: Reportage "Rien ne change" : à Guyancourt, des jeunes habitants racontent leurs relations avec la police et les discriminations qu'ils subissent au quotidien
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Après les violences qui ont éclaté depuis la mort de Nahel, des habitants des quartiers populaires livrent leur vision des révoltes qui se multiplient en France. Ils racontent leur lassitude et colère face aux contrôles répétés de la police.
Un à un, ils arrivent, le pas pressé, dans les murs colorés de l'antenne de Guyancourt (Yvelines), de la mission locale de Saint-Quentin-en-Yvelines. Puis Marius, Lucas, Shawn, Léa, Rania, Elie*, Kevin et Amine s'asseoient autour d'une table en U. Tous les huit ont entre 18 et 23 ans. Trappes, Elancourt, Coignières, Plaisir… Ils habitent dans des communes des Yvelines où des émeutes ont éclaté depuis la mort de Nahel, ce jeune de 17 ans tué par un policier, mardi 27 juin. Sans filtre, ils livrent leur regard sur la situation, vendredi, et racontent leurs rapports avec la police, les contrôles quotidiens et décrivent les humiliations.
Magasins saccagés, écoles et voitures brûlées… Depuis plusieurs nuits, les scènes de violences se multiplient dans le pays. Pour Elie, 20 ans, les auteurs de ces faits sont très jeunes, autour de 15 ans. "Ils ont grandi dans les quartiers. Ils voient très bien que les plus grands ont déjà vécu ces violences avec la police, que rien ne change", raconte cet habitant de Guyancourt.
"On vient de la cité, ça ne sert à rien de prendre un micro et de parler. Il n'y a que comme ça qu'on peut se faire entendre."
Elie*, 20 ansà franceinfo
D'une voix grave et posée, le jeune homme raconte tous ces moments vécus avec les forces de l'ordre, où il s'est senti malmené, humilié, visé parce qu'habitant des quartiers. "Les bavures policières, il y en a tous les jours. Il y a toutes celles qui ne sont pas filmées, explique-t-il. J'entends toujours : 'Retourne chez toi' de la part de la police. Pour eux, je suis noir et sénégalais, je ne suis pas français", accuse-t-il.
"Certains policiers ont des problèmes avec certaines personnes"
D'autres, autour de la table, acquiescent. Ce genre d'expériences ne fait pas exception. "Je ne connaissais pas les contrôles de police. Mais quand je suis sorti de mon quartier, dans Paris, dans d'autres villes ou départements, j'ai compris comment ça se passait, j'ai vu qu'on se faisait plaquer au mur et qu'on se faisait insulter", relate Marius, 19 ans. Il raconte ces interpellations où son origine roumaine a été l'objet de moqueries, de discriminations. "Un jour, un policier m'a dit : 'Ah, encore un Arabe, toujours les mêmes !' Je l'ai regardé et je lui ai dit : 'Ah non monsieur, je suis roumain.' Il m'a dit : 'Ah ben, encore pire.' J'ai été vexé, mais je n'ai rien pu faire."
A ses côtés, Amine, 23 ans, qui habite à Elancourt, refuse de faire des généralités sur les policiers. Mais, déplore-t-il, les "mauvais" ont une influence sur ceux qui tentent "d'apaiser les choses". Lui aussi relate des contrôles au cours desquels les policiers n'hésitaient pas à le menacer : "J'étais respectueux, j'étais tranquille, je ne disais rien… Pourtant, on m'a dit : 'Si tu continues à faire le malin, je vais te mettre un rapport et dire que tu as craché par terre.' Et cracher par terre, c'est une amende…" "Certains policiers ont des problèmes avec certaines personnes : il y a des têtes qu'ils n'aiment pas. Des Blancs, comme moi, ils ne vont pas les contrôler… Je remarque qu'il y a davantage de contrôles sur les gens de couleur", dénonce Léa, 19 ans, qui aspire à devenir infirmière, grâce à l'aide des conseillers de la mission locale.
Tous se disent très satisfaits de ce dispositif d'accompagnement pour trouver un emploi. "Cela permet de se professionnaliser sans être discriminé parce que les intervenants sont à l'écoute, pas hypocrites et pas racistes", glisse Shawn, 19 ans, en référence à ce qu'il raconte avoir vécu lors d'entretiens d'embauche ou lors de sa scolarité. "J'essaye d'avoir un regard neutre", glisse-t-il en aparté. "Je comprends aussi que les policiers soient usés après les 'gilets jaunes', les manifestations… Qu'ils n'ont pas les moyens", étaye-t-il. Ils font face à des jeunes déterminés, estime son collègue Elie, qui pense que la situation n'est pas près de se calmer : "Ça va continuer comme en 2005."
*Le prénom a été changé à la demande de l'intéressé.
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