Reportage Plus de 30% des fruits et légumes consommés en Suisse contiennent des traces d'additifs de pneus, "même dans des lieux très éloignés du trafic routier"

"On sait que cela peut être toxique", explique un chercheur de l'École polytechnique fédérale de Lausanne.

Article rédigé par franceinfo
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Un rayon de fruits et légumes frais dans un supermarché parisien, le 31 octobre 2022. (BENOIT DURAND / HANS LUCAS / AFP)
Un rayon de fruits et légumes frais dans un supermarché parisien, le 31 octobre 2022. (BENOIT DURAND / HANS LUCAS / AFP)

D’après des chercheurs suisses, des traces d’additifs utilisés pour la conservation des pneus ont été retrouvées dans 30% des fruits et légumes consommés dans le pays. C'est lié à l’usure des gommes sur la chaussée, qui relâchent ensuite des particules toxiques dans l’atmosphère. Et cela inquiète forcément les maraîchers. 

Les chercheurs sont formels : que les fruits et légumes soient bio ou pas, on retrouve des traces de 6PPD et 6PPD-quinone, deux antioxydants pour pneus, dans près d’un tiers des fruits et légumes en Suisse. "Je fais tout pour faire bien et finalement, il y a toujours quelque chose à côté", déplore Melvin, un jeune producteur près de Genève. Il tente de se rassurer comme il peut : "Nos terrains ne sont pas proches de la route, on est à la campagne donc s'il y a quatre voitures qui passent par jour, c'est le maximum"

Le problème, c'est qu'on retrouve ces substances partout, selon Florian Breider, chercheur à l’École Polytechnique fédérale de Lausanne"On retrouve des traces dans la plupart des légumes analysés. 30%, c'est quand même pas mal. On sait que ces particules-là, on peut les mesurer dans des lieux très éloignés du trafic routier. On a notamment fait des mesures dans des lacs de montagne, à haute altitude, où il n'y a pas du tout de trafic routier, et dans certains cas, même pas de chemin pédestre", explique-t-il.

"C'est une pollution qui se diffuse depuis les zones urbanisées où il y a du trafic vers l'environnement plus naturel".

Florian Breider, chercheur à Lausanne

à franceinfo

On ne sait pas grand-chose de la toxicité de ces produits sur l’être humain, mais il est avéré qu’ils sont responsables du déclin de la population de poissons, comme les saumons, aux États-Unis.

"On sait que cela peut être toxique, après, il y a d'autres composés, indique Florian Breider. Le problème actuellement, c'est qu'il y a très peu de données pour ces substances-là sur des mammifères. C'est une problématique qui est clairement globale, car on a des routes partout, on a des pneus partout. Et puis, dans les légumes qu'on a analysés, il ne faut pas oublier qu'on a par exemple des légumes italiens, espagnols, français. Donc les légumes qu'on a achetés et qui sont représentatifs du marché suisse, qui ne sont pas si différents probablement de ceux sur le marché en France ou dans d'autres pays européens. On risque de retrouver plus ou moins les mêmes résultats"

On estime que six millions de tonnes de ces additifs sont relâchées dans l’atmosphère chaque année, ce qui veut dire qu’on les inhale sans doute autant qu’on les ingère. Conscients du problème, plusieurs pays européens envisagent donc de limiter l’utilisation de la 6PPD et 6PPD-quinone par l’industrie. Les fabricants de pneus s’y préparent. Plusieurs alternatives sont actuellement à l’essai. 

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