"Polluants éternels" : quatre choses à savoir sur le TFA, retrouvé dans l'eau potable de nombreuses communes françaises

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
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De acide trifluoroacétique (aussi appelé TFA) a été découvert dans 24 des 30 échantillons d'une étude. (THOMAS TRUTSCHEL / AFP)
De acide trifluoroacétique (aussi appelé TFA) a été découvert dans 24 des 30 échantillons d'une étude. (THOMAS TRUTSCHEL / AFP)

Le magazine "UFC-Que Choisir" et l'ONG Générations Futures ont révélé une étude sur la présence de ce PFAS dans l'eau du robinet. Ils demandent l'adoption de normes "plus strictes et protectrices".

L'eau de votre robinet est-elle contaminée ? Une enquête réalisée par le magazine UFC-Que Choisir et l'ONG Générations futures révèle, mercredi 23 janvier, la présence massive de polluants éternels (PFAS) dans 96% des échantillons d'eau potable prélevés dans 30 communes françaises. Parmi ces composés chimiques, l'un d'entre eux a été retrouvé en quantités particulièrement importantes : l'acide trifluoroacétique (TFA). Voici ce qu'il faut savoir sur ce polluant éternel qui pourrait déjà se trouver dans votre verre d'eau.

Un "polluant éternel" issu d'un herbicide

L'acide trifluoroacétique (TFA) fait partie de la grande famille des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Ces "polluants éternels" englobent des milliers de composés chimiques différents, regroupés non pas à cause d'un même niveau de toxicité, mais en raison de leur liaison carbone-fluor très stable qui implique une forte persistance dans l'environnement.

Cette caractéristique les a rendus très utiles pour l'industrie, qui les utilise depuis les années 1950 pour fabriquer des objets résistants à la chaleur, imperméables ou encore antiadhésifs. Concrètement, on les retrouve dans des poêles, des vêtements de sport, des emballages de fast-food, des mousses anti-incendie ou des pesticides.

L'acide trifluoroacétique (TFA) est souvent issu de la dégradation d'un herbicide : le flufénacet. "C'est la plus petite molécule de cette grande famille", explique Fabrizio Pariselli, directeur de l'unité CNRS de prévention du risque chimique. Sa petite taille la rend très volatile. "On peut la détecter dans l'atmosphère et dans l'environnement à des distances éloignées de l'endroit où elle a été générée ou produite", complète le chercheur.

Une molécule présente (presque) partout

Petits villages, grandes métropoles, à proximité de sites industriels ou de cours d'eau pollués... Générations futures et l'UFC-Que Choisir ont effectué des prélèvements d'eau potable dans une grande diversité de localités en France métropolitaine. Le TFA était présent presque partout : dans 24 communes sur les 30 représentées.

Sur le podium des villes les plus touchées, on retrouve la petite commune de Moussac dans le Gard (13 000 ng/l). Elle est suivie par le 10e arrondissement de Paris (6 200 ng/l), et Bruxerolles dans la Vienne (2 600 ng/l). A noter que Moussac se situe près de Salindres, où une usine du groupe Solvay produisait du TFA jusqu'en septembre dernier.

A un niveau individuel, il est actuellement difficile de s'en prémunir complètement. En effet, le TFA est "moins bien retenu" que d'autres PFAS par les techniques de décontamination de l'eau, selon Julie Mendret, chercheuse à l'université de Montpellier. "Il n'y a pas de solution miracle à proposer aux consommateurs", car "l'eau en bouteille est aussi contaminée et les filtres ne sont pas efficaces", confirme Pauline Cervan, toxicologue de Générations futures. Pour l'ONG, ce sont donc aux autorités d'appliquer un principe de précaution.

Un niveau de dangerosité en question

De nombreuses recherches sont en cours sur les "polluants éternels", mais la diversité des molécules étudiées rend ce travail titanesque. Une chose est sûre : "Plus la science étudie ces substances, plus elle en découvre des effets délétères sur la santé", note l'UFC-Que Choisir.

Concernant le TFA, "c'est une substance qui n'a pas été très étudiée pour le moment", confirme Fabrizio Pariselli. Le chercheur précise qu'une évaluation est en cours au niveau européen. Et pour cause : ce composé chimique pourrait s'attaquer au foie et présenter des risques de malformations à la naissance. Cependant, il ne serait pas "aussi dangereux que les PFOA ou PFOS", interdits en Europe depuis plusieurs années, selon l'étude.

Une législation en pleine évolution

Les normes sur les PFAS sont en pleine évolution ces dernières années, au fil des avancées des recherches scientifiques. Au niveau international, seuls trois PFAS ont d'ores et déjà été interdits ou restreints : le PFOS (en 2009), le PFOA (en 2020) et le PFHxS (en 2022).

En 2026, la France devra également appliquer  une directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Cette norme européenne prévoit de limiter la présence de 20 PFAS réglementés à 100 nanogrammes par litre. Mais pour le moment, le TFA ne fait pas partie de la vingtaine de "polluants éternels" jugés prioritaires par l'Union européenne. Si tel était le cas, le TFA dépasserait le seuil autorisé pour 20 des 30 échantillons.

"Ce qui manque aujourd'hui ce sont les seuils de sécurité. On ne sait pas quels sont les niveaux sans danger de concentration de ces substances dans les aliments ou l'eau potable."

Fabrizio Pariselli, toxicologue

à franceinfo

Face à ces incertitudes, l'UFC-Que Choisir et Générations futures demandent l'intégration du TFA dans le plan de contrôle de l'eau, l'adoption de normes "plus strictes et protectrices", le renfort des contrôles sur les rejets industriels et l'interdiction des pesticides classés comme PFAS. Une proposition de loi visant à restreindre la fabrication et la vente des PFAS, adoptée en première lecture au printemps 2024 par les députés, doit à nouveau être soumise au vote des parlementaires le 20 février. Au niveau européen, un projet de restriction est également à l'étude.

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