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"Polluants éternels" : que contient la loi sur l'interdiction des PFAS, adoptée définitivement par le Parlement ?

Le texte vise à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant ces polluants. Mais les ustensiles de cuisine ne sont plus concernés, après l'examen en première lecture des députés.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le député écologiste Nicolas Thierry lors de l'examen de la proposition de loi sur l'interdiction des PFAS, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 4 avril 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Le député écologiste Nicolas Thierry lors de l'examen de la proposition de loi sur l'interdiction des PFAS, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 4 avril 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

La France devient pionnière dans la lutte contre les "polluants éternels". L'Assemblée nationale a adopté définitivement jeudi 20 février, la proposition de loi des écologistes visant à restreindre la fabrication et la vente de produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylés (PFAS). Le texte, soutenu par la gauche et la coalition gouvernementale, contre le RN, a été approuvé dans les mêmes termes qu'au Sénat, par 231 voix contre 51, et va désormais pouvoir entrer en vigueur.

Les substances per- et polyfluoroalkylés sont des composés chimiques de synthèse intégrant du fluor. Il en existe entre 10 000 et 14 000 selon les estimations, dont deux, le PFOA et le PFOS, particulièrement répandues. Massivement présents dans la vie courante (poêles antiadhésives, emballages alimentaires, textiles...), ces PFAS confèrent aux produits concernés des caractéristiques recherchées par les industriels mais elles sont très peu biodégradables, d'où leur surnom de "polluants éternels".

Leurs conséquences sur la santé sont de plus en plus documentées. En s'accumulant sur le long terme et à forte dose, certains PFAS peuvent engendrer des cancers (testicule, prostate, rein), provoquer des troubles de la croissance ou encore des défaillances du système immunitaire, avec un risque marqué pour les femmes enceintes et les fœtus. On vous explique le détail des mesures prévues par le texte.

Une interdiction dans les vêtements et textiles

L'article principal du texte présenté par le député écologiste Nicolas Thierry interdit à partir du 1er janvier 2026 la fabrication, l'importation, l'exportation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart (produit dont on enduit la semelle des skis pour améliorer la glisse) ou produit textile d'habillement contenant des PFAS. Le texte prévoit cependant des exceptions. Ainsi, les vêtements de protection pour les professionnels de la défense nationale et de la sécurité civile, dont la liste sera précisée par décret, bénéficient d'une dérogation.

A compter du 1er janvier 2030, la fabrication, l'importation, l'exportation et la vente de tous les textiles contenant des PFAS (et plus seulement les vêtements) seront également interdites si la proposition de loi est définitivement adoptée. Il s'agit par exemple de certains tapis ou certaines moquettes, traités pour résister aux tâches et à l'eau, des revêtements de canapés ou de fauteuils, ou encore des textiles d'extérieur, comme les tentes et les bâches qui peuvent contenir des PFAS pour leurs propriétés imperméabilisantes.

Les ustensiles de cuisine finalement pas concernés

L'application de l'interdiction aux ustensiles de cuisine, initialement prévue dans le texte, a été supprimée par les députés en première lecture. Elle ne fait donc plus partie de la proposition de loi examinée à l'Assemblée jeudi 20 février. Plusieurs élus du Rassemblement national, des Républicains et du camp présidentiel se sont montrés sensibles aux arguments des fabricants concernant les risques pour l'emploi. Le groupe SEB avait sonné l'alarme cette semaine pour pointer la menace qu'une telle loi ferait peser sur quelque 3 000 salariés de ses usines de Rumilly (Haute-Savoie) et de Tournus (Saône-et-Loire), qui fabriquent notamment les poêles Tefal.

En avril dernier, lors de la première lecture du texte, les élus macronistes avaient proposé de repousser l'interdiction concernant ces produits de 2026 à 2030. Un report jugé trop important par les écologistes, qui ne voulaient pas aller au-delà de 2027. La majorité avait alors répliqué en supprimant purement et simplement l'alinéa de la discorde, faisant vivement réagir à gauche. "Encore une fois", le camp présidentiel aura "cédé au lobbying, au détriment de la santé des Français. C'est une honte", avaient réagi les députés écologistes, tandis que l'association Générations futures avaient déploré une "victoire du lobby à la poêle à frire".

Des contrôles et un plan de réduction dans l'eau potable

Toujours dans le premier article, figure l'obligation d'inclure le contrôle de la présence des PFAS dans les analyses des eaux destinées à la consommation humaine. Un décret devra déterminer la liste des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées à contrôler dans l'eau potable.

De plus en plus d'organismes, de communes et d'associations traquent déjà les niveaux de ces polluants dans les eaux du robinet. C'est notamment le cas à Montpellier et Nîmes ou dans le Haut-Rhin. Et pour cause: une enquête de la cellulle investigation de Radio France a révélé, en septembre, que 43% des échantillons d'eau du robinet testés dans toute la France  contiennent des PFAS.

L'article premier de la proposition de loi prévoit aussi que la France se dote d'une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets de PFAS des installations industrielles. Le gouvernement devra également se doter d'un plan d'action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux potables, "dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi".

L'application du principe pollueur-payeur

Parmi les autres mesures prévues, l'article 2 prévoit l'application du principe pollueur-payeur, avec une taxe visant les industriels, malgré l'opposition du gouvernement. En clair, le texte propose d'ajouter les PFAS à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l'eau. "Cet argent irait aux agences de l'eau qui géreraient un fonds pour accompagner les collectivités dans la dépollution", a expliqué le député Nicolas Thierry. "Le seuil de perception de la redevance est fixé à 100 g. Le taux de la redevance est fixé à 100 euros par 100 g", précise le texte.  

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