi après-midi. Contredisant la version de l'accusé, le septuagénaire a assuré l'avoir prévenu qu'il "recherch[ait] une personne pour abuser de [son] épouse, endormie par [ses] soins". "Je lui ai dit : pas de tabac, pas de violence, que ça allait être filmé... Tout un tas de choses qui ne laissaient aucun doute sur l'état" de la victime, a-t-il poursuivi. Enfin, il a nié que l'accusé ait pris la fuite pendant la soirée.

"Je l'ai raccompagné à l'entrée de la cuisine, où il s'est rhabillé, et il est parti. La fuite de nuit, sans connaître les lieux, ça me semble difficile."

Dominique Pelicot, instigateur des viols de Mazan

devant la cour d'assises du Gard

Questionné par les avocats de la défense, notamment sur les variations de son récit concernant cette soirée, l'ex-mari de Gisèle Pelicot a plusieurs fois refusé de répondre, renouvelant au passage ses excuses à sa famille.

"Les deux hommes agissent de manière très prudente"

Deux policiers ont également égratigné la version de l'accusé, tant sur son absence de connaissance de l'état de la victime que sur sa capacité à résister face à Dominique Pelicot. "Tout son comportement [sur les vidéos] démontre qu'il avait pleinement conscience de l'état de Gisèle Pelicot", a d'abord assuré Jérémy Bosse Platière, commissaire de police chargé de l'enquête à l'époque. "A un moment donné, la victime va légèrement bouger, et immédiatement Husamettin Dogan retire son sexe, se met sur le bord du lit et se fige. On comprend de manière assez explicite qu'il s'inquiète du réveil de la victime", a-t-il justifié.

"Je n'ai aucun doute sur le fait que [l'accusé] ait eu pleinement conscience de l'état de la victime."

Jérémy Bosse Platière, commissaire chargé de l'enquête

devant la cour d'assises du Gard

Sur les images, "il est clair que les deux hommes agissent de manière très prudente, minutieuse, de manière à ne pas faire de bruit", a ajouté le policier. "Ils chuchotent, ils ont des gestes mesurés de manière à ne pas brusquer la victime et manifestement dans l'intention de ne pas susciter le réveil." Le visionnage de certaines des quatorze vidéos des faits conservées par Dominique Pelicot, initialement prévu mardi, a été repoussé à mercredi faute de temps.

Quid des potentielles "menaces" qui auraient pu pousser Husamettin Dogan à agir sous les ordres de Dominique Pelicot ? Si ce dernier apparaît "directif" sur les images, a reconnu Jérémy Bosse Platière, il a estimé qu'il ne s'agissait pas "d'un rapport de domination" mais de "consignes" pour "guider" un "novice". Sur les vidéos, l'accusé "mâche du chewing-gum, il n'a pas l'air malheureux, il a l'air serein", a abondé Daouia Boumediene, ex-cheffe de brigade de la police judiciaire d'Avignon. "A un moment, c'est lui qui demande, par des gestes, à Dominique Pelicot de lever la jambe de sa femme, pour pouvoir la pénétrer plus facilement", rappelle-t-elle. Elle a confirmé que ce dernier avait évoqué des "menaces", mais "sans être capable d'expliquer en quoi elles constituaient". Le face-à-face entre Husamettin Dogan et Dominique Pelicot n'a finalement pas eu lieu, l'interrogatoire du premier ayant été repoussé à mercredi.

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