Fréquence, prévisibilité... Quatre questions qui se posent sur le phénomène des tornades en France, après les vents violents qui ont frappé le Val-d'Oise
Une tornade a notamment touché la ville d'Ermont, dans la soirée de lundi. Une personne a été tuée et neuf autres ont été blessées.
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Trois grues tombées, des toits d'habitations arrachés... Un épisode venteux "soudain et violent" a touché le Val-d'Oise, lundi 20 octobre en fin d'après-midi, a rapporté le préfet du département, Philippe Court. Le représentant de l'Etat a évoqué "une sorte de mini-tornade", qui a particulièrement touché la ville d'Ermont. Une personne a été tuée par ces vents violents, tandis que neuf autres personnes ont été blessés, dont quatre en urgence absolue, d'après la préfecture.
"On n'a jamais vu un phénomène comme celui-là, une tornade digne des pires films américains", a témoigné sur ICI Paris Ile-de-France le maire (DVD) d'Ermont, Xavier Haquin. Mardi matin, il a décrit une ville "avec des toits arrachés, des fenêtres explosées, des voitures retournées, des arbres en travers", demandant "dès aujourd'hui" la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour Ermont.
De telles tornades sont-elles régulières en France, et à quel point sont-elles prévisibles ? Franceinfo répond à quatre questions qui se posent après cet épisode de vents violents meurtrier.
1 Comment les tornades se forment-elles ?
La tornade est "une colonne d'air tourbillonnante", "rendue visible par les gouttelettes de condensation qui y naissent ou par la poussière et les débris qu'elle aspire", rappelle Météo-France. Elles sont "produites par les orages" et les plus graves "sont générées au sein des supercellules". Ces "supercellules" sont des cellules orageuses "intenses, dont la durée de vie peut excéder plusieurs heures". Une telle cellule "prend un mouvement rotatif" dans des environnements où "les vents varient en vitesse et en direction sur la verticale", poursuit l'organisme météorologique. Dans ces cas, elle est "propice à la formation de vents violents tourbillonnaires".
Lundi, la cellule orageuse à l'origine de la tornade dans le Val-d'Oise "a présenté une dimension réduite, mais une forte activité, en s'organisant sous la forme d'une supercellule à sommets bas", précise Keraunos, l'observatoire français des orages et tornades. Cette cellule "s'est formée plusieurs heures plus tôt dans l'ouest du pays, mais s'est réellement renforcée en passant au nord de Dreux, vers 16h30". Elle a ensuite gardé "une très forte activité" en atteignant les Yvelines, puis le Val-d'Oise.
Pour Keraunos, ce contexte "était identifié comme propice aux tornades" lundi. L'organisme précise que le bulletin de prévisions, lundi matin, "mentionnait d’ailleurs ce risque, avec un niveau de risque plus sensible, entre autres sur le Val-d'Oise et l'Oise". La dernière tornade recensée dans le département du Val-d'Oise date de juillet 2003.
2 Quelle est la fréquence des tornades en France ?
D'après Météo-France, les tornades sont "surtout observées en période estivale, entre mai et octobre". En France, les risques de tels vents violents sont plus élevés dans les régions du Nord, du Nord-ouest et le long de la côte méditerranéenne, précise l'organisme. "Contrairement aux idées reçues, la France n'est pas à l'abri de ces phénomènes extrêmes", souligne l'observatoire Keraunos. En près de vingt ans, l'organisme a observé entre 20 et 30 tornades en moyenne par an en France. Néanmoins, "les cas les plus faibles peuvent encore échapper au recensement". Il est donc "raisonnable" d'estimer plutôt entre 40 et 50 le nombre de tornades chaque année sur le territoire, note l'observatoire. La plupart d'entre elles sont de faible intensité.
"Avec une cinquantaine de tornades chaque année, la France compte parmi les régions du globe régulièrement exposées au risque de tornade."
L'observatoire Keraunosdans un article sur son site
Keraunos a recensé en France deux tornades de la plus grande intensité (EF5 sur l'échelle de Fujita améliorée) : une à Montville (Seine-Maritime) en 1845, et une autre à Palluel (Pas-de-Calais) en 1967. Quatorze tornades d'intensité EF4 ont en outre été observées, dont celle du 3 août 2008 à Hautmont (Nord). Il s'agissait, avant l'épisode à Ermont lundi, de la dernière tornade meurtrière dans le pays – trois personnes avaient alors péri.
3 Leur fréquence et leur intensité évoluent-elles, notamment avec le réchauffement climatique ?
Pierre Mahieu, cofondateur de l'observatoire Keraunos, note auprès de franceinfo une "fréquence assez stable" du nombre de tornades en France ces dix à quinze dernières années, avec quelques variations notables (un plus grand nombre en 2014, beaucoup moins en 2011...). "Il n'y a pas d'évolution sur la moyenne", observe-t-il.
L'intensité de ces phénomènes et leur gravité évoluent-elles néanmoins ? "Les dégâts matériels augmentent, car il y a de plus en plus d'occupation des sols. Et le nombre de victimes suit l'urbanisation", commente Pierre Mahieu. La tornade dans le Val-d'Oise, lundi, a été particulièrement grave parce qu'elle "a touché une zone urbaine".
A ce stade, une corrélation entre ces phénomènes de vents violents et le changement climatique "ne peut pas être prouvée", poursuit le cofondateur de Keraunos. Un lien n'est pas à exclure, mais certaines années plus froides ont par exemple montré "des cas de forte intensité", note le spécialiste.
"Nous ne pouvons pas directement lier tornades et réchauffement climatique. Nous pouvons le faire pour la grêle, pour les fortes pluies en Méditerranée par exemple. Les tornades sont très complexes."
Pierre Mahieu, cofondateur de l'observatoire Keraunosà franceinfo
Auprès du Parisien, le météorologiste Guillaume Séchet remarque néanmoins que "la fréquence des tornades est liée à la puissance des éléments, qui elle-même est liée aux températures".
4 A quel point ces tornades sont-elles prévisibles ?
"Les tornades sont difficilement observables avec les instruments météorologiques actuels", note Météo-France, évoquant notamment "leur formation rapide et leur durée de vie très courte". La prévision de ces phénomènes se réalise en même temps que celle des orages, poursuit l'organisme : "On cherche aujourd'hui à prévoir un risque de phénomène tornadique associé aux orages à l'échelle d'un département."
"Quelques jours avant, nous pouvons avoir une tendance, [noter] un territoire avec un risque", développe Pierre Mahieu. "Le jour J [avec le bulletin de prévisions], nous affinons la zone et le risque. Et nous précisons le niveau d'intensité du risque", ajoute-t-il, précisant que ce niveau était de deux sur quatre pour le Val-d'Oise. Ensuite, "nous avons un suivi en temps réel des orages. Nous projetons le déplacement de la cellule [orageuse], nous pouvons identifier les zones touchées par un phénomène violent", détaille-t-il.
"La projection peut être à l'échelle d'une commune, avec deux ou trois kilomètres d'incertitude, voire un peu plus."
Pierre Mahieu, cofondateur de l'observatoire Keraunosà franceinfo
Le spécialiste souligne que cette dernière étape, ce suivi en temps réel, doit davantage "se professionnaliser" pour gagner en précision. Le rôle de l'observatoire Keraunos reste néanmoins "purement informatif" : "il n'y a pas de système d'alerte" une fois que ces prévisions plus précises sont diffusées.
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