Canicule : pourquoi le bilan de la surmortalité liée aux fortes chaleurs ne sera pas connu avant plusieurs mois
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Les autorités sanitaires diffuseront dans quelques semaines une première estimation du nombre de décès en excès survenus durant la période de vigilance orange ou rouge. Mais il s'agit d'une donnée partielle, toutes ces morts n'étant pas dues à la canicule.
La France reprend son souffle, avant de compter ses morts. L'épisode de canicule qui a touché la quasi-totalité de l'Hexagone touche lentement à sa fin, samedi 5 juillet, avec dix départements maintenus en vigilance orange, contre 16 en rouge et 68 en orange mardi. Entamée dès le 20 juin, cette période de fortes chaleurs doit se terminer lundi en Corse. Elle risque de laisser derrière elle un lourd bilan humain, dont l'ampleur ne sera pas connue avant plusieurs semaines.
"C'est trop tôt pour faire un bilan", a prévenu la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, sur BFMTV. Quatre premiers décès potentiellement liés à la chaleur ont déjà été rapportés par la presse à Besançon, Grenoble et Auxerre. Deux d'entre eux ont même été repris à son compte par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Mais "il m'est impossible de confirmer que les deux décès [à Besançon] soient en lien avec la canicule", a temporisé le parquet local, affirmant que l'un des deux n'était "absolument pas en lien avec la chaleur". L'entourage d'Agnès Pannier-Runacher a ensuite reconnu "une maladresse" et un empressement de la ministre.
Car l'attribution des décès est souvent difficile voire impossible. A chaque canicule, des patients meurent d'un coup de chaleur (hyperthermie) ou d'un manque d'eau dans le corps (déshydratation), mais ces situations ne donnent qu'un aperçu réducteur de la surmortalité liée aux températures. "La chaleur a un effet sur les systèmes cardiaque, respiratoire, rénal, sur la santé neurologique... On ne peut donc pas identifier les décès liés aux canicules en ne prenant en compte que les hyperthermies", souligne Mathilde Pascal, épidémiologiste à l'agence Santé publique France, dans Le Figaro. "Il faut donc passer par la modélisation."
De premiers chiffres d'ici fin juillet
Pour connaître l'impact des températures élevées de ce début d'été, il faudra attendre la seconde quinzaine de juillet, le temps pour les autorités sanitaires de déployer leurs modèles statistiques. Deux semaines après la fin de la vigilance orange, Santé publique France livrera sa première estimation de "l'excès de mortalité toutes causes". Il s'agira d'évaluer l'écart entre le nombre de décès moyen habituellement observé à cette période de l'année et le nombre de morts enregistré au cours de cet épisode particulier de canicule, tous motifs de décès confondus.
Cet indicateur, réalisé à partir des données d'état civil transmises par les communes, est calculé par département. Il tient compte des périodes de vigilance dans chaque territoire touché, "rallongées de trois jours pour tenir compte des effets retardés de la chaleur sur la mortalité", qui peuvent parfois même s'étendre sur dix jours, explique l'agence sanitaire sur son site. Une fois la modélisation terminée, des données nationales peuvent être livrées, avec une difficulté majeure : l'excès de mortalité toutes causes ne permet pas de distinguer la surmortalité provoquée par la chaleur et la surmortalité causée par d'autres facteurs, comme le Covid-19 il y a quelques années. Cette méthode fait seulement "l'hypothèse" que la chaleur est "la cause principale des excès observés".
Pour contourner cette limite, Santé publique France a développé depuis trois ans un second indicateur, plus précis, mais plus lent : l'estimation de "mortalité attribuable à la chaleur". Il s'agit cette fois de mettre en perspective la mortalité observée chaque jour dans les départements métropolitains avec les températures quotidiennes relevées localement dans les stations météo de référence.
Un vrai bilan pas avant 2026
Quand disposera-t-on de ces résultats consolidés sur la mortalité imputable à la chaleur ? Sans doute pas avant l'hiver prochain. Il a fallu attendre le mois de mars 2025 pour que le bilan de l'été 2024 soit publié par l'agence. Santé publique France a alors répertorié 3 711 décès attribuables à la chaleur du 1er juin au 15 septembre 2024 (contre plus de 5 000 en 2023 et plus de 10 000 en 2022, qui avaient été deux étés plus chauds). Moins de 20% de ces morts sont survenues durant des épisodes de canicule, un chiffre révélateur de la forte mortalité liée à la chaleur en dehors des périodes ponctuelles de vigilance orange ou rouge (qui demeurent toutefois les plus fatales).
"Chaque année, la chaleur représente de 1 à 4% de la mortalité estivale et de 7 à 12% de la mortalité pendant les canicules."
Santé publique Francesur son site
Parmi les 34 000 décès attribués à la chaleur depuis 2017, "les personnes âgées de 75 ans et plus demeurent la classe d'âge la plus vulnérable, mais un tiers des décès (...) concerne des classes d’âge plus jeunes et a priori moins vulnérables", ajoute l'agence sanitaire.
En attendant de connaître l'impact sur la mortalité en 2025, de premières données de morbidité estivale ont été dévoilées par Santé publique France. Ce mois de juin, le deuxième le plus chaud de l'histoire, s'est conclu par une nette hausse des passages aux urgences pour hyperthermie, déshydratation ou hyponatrémie (faible taux de sodium dans le sang). Cette tendance s'est probablement renforcée durant les premiers jours de juillet. Le prochain point hebdomadaire des autorités sanitaires, prévu le 9 juillet, devrait le confirmer.
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