Eclairages, satellites Starlink... A l'occasion de la nuit des étoiles, astronomes et associations écologistes alertent sur la pollution lumineuse
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L'Association française d'astronomie tire la sonnette d'alarme sur ce phénomène qui a de graves conséquences sur l'environnement et la santé humaine.
Chaque année, c'est l'occasion de lever les yeux vers le ciel pour observer les étoiles. Les 1er, 2 et 3 août, auront lieu les nuits des étoiles, un événement organisé chaque année par l'Association française d'astronomie (AFA). C'est l'occasion d'inciter le grand public à profiter des vacances d'été pour découvrir les astres et le ciel nocturne, grâce à l'une des 500 manifestations organisées un peu partout sur le territoire, ou simplement en s'installant sur un transat dans son jardin. Mais l'AFA profite aussi de l'événement pour attirer l'attention sur un phénomène méconnu : la pollution lumineuse, c'est-à-dire la présence excessive d'éclairage artificiel la nuit, notamment en ville.
Cette pollution ne cesse d'augmenter globalement dans le monde, comme le révèle une étude publiée en 2023 dans la revue Science. Selon les chercheurs, la luminosité moyenne du ciel nocturne a grimpé de près de 10% entre 2011 et 2022. En cause : la multiplication des points d'éclairages publics (les réverbères dans les rues par exemple), dont le nombre a augmenté de près de 90% entre 1992 et 2012 en France, selon une étude de l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturnes (ANPCEN). L'éclairage privé comme les enseignes lumineuses des commerces, les vitrines ou les éclairages de logements, est également pointé du doigt.
"Une véritable disparition du ciel nocturne"
Et les astronomes, professionnels ou amateurs, sont en première ligne pour constater cette augmentation. "On assiste à une véritable disparition du ciel nocturne, explique Olivier Las Vergnas, président de l'Association française d'astronomie. Il y a cinquante ans, en se promenant un peu partout dans la campagne, on voyait très facilement la Voie lactée par exemple, aujourd'hui ce n'est plus le cas." Ainsi, selon une étude publiée en 2016, toujours dans Science, 60% des Européens ne peuvent plus observer la Voie lactée aujourd'hui à cause de la pollution lumineuse. "Là où c'est le plus frappant, c'est en banlieue des grandes villes et des villes moyennes, détaille Olivier Las Vergnas. On constate qu'on a perdu toute possibilité d'observer ce qu'on appelle le ciel profond, c'est-à-dire les étoiles faibles, la Voie lactée ou les étoiles filantes quand il y en a."
D'autant que depuis un peu plus de cinq ans, les astronomes constatent un nouveau type de pollution lumineuse, venue non plus du sol mais du ciel : les satellites servant à fournir un accès à Internet à très haut débit, type Starlink. "C'est une sorte de maillage systématique du ciel par de petits satellites à basse altitude", explique Olivier Las Vergnas.
"Les satellites type Starlink ne sont pas lumineux en eux-mêmes, mais ils ont de grands panneaux solaires pour s'alimenter en énergie et donc ils réfléchissent la lumière du soleil. Cela crée des rayures systématiques dans toutes les images du ciel."
Olivier Las Vergnas, président de l'Association française d'astronomieà franceinfo
Le phénomène est même visible à l'œil nu au moment du lancement des satellites, lorsqu'ils sont encore relativement groupés et créent des traînées lumineuses qui se suivent. "Aujourd'hui, il y a entre 6 000 et 7 000 satellites Starlink en orbite autour de la Terre et l'objectif d'Elon Musk est d'arriver à 30 000", précise Olivier Las Vergnas. L'entreprise SpaceX procède d'ailleurs à des lancements réguliers, comme le 13 avril dernier quand 21 satellites ont été lancés depuis la Floride.
Des conséquences sur la santé humaine et la biodiversité
Mais la pollution lumineuse n'a pas des conséquences que sur l'observation du ciel. Elle perturbe aussi le fonctionnement du corps humain et notamment le sommeil. Une étude américaine publiée en 2019 constate ainsi qu'à chaque augmentation de la lumière nocturne de dix nanowatt par centimètre carré, le sommeil des personnes interrogées diminuait de cinq minutes par nuit. Et la probabilité de déclarer un sommeil insuffisant (une nuit de moins de 7 heures) augmentait jusqu'à 14%. D'autres études (répertoriées dans un rapport de l'ANPCEN) font aussi un lien entre exposition à la lumière artificielle la nuit et des maladies comme la dépression, l'obésité ou encore le cancer.
La biodiversité est elle aussi très perturbée par la pollution lumineuse. "Il y a des conséquences sur la faune nocturne, comme les chauves-souris qui ont besoin de l'obscurité la plus complète possible pour chasser, explique Michel Deromme, administrateur à l'ANCPEN. Mais ça a aussi des conséquences sur les animaux diurnes."
"Un excès d'éclairage peut faire croire aux oiseaux qu'on est au mois d'avril et non au mois de mars, parce qu'il fait aussi clair à 3 heures du matin qu'en avril. Cela peut avancer leur période de reproduction à un moment où les ressources en insectes ne sont pas encore suffisantes."
Michel Deromme, administrateur à l'ANPCENfranceinfo
Les insectes font d'ailleurs partie des espèces les plus touchées par la pollution lumineuse. Attirés par la source de lumière, ils peuvent voler autour d'elle jusqu'à l'épuisement ou même se brûler sur l'ampoule si celle-ci émet de la chaleur. "Un point lumineux qui reste allumé toute la nuit va tuer en moyenne 150 insectes par nuit, or il y a en France 11 millions de points lumineux, précise Michel Deromme. Cela produit une diminution des ressources alimentaires pour toutes les espèces qui s'en nourrissent. Et tout cela crée d'énormes brèches dans des pans entiers de notre pyramide alimentaire !"
Pour autant, l'AFA comme l'ANPCEN constatent une amélioration en France depuis cinq ans, alors que de plus en plus de communes décident de limiter la pollution lumineuse sur leur territoire. "Le facteur déclencheur, c'est la crise sanitaire, parce que des élus ont profité du confinement pour faire l'expérience d'éteindre l'éclairage public la nuit. Cela leur a permis de faire beaucoup d'économies, en plus de l'intérêt écologique, raconte l'administrateur de l'ANPCEN. La flambée des prix de l'énergie due à la guerre en Ukraine en 2022 a aussi joué."
Des mesures pour lutter contre la pollution lumineuse
L'ANPCEN a d’ailleurs créé un label, "village étoilé", pour récompenser les communes qui s'engagent dans cette voie. "Elles vont par exemple diminuer l'intensité de l'éclairage à partir d'une certaine heure, énumère Michel Deromme. Certaines communes plus petites, dans lesquelles c'est donc possible, vont carrément l'éteindre voire ne pas du tout éclairer la voirie entre mi-avril et fin septembre quand les jours sont longs." Les municipalités peuvent aussi jouer sur le type d'éclairage public, avec des réverbères tournés vers le sol ou encore en privilégiant des éclairages jaunes ou orangés plutôt que des lumières très blanches, particulièrement néfastes pour la biodiversité.
Mais les habitants sont parfois réticents à ce que leur mairie éteigne totalement l'éclairage public la nuit. Des craintes infondées selon Michel Deromme : "C'est un sentiment d'insécurité, parce que les humains ont peur de l'obscurité. Quand on donne des conférences dans les communes, on fait toujours intervenir un représentant des forces de l'ordre et le discours est le même : non, il n'y a pas d'augmentation des incivilités à cause de l'extinction de l'éclairage public. Les petits délinquants sont comme tout le monde : ils ont besoin de lumière pour se déplacer. Et les criminels professionnels quant à eux ne sont pas arrêtés par l'éclairage public."
Le label village étoilé compte 722 communes actuellement, le prochain palmarès sera révélé en septembre prochain.
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