Météo : les épisodes méditerranéens seront-ils plus intenses et plus nombreux en France d'ici à 2050 ?

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz, Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Un orage au-dessus de Marseille (Bouches-du-Rhône), le 19 mai 2020. (FLORIAN LAUNETTE / MAXPPP)
Un orage au-dessus de Marseille (Bouches-du-Rhône), le 19 mai 2020. (FLORIAN LAUNETTE / MAXPPP)

Alors que le nombre de phénomènes violents a déjà doublé en cinquante ans, leur intensité pourrait encore augmenter dans les décennies à venir.

Après les feux et les sécheresses de la saison estivale, l'automne est marqué par les premières inondations dans le sud-est de la France. Cette spectaculaire alternance d'événements extrêmes s'est manifestée par des pluies diluviennes qui ont frappé, dimanche 21 septembre, les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et le Var.

Dans ces trois départements, les habitants sont habitués aux épisodes méditerranéens. Auparavant appelés "épisodes cévenols", ces phénomènes concernent une zone restreinte et se produisent lorsque des masses d'air chaudes et humides s'évaporent de la mer Méditerranée, se transforment en nuages, se heurtent au relief, et stagnent tout en déversant des trombes d'eau sur un temps très court, expose Météo-France.

Mais l'épisode qui a semé le chaos dans un chapelet de villes réparties le long d'une "ligne orageuse" allant d'Avignon (Vaucluse) à Hyères (Var) a surpris par sa virulence. "On est habitués, mais là, c'est la première fois que c'était d'une telle violence", a réagi la maire de Cassis (Bouches-du-Rhône), Danielle Milon, auprès de France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur. Rues inondées, voitures immergées, rencontres sportives annulées à Marseille et à Toulon… Si les intempéries n'ont pas fait de victimes dans cette région, elles ont à nouveau illustré l'ampleur de l'exposition de ce territoire densément peuplé aux effets du réchauffement global.

Des épisodes de plus en plus violents…

Il faut en général quelques jours pour que les scientifiques qui étudient le climat déterminent dans quelle mesure un phénomène météorologique particulier est attribué au changement climatique. Mais indépendamment de ces travaux, les données recueillies au fil des ans par Météo-France permettent déjà d'affirmer deux choses : d'une part, les fortes précipitations se sont intensifiées depuis cinquante ans et, d'autre part, la fréquence des épisodes méditerranéens les plus forts est en augmentation. "Les événements qui dépassent les 200 mm [de précipitations] en vingt-quatre heures sont deux fois plus nombreux aujourd'hui que dans les années 1960", écrit l'agence, qui note que le nombre d'événements relevés varie fortement d'une année sur l'autre.

"Plus la température de l'atmosphère et la température de la mer augmentent, plus les conditions sont propices aux épisodes méditerranéens extrêmes", résume Joël Guiot, chercheur émérite au CNRS et coprésident du Groupe régional d'experts sur le climat, Grec-Sud, un organisme qui produit, à la manière du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), des rapports scientifiques sur le réchauffement climatique dans le sud de la France.

Plus la surface de la mer est chaude, plus l'eau s'évapore dans l'atmosphère. A son tour, plus l'atmosphère est chaude, plus elle est capable de retenir l'humidité. "On mesure une augmentation de 7% de l'humidité dans l'atmosphère par degré supplémentaire", détaille Joël Guiot. Il rappelle qu'aux abords de la Méditerranée, "le changement climatique a déjà provoqué localement une hausse de 2°C [depuis le début de l'ère pré-industrielle]. Cela fait donc 14% d'humidité en plus dans l'atmosphère".

En se préparant à vivre avec +4°C d'ici à 2100 (avec une étape à 2,7°C en 2050), la France doit s'attendre, selon Météo-France, à des pluies plus fortes de 15% en moyenne, et jusqu'à +20% pour la partie nord. Les projections montrent une "poursuite de l'intensification" des épisodes méditerranéens, explique à franceinfo Cécile Caillaud, chercheuse à Météo-France. En effet, le sixième rapport du Giec anticipe une augmentation de l'intensité des pluies extrêmes sur le nord-ouest de la Méditerranée, en lien avec le réchauffement climatique.

… mais dont la fréquence reste (pour l'heure) imprévisible

Des épisodes plus intenses, donc. Mais quid de leur fréquence ? Pour Cécile Caillaud, la question reste en suspens. "Nous n'avons pas d'évolution claire dans le nombre total d'épisodes méditerranéens. Il ne suffit pas qu'il fasse chaud et que la mer soit chaude : il faut des conditions [de circulation atmosphérique] à grande échelle soient plus favorables [à leur émergence], explique l'experte. Et nous n'avons pas vraiment de signal qui montrerait davantage de situations de ce type".

Reste que si l'intensité augmente, et que la fréquence reste la même, il sera mécaniquement observé une hausse du nombre de phénomènes violents, souligne Cécile Caillaud. Mais impossible de savoir si le nombre de cas violents dans les prochaines décennies va augmenter dans les mêmes proportions que depuis les années 1960.

Le brouillard dans lequel se trouvent les scientifiques devrait rapidement se dissiper. De nouveaux simulateurs sont désormais "capables de représenter de manière réaliste les épisodes méditerranéens, ce qui permet une confiance accrue dans leur réponse au changement climatique", écrit Météo-France. "Ce sont des modèles très coûteux, nous n'avons pas encore beaucoup de simulations, mais cela viendra dans les prochaines années", prévoit Cécile Caillaud.


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