Inondations en Allemagne et en Belgique : "Le changement climatique s'opère sous nos yeux", alerte un climatologue
Spécialiste des événements extrêmes, Robert Vautard analyse le lien probable entre le réchauffement climatique et les intempéries mortelles de ces derniers jours.
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Près de 120 morts en Allemagne et en Belgique, vendredi 16 juillet, à la mi-journée. C'est le lourd bilan des inondations qui frappent l'Europe depuis le 14 juillet. S'il est encore trop tôt pour relier directement ces intempéries au changement climatique, celles-ci s'inscrivent dans le contexte global du réchauffement de la planète, provoqué par notre mode de vie et nos émissions de gaz à effet de serre.
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Directeur de l'institut de recherche Pierre-Simon Laplace, qui fédère huit laboratoires universitaires français, Robert Vautard est un climatologue spécialiste des événements extrêmes. Il explique comment un climat plus chaud favorise ce type de drames.
Franceinfo : Quelle a été votre réaction quand vous avez vu cet épisode en Belgique et en Allemagne ?
Robert Vautard : Je ne suis pas surpris de voir ces phénomènes extrêmes se multiplier. Celui-ci ressemble à ce que nous avons pu avoir, fin mai et début juin 2016, en France : une "goutte froide". De l'air froid en altitude crée des orages et de la pluie. Le problème, c'est que le système météorologique ne bouge pas. Il pleut toujours aux mêmes endroits et cela conduit à des cumuls très, très importants, et donc à des inondations.
Pourquoi la multiplication de tels événements n'est-elle pas une surprise pour vous ?
Du fait du changement climatique. Ces événements peuvent se produire sans cela, mais pas à une telle intensité.
"Dans le cas de ce phénomène de 'goutte froide', l'augmentation de l'intensité des précipitations est due au changement climatique."
Robert Vautard, climatologueà franceinfo
C'est très simple physiquement : le fait que l'air soit globalement plus chaud, tout comme les océans, fait qu'il peut contenir plus de vapeur d'eau. Puisqu'il y a davantage de vapeur, les précipitations, particulièrement les plus fortes, sont plus intenses. Il y a donc de plus grandes quantités d'eau qui arrivent au sol lorsque de tels événements se produisent.
Ces événements sont-ils aussi plus fréquents ?
Ce n'est pas démontré. La plus grande abondance des pluies, elle, l'est. Sur les événements méditerranéens, qui sont d'autres types d'événements [pour lesquels une augmentation de la fréquence est déjà constatée], les intensités extrêmes ont augmenté d'environ 20% en 50 ans.
Pour les événements de type "goutte froide", les observations sont beaucoup plus difficiles à quantifier. Cela varie énormément d'une année à l'autre. Dans le cas des pluies qui ont conduit aux crues de la Seine au printemps 2016, les modèles montraient que la probabilité d'atteindre ces niveaux de précipitations avait été multipliée par deux du fait du changement climatique.
Dans le cas de l'épisode en Allemagne et en Belgique, le lien avec le réchauffement climatique est-il établi ?
On ne peut pas encore le dire, parce que nous n'avons pas fait l'étude qui le démontrerait. Il faudrait mobiliser une vingtaine de personnes sur cinq jours, comme nous l'avons fait pour la vague de chaleur au Canada. Or nous sommes occupés à finaliser le rapport du Giec.
Ce type d'événements peut-il se produire en France ?
Absolument. D'ailleurs, il y a des conséquences en France aujourd'hui. Elles sont peut-être moins importantes qu'en Allemagne ou en Belgique, mais il y a des conséquences sur l'est de la France.
L'un des vos confrères belges, Jean-Pascal van Ypersele, a déclaré à la RBTF : "On ne peut pas dire qu’on a pas été averti. Le Giec et les scientifiques tirent la sonnette d’alarme depuis tellement longtemps et sont si peu écoutés." Partagez-vous ce sentiment ?
Je le partage, mais je serais plus nuancé. Les résultats sont connus, nous sommes écoutés, mais les autorités et la société n'ont pas pris la mesure du changement qui est en train de s'opérer sous leurs yeux.
Les inondations font des dégâts énormes, c'est vrai, et c'est catastrophique pour les gens touchés. Mais cela ne fait pas autant de dégâts en terme de mortalité que la chaleur.
"Le bilan d'une vague de chaleur se compte en milliers de morts. C'est vraiment le premier impact qui va arriver."
Robert Vautard, climatologueà franceinfo
La vague de chaleur dans l'ouest du Canada est une alerte considérable pour beaucoup de pays, y compris la France. Des températures complètement anormales, 4 ou 5 °C au-dessus des records précédents, peuvent se produire à des latitudes comme les nôtres. Nous n'y sommes absolument pas préparés. Nos plans canicule portent seulement des températures qui sont de l'ordre de 40 °C. Des températures plus élevées auront des conséquences inattendues sur l'agriculture, les infrastructures, les systèmes électriques, les réseaux, les routes...
D'une manière générale, les actions sont beaucoup trop timorées, à la fois sur l'atténuation [la diminution des gaz à effet de serre] et sur l'adaptation. Dans les lois récentes, la mesure du problème n'est pas prise. Mon message ne vise pas un groupe politique en particulier : cette absence de prise de conscience est absolument générale.
Je suis content de voir que l'Europe commence véritablement à agir, mais c'est encore insuffisant. Il faut beaucoup plus de mesures et faire attention à ce qu'elles soient justes, sinon elles ne seront pas efficaces. Nous sommes face à l'un des problèmes majeurs du XXIe siècle.
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