: Info franceinfo Exposition aux pesticides dans les fleurs coupées : une expertise pour évaluer les risques
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Le gouvernement a demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de lancer une expertise concernant l’exposition des fleuristes aux pesticides. Une initiative qui fait suite aux révélations de la cellule investigation de Radio France et du journal "Le Monde".
"Évaluer l’exposition des travailleurs aux agents chimiques dangereux dans le secteur des fleurs". Telle est la mission confiée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) par le gouvernement. Cette saisine, que la cellule investigation de Radio France et Le Monde se sont procurée, signée conjointement par le ministère du Travail et le ministère de l’Agriculture, marque un premier acte politique pour les fleuristes exposés aux résidus de pesticides présents dans les fleurs coupées vendues dans le commerce.
Cette expertise, commandée par le gouvernement, a été initiée par l’association écologiste Robin des Bois, membre du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité sanitaire. "Les ministères ont repris une saisine de Robin de bois, et ils l’ont élargie", explique Henri Bastos, directeur scientifique Santé Travail à l’Anses. "Il s’agit dans un premier temps de comprendre quels sont les risques auxquels sont soumis les professionnels. Dans un second temps, nous devrons identifier les mesures permettant de renforcer leur protection et émettre des recommandations sur des évolutions des différentes réglementations."
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Dans leur saisine, les ministères rappellent en effet qu’il n’existe aujourd’hui aucune réglementation relative aux résidus de pesticides sur les fleurs coupées vendues dans le commerce en France, plus de 80% d’entre elles étant importées de l’étranger, notamment d’Afrique de l’Est, où elles sont cultivées avec des produits interdits en Europe, car dangereux pour la santé.
"Les fleurs en provenance des pays tiers n’étant soumises à aucune réglementation, nous ne disposons pas d’informations concernant les substances utilisées et aucun contrôle n’est effectué", précisent ainsi les ministres, qui rappellent que les fleurs ne sont pas soumises au règlement européen qui définit des limites maximales de résidus pour les denrées alimentaires.
Patchs, analyses de sang et d’urine
Pour mener son expertise, l’Anses se basera notamment sur les études scientifiques déjà publiées sur le sujet. En Belgique, des chercheurs ont ainsi démontré que les professionnels de la fleur sont exposés à des niveaux de pesticides bien supérieurs aux niveaux considérés comme sûrs pour les travailleurs. Mais le travail du groupe d’experts, qui devrait être composé dans les prochaines semaines, ne sera pas que théorique. "Un protocole de mesures sur le terrain va être élaboré, nous allons faire des mesures pour voir si les fleuristes sont contaminés et nous pourrons nous appuyer pour cette campagne de tests sur les services des douanes, de l’inspection du travail et de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF)", explique Henri Bastos.
Concrètement, les différentes catégories de professionnels de la filière seront concernées par l'expertise, qu’ils travaillent en boutique ou chez les grossistes. "On pourrait leur mettre des patchs sur la peau ou faire des analyses de sang ou d’urine. Le but est de mesurer leur exposition réelle à des substances dangereuses. Il pourrait aussi y avoir des mesures de l’air que les professionnels respirent", rappelle Henri Bastos.
"On espère que les entreprises de la filière joueront le jeu, elles ont tout intérêt à le faire, car il en va de la santé de leurs salariés. Elles ont une responsabilité juridique."
Henri Bastos, directeur scientifique Santé Travail à l’Ansesà franceinfo
À l’issue de cette mission, l’ANSES devrait formuler des recommandations aux pouvoirs publics, avec de possibles évolutions de la réglementation. "Nous nous inscrivons dans une dynamique européenne puisque la réglementation sur la mise sur le marché des pesticides relève de Bruxelles", ajoute le directeur scientifique Santé Travail à l’Anses.
Le président de l’association Robin des Bois, Jacky Bonnemains, se réjouit du lancement de cette expertise : "Grâce à cette mission, les risques sanitaires pour toutes les parties prenantes de la filière horticole vont être connus et réduits. Ce levier permettra enfin d’offrir des fleurs sans mettre en danger la vie des fleuristes et de leurs enfants."
Sans le témoignage de Laure Marivain, la maman de la petite Emmy, dont le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a reconnu le lien entre le décès d’une leucémie à 12 ans et son exposition in utero à des pesticides, le lancement de cette expertise n’aurait sans doute pas vu le jour. Pourtant, elle peine à se réjouir : "C’est un premier pas, mais l’État est au courant du problème depuis longtemps, au moins 2017. Il aurait dû se saisir du sujet il y a plusieurs années déjà et ils n’ont rien fait. Et ça a des conséquences graves. Les fleuristes développent des pathologies graves, et nous, nous avons perdu notre fille. C’est dramatique. Si on attend que cette expertise soit menée à son terme, il y aura encore des gens qui vont tomber malades. Le système de protection doit être adapté dès aujourd’hui, il aurait dû l’être hier."
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Laure Marivain, et tous les professionnels des fleurs, devront pourtant patienter encore plusieurs mois. La saisine gouvernementale précise en effet que l’expertise se déroulera en trois phases et qu’elle durera au moins 21 mois.
Sollicitée par Le Monde et franceinfo, VALHOR, l’interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage n’a pas souhaité réagir, expliquant simplement avoir "mis en place des réunions techniques qui se tiendront dans les prochaines semaines".
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