Enquête Ville futuriste en plein désert : pourquoi l'Arabie saoudite "débranche" EDF du projet Neom

Radio France
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Prévu initialement pour mesurer 170 km, The Line, la "ville immeuble" saoudienne ne devrait finalement faire que 2,4 km de long. (NEOM)
Prévu initialement pour mesurer 170 km, The Line, la "ville immeuble" saoudienne ne devrait finalement faire que 2,4 km de long. (NEOM)

L'an dernier, la cellule investigation de Radio France révélait qu'EDF allait construire une centrale hydroélectrique dans la mégalopole futuriste de Neom, en plein désert saoudien. Cette centrale ne verra finalement pas le jour. Les Saoudiens ont revu leurs ambitions à la baisse.

Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane a-t-il vu trop grand ? Neom, son ambitieux projet de mégalopole futuriste, qui devait voir le jour à l'horizon 2030, semble avoir du plomb dans l'aile. Il a été annoncé au monde entier à grand renfort d'images de synthèse en 2017.

Il est censé regrouper une station de ski (Trojena, où auront lieu les Jeux asiatiques d'hiver 2029), une île de luxe pour les touristes sur la mer Rouge (Sindalah), un complexe industriel avec un port flottant (Oxagon) et surtout : "The Line", la "ville immeuble", façon Cinquième Élément, le film de Luc Besson. Elle devait culminer à 500 mètres de haut (soit une fois et demie la taille de la tour Eiffel) et s'étendre sur 170 kilomètres. On en est loin. D'après Bloomberg, The Line ne devrait mesurer que... 2,4 kilomètres.

"Cet abandon [du projet] est une bonne nouvelle"

Les Saoudiens ont réduit leurs ambitions. La faute notamment aux incidents graves et répétés sur le chantier et à l'explosion des coûts, documentés par le Wall Street Journal. Conséquence directe, EDF qui devait y construire une centrale hydroélectrique, comme l'a révélé l'an dernier la cellule investigation de Radio France, a été écarté du projet par les Saoudiens. Le courrier des responsables de Neom est arrivé en mars dernier à la direction internationale d'EDF. Il est écrit que Neom réduit la voilure et que pour alimenter la mégalopole en électricité, "un mix de panneaux photovoltaïques, d'éolien et de batteries devrait suffire". Plus besoin de centrale hydroélectrique.

Au centre d'ingénierie hydraulique d'EDF Hydro à la Motte-Servolex (Savoie), où 30 à 40 personnes travaillaient sur ce projet de centrale depuis plusieurs années, on a acté la fin du contrat. Avec un certain soulagement. "Cet abandon est une bonne nouvelle parce que les salariés ne seront plus en porte à faux vis-à-vis de ce projet", estime Florian Chollet, délégué CGT à EDF Hydro. "Cela va permettre de libérer des heures pour que les agents travaillent sur des projets internes à EDF ou sur d'autres projets à l'international"

"Contraire à nos missions"

La cellule investigation de Radio France avait documenté l'an dernier le malaise des salariés, qui voyaient dans Neom un projet "délétère", dans lequel "on joue au golf et on organise des Jeux d'hiver au milieu du désert". "C'est contraire à nos missions", entendait-on au centre d'ingénierie hydraulique, où Neom était perçu comme une mégalopole pour "ultra-riches".

Il n'empêche que construire une centrale hydroélectrique dans le désert saoudien représentait un défi technique qui faisait aussi rêver certains ingénieurs. Il aurait fallu pomper l’eau dans la mer, la dessaler et l'acheminer par pipeline. "Il y a des agents qui ont passé 3 ou 4 ans sur ce projet. Du jour au lendemain, ça s'arrête sans prévenir. Ça peut être violent et déprimant", commente pour sa part Stéphane Bon-Mardion, également représentant CGT à EDF Hydro. La direction d’EDF n'a pas souhaité commenter officiellement l'arrêt de son contrat avec Neom.


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