Neige au Sahara, hiver froid : pourquoi ces phénomènes glaçants ne sont pas incompatibles avec le réchauffement climatique ?
Il a brièvement neigé sur les dunes du Sahara lundi. Si le phénomène est rare, il n'est en rien un indicateur pertinent pour débattre du réchauffement climatique.
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Depuis la publication, lundi 19 décembre, d'une photo montrant les dunes du Sahara blanchie par une couche de neige, les climatosceptiques s'en donnent à cœur joie sur les réseaux sociaux : "Surtout, n'oubliez pas que le réchauffement climatique signifie davantage de neige. #canular." "Il neige dans le désert... et vous continuez de croire au réchauffement climatique ?" "Les gauchistes sont tellement bizarres. Plus il fait froid, plus ils dénoncent le réchauffement climatique. Et c'est nous les crétins ?" Pour eux, ce cliché - qui illustre un phénomène exceptionnel, observé pour la dernière fois il y a trente-sept ans - valide leur conviction selon laquelle la planète ne se réchauffe pas, contrairement à ce qu'affirment les climatologues.
Ces réflexions, ici déguisées en argument de "bon sens" ("froid" = "refroidissement"), illustrent la méconnaissance de la complexité des mécanismes du changement climatique. Car oui, ce n'est pas parce qu'on a froid cet hiver que la planète ne se réchauffe pas. Si vous venez à discuter de ce sujet autour d'un feu de cheminée, voici comment rétablir les faits.
Parce qu'il ne faut pas confondre la météo et le climat
Selon les témoins de cette scène surréaliste, la neige a tenu toute une journée sur les dunes proches d'Aïn Sefra, dans l'ouest de l'Algérie. Dans cette commune aux portes du désert, perchée à 1 000 m d'altitude, les températures oscillent entre 37 degrés l'été et des vagues de froid qui peuvent aller jusqu'à -10 degrés en hiver.
Cependant, les chutes de neige restent exceptionnelles dans cette zone où les précipitations sont rares. Le phénomène météorologique observé lundi fait figure d'exception. Ni plus ni moins. "Ce n'est pas un évènement qui fait le climat", explique le climatologue Jean Jouzel à franceinfo.
Pour celui qui a été de 2008 à 2015 vice-président du comité scientifique du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), il convient de ne pas mélanger météo et climat : "La météo s'inscrit dans un temps court : c'est une dizaine de jours pendant lesquels des événements, parfois extrêmes, se produisent. Cet épisode de neige au Sahara en fait partie." Pour ce qui est du climat, "ce qui va être important, y compris au Sahara - qui lui aussi se réchauffe, d'ailleurs - c'est la température moyenne sur l'année et non pas simplement sur quelques jours."
Par ailleurs, "on peut observer des fluctuations très fortes d'une année sur l'autre, lesquelles se superposent au réchauffement climatique", abonde le climatologue Hervé Le Treut, directeur de l'Institut Pierre Simon Laplace, interrogé par franceinfo. "Ces fluctuations font que des choses inattendues peuvent toujours se produire", explique-t-il. Ainsi, pour Jason Samenom, le spécialiste météo du Washington Post, "une dépression inhabituelle dans les hautes altitudes est passée au-dessus de la région, ce qui a forcé l'air à rapidement s'élever et se refroidir, réunissant les conditions pour ces exceptionnelles chutes de neige." Bref, ce phénomène n'est pas une preuve que le réchauffement de la planète n'existerait pas, tout comme une chaude journée de décembre ne suffirait pas à prouver qu'il existe.
Parce qu'il faut se méfier des phénomènes courts et locaux
"L'action des gaz à effet de serre se mesure sur le long terme. Il faut bien une ou deux décennies pour en observer les conséquences", résume Hervé Le Treut. Difficile, dans un temps plus court, de tirer des conclusions sur l'évolution du climat. Si, du point du vue climatique, l'événement de lundi ne signifie rien, les vagues de froid observées ces dernières années dans l'hémisphère Nord - avec des températures autour de -15 degrés à New York en 2014 - , ne garantissent pas non plus que la planète se refroidirait, comme l'avancent certains climatosceptiques.
"Dans nos latitudes, nous vivons le réchauffement climatique, mais ses manifestations locales sont plus chaotiques que dans le Grand Nord où l'on observe clairement la fonte de la banquise, la hausse du niveau de la mer... ou que dans les latitudes plus basses, marquées notamment par des sécheresses. Chez nous, le temps peut être fluctuant d'un jour à l'autre", poursuit le climatologue. Ainsi, "quand on regarde les moyennes en France, on observe une hausse des températures. Mais les gens chez eux ne la perçoivent pas forcément", continue-t-il, assurant que si cela fait plusieurs années que la neige n'a pas tenu à Paris, les Français vivront encore d'innombrables glaçantes vagues de froid. Et ce alors même la Terre se réchauffe.
Parce que certains estiment que le réchauffement pourrait (aussi) générer des vagues de froid
L'Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. En 2016, ce réchauffement a battu tous les records, a confirmé le rapport annuel sur l'Arctique publié par l'Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA), le 13 décembre. Or, une partie de la communauté scientifique estime que ce réchauffement pourrait provoquer des vagues de froid dans nos latitudes.
"Cette théorie avait déjà été évoquée dans le passé, mais elle a été remise au goût du jour depuis une dizaine d'années, alors que l'Amérique du Nord a connu plusieurs hivers très rigoureux", explique Jean Jouzel. Pour les scientifiques qui étudient cette option, le réchauffement de l'Arctique provoquerait une modification du jet-stream, un courant d'air rapide qui se déploie à plusieurs kilomètres au-dessus de nos têtes. "Ce jet-stream deviendrait moins linéaire, il se déformerait ce qui créerait des poches de froid dans des latitudes inférieures", vulgarise Jean Jouzel. Bref, cette conséquence du réchauffement des pôles entraînerait des vagues de froid quasi polaire chez nous, en Europe, ou encore aux Etats-Unis et au Canada. "Mais à ce stade, cela n'est pas démontré. Ce n'est qu'une possibilité", insiste le climatologue.
Hervé Le Treut prend également des précautions avec cette explication : "Vérifier les modèles et les théories sur lesquels s'appuie cette hypothèse va prendre du temps", ajoute-t-il.
Parce que le réchauffement se perçoit davantage dans l'océan que dans l'atmosphère
Pour les climatologues, c'est en prenant la température des océans que l'on prend le mieux la mesure du réchauffement climatique. "Là, on en a un témoignage beaucoup plus clair, notamment avec l'élévation du niveau de la mer : cette élévation est liée à la dilatation de l'océan qui se réchauffe, et à la fonte des glaces, en particulier des glaciers du Groenland (qui contribuent chaque année à la moitié de l'élévation du niveau de la mer). A travers ces deux aspects, ce phénomène conjugue deux indices qui sont des indicateurs très forts du réchauffement climatique", explique le spécialiste.
Aussi spectaculaires soient-ils, quelques flocons sur les dunes ou du verglas dans nos régions ne constituent aucunement un argument susceptible de contrer ces observations.
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