Pourquoi le succès de l'humanité pour refermer le trou de la couche d'ozone ne veut pas dire qu'un tel élan est possible contre la crise climatique
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Grâce à l'interdiction de certains produits dans l'industrie, la couche d'ozone devrait se reconstituer aux alentours de 2050, selon l'ONU. Si la mobilisation contre ce péril fait figure d'exemple, les scientifiques soulignent que stopper les émissions de gaz à effet de serre demande des changements bien plus drastiques.
Ces deux mots accolés sont plutôt rares dans l'actualité : bonne nouvelle. C'est pourtant ce qu'a annoncé l'Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies, mardi 16 septembre, en rapportant que la couche d'ozone "guérissait" . Son fameux trou devrait complètement disparaître à l'horizon 2050. "Cette avancée nous rappelle que lorsque les nations tiennent compte des avertissements de la science, des progrès sont possibles", a réagi le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Mais la recette qui a permis de reconstituer cette protection naturelle contre les rayons ultraviolets du soleil, qui se situe à environ 20 km d'altitude et permet la vie sur Terre, n'est pas forcément applicable au réchauffement climatique. Pour sauver la couche d'ozone, les leviers à activer étaient moins nombreux et avaient moins de conséquences en cascade sur l'économie mondiale et nos modes de vie, observent les scientifiques.
Des produits chimiques bannis
Dès 1985, lorsqu'on constate que la couche d'ozone s'amincit au-dessus de l'Antarctique, une catégorie restreinte de produits chimiques est vite incriminée : les chlorofluorocarbures (CFC), des gaz fluorés largement utilisés par les industriels dans les climatiseurs, les réfrigérateurs, mais également les aérosols, comme les désodorisants, les mousses isolantes, les peintures en spray ou encore la laque pour cheveux. En se décomposant dans l'atmosphère, les CFC libèrent des molécules de chlore qui peuvent détruire un très grand nombre de molécules d'ozone, résumaient trois spécialistes dans un article pour le site The Conversation en 2018.
Les entreprises qui recouraient à ces gaz avaient reçu des alertes de scientifiques dès 1975. Elles avaient alors commencé à rechercher des substituts. "L'industrie a choisi d'accompagner les scientifiques. Elle a notamment payé des instruments de mesures et a suivi l'avancée des travaux dans ce domaine", explique à franceinfo Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherche au CNRS et ancienne présidente de la Commission internationale sur l'ozone. L'existence d'alternatives a permis aux industriels de modifier assez rapidement leurs procédés de fabrication. A l'époque, ce changement est poussé par l'opinion publique, sensibilisée à la nocivité des rayons UV pour la santé. La menace d'une hausse du nombre de cancers de la peau et de cas de cataracte, ainsi que les risques pour l'ensemble du vivant, font office d'arguments.
Les alertes précoces, la bonne volonté des industriels et la dimension restreinte du problème permettent d'aboutir, en 1987, à l'adoption du protocole de Montréal : un accord contraignant pour réduire puis bannir l'utilisation des CFC. Le texte ne compte initialement que 24 Etats signataires, mais des acteurs de poids, comme les Etats-Unis, en font partie. La production de CFC est interdite en 1996 dans les pays développés, et en 2010 pour ceux en développement. Les pays riches créent également, en 1991, un fonds multilatéral afin d'accompagner les plus pauvres dans la transition.
La nécessité d'un changement de modèle ?
Pour ralentir le réchauffement climatique global, est-il possible de s'inspirer du protocole de Montréal, considéré comme l'un des textes environnementaux les plus efficaces ? En réalité, le chantier est bien plus vaste. Car il ne suffit pas de modifier un élément, un petit rouage de l'économie, mais de revoir un système dans son ensemble, rappellent les spécialistes. Répondre à la crise climatique signifie baisser les émissions de CO2 et réduire notre utilisation des énergies fossiles. Or "ces énergies sont au cœur de toute l'économie", résume auprès de franceinfo l'historien des sciences Régis Briday, chercheur associé au Conservatoire national des arts et métiers. Elles se trouvent "partout dans notre vie quotidienne", abonde Nicolas Gratiot, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement.
La substitution totale des énergies fossiles par des énergies renouvelables, ou peu carbonées (comme le nucléaire), "impliquerait des coûts importants qui auraient des répercussions importantes sur toutes les économies, commente Régis Briday. Par ailleurs, dans une "société d'hyper-consommation", remplacer les combustibles fossiles ne suffira pas à entraîner une bascule vers une société bas-carbone, avance-t-il. La transition ne relève pas que d'une modification technologique, estime aussi Nicolas Gratiot, qui évoque un "changement de modèle".
"Nous vivons dans une société qui n'est pas soutenable telle qu'elle existe, avec notre usage des ressources et des biens matériels."
Nicolas Gratiot, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développementà franceinfo
Ce géophysicien de formation n'est pas le seul à porter ce discours. Le Giec estime que pour limiter le réchauffement climatique, l'humanité doit réduire sa consommation en énergie, en eau et en matériaux. Et il a, pour la première fois, utilisé le terme "sobriété" dans son sixième rapport, en 2023.
"Comment trouver des leviers qui soient acceptables et désirables ?", s'interroge également Nicolas Gratiot. Et "comment imaginer un autre modèle de société épanouissant, qui intègre des notions comme la frugalité [notion cousine de la sobriété, qui renvoie à l'idée de consommer au plus juste selon ses besoins] ?" Selon lui, une dynamique a déjà émergé à l'échelle des individus. Il l'entrevoit notamment dans la hausse des déplacements à vélo en France. Mais "à l'échelle étatique, ça peine et ça bloque", déplore le chercheur. "Le problème ne peut être résolu sans un élan global des Etats". La COP30, prévue en novembre au Brésil, tombe à pic. Après plusieurs éditions décevantes, elle aura la lourde responsabilité de relancer la diplomatie climatique.
Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s'est réchauffée de 1,1°C . Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l'avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.
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