Décarbonation : "Tout le monde a compris la sobriété énergétique, maintenant il faut l'actionner", décrypte une spécialiste

Malgré des efforts, le secteur de l'industrie participe, en partie, à l'augmentation des gaz à effet de serre, selon les derniers résultats du Citepa. Pour atteindre l'objectif "zéro carbone", certaines entreprises aident les autres à optimiser leur consommation d'énergie, comme Qualisteo, dont Elodi Bondi est directrice.

Article rédigé par franceinfo - Léa Lebastard
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Temps de lecture : 4min
Une usine française qui dégage de la fumée, le 18 septembre 2022. Photo d'illustration. (EMMANUEL DUNAND / AFP)
Une usine française qui dégage de la fumée, le 18 septembre 2022. Photo d'illustration. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Peut mieux faire. Les résultats du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa) ne sont pas très encourageants pour l'objectif 2030 : fixé par l'Accord de Paris, celui-ci vise à réduire de 45% les gaz à effet de serre (GES). Sur l'ensemble de l'année 2025, l'association estime la baisse des GES de 0,8%, contre -1,8% en 2024 et -6,8% en 2023.

Selon le rapport du Citepa, cette évolution est en grande partie due aux différents secteurs de l'industrie - notamment manufacturière et de construction. Avec une baisse de -1,5% de millions de tonnes en équivalent CO2 contre -2,4% pour l'année 2024, déjà marquée par un ralentissement de la baisse des GES.

Le plan de sobriété énergétique, et plus globalement les mesures d'efficacité énergétiques au niveau européen, ont accéléré la volonté des entreprises à consommer moins d'énergie, et in fine réduire leurs émissions de GES, pour atteindre les 11,7% d'ici à 2030. Dans cette quête de sobriété, certaines entreprises cherchent à consommer de l'énergie plus sobrement et font appel à Qualisteo, dont Elodi Bondi est directrice. L'entreprise utilise notamment l'intelligence artificielle pour y arriver.

franceinfo : Comment votre travail permet d'éviter des pertes énergétiques au sein des entreprises ?

Elodi Bondi : Nous sommes un peu les "big brothers" de l'énergie, car on est capable de mesurer toutes les énergies consommées sur un site, et identifier en temps réel toutes les fuites.

"On se rend compte par exemple que certaines entreprises laissent des équipements allumés alors qu'il n'y a pas d'activité ou qu'il y a des dysfonctionnements sur des machines, etc... "

Elodi Bondi

à franceinfo

En fonction du type d'industries, les actions sont différentes, mais l'idée est de faire du zéro production - zéro consommation dans les horaires où il n'y a pas d'activité, et travailler sur le "process industriel". C'est-à-dire mieux utiliser les machines, afin qu'elles consomment moins. Il y a aussi toute la dimension des "smart grids", des réseaux intelligents locaux qui permettent d'utiliser l'énergie photovoltaïque ou d'une centrale en autoconsommation plutôt que venant du réseau. Et si elles veulent totalement se décarboner, il faut investir dans des énergies "vertes", des équipements plus performants, etc. C'est aussi notre rôle de les conseiller.

Y a-t-il eu une prise de conscience - économique ou écologique - des entreprises dans leur volonté de baisser leur consommation d'énergie ?

Les grands sites industriels ont très souvent pour objectif la trajectoire zéro carbone de 2030 à 2050, et nous sommes dans la première phase d'accélération. En toute objectivité, certaines d'entre elles ne vont pas forcément prioriser cette baisse, mais de l'autre c'est impossible de passer à côté. Elles ont toutes compris qu'il faut maîtriser son énergie, pour la réduire et l'optimiser. Il n'y a pas d'économies sans écologie lorsqu'on parle de consommation d'énergie.

"Il est légitime de se demander pourquoi ça ne va pas assez vite, mais il faut rappeler que l'année 2025 est assez particulière d'un point de vue économique et géopolitique. Ce qui a aussi pu aussi ralentir tous les processus mis en place."

Elodi Bondi, directrice de Qualisteo

à franceinfo

Les entreprises françaises ne sont pas les seules à devoir diminuer les émissions de gaz à effet de serre, comment cela se passe à l'étranger ?

Les pays en dehors de l'Europe sont moins "open" au fait de moins consommer, et sont beaucoup moins matures en termes de consommation et d'optimisation d'énergie. Il y a certains pays où c'est l'Âge de pierre de l'énergie. Par exemple, certains sites industriels gigantesques sont sans compteur, sans aucune maîtrise, avec des fuites partout... Donc j'oserais même dire, qu'en France, la maturité de nos industries est presque là. En Europe, on est très en avance en matière de pilotage de l'énergie, surtout lorsque l'on voit l'urgence climatique, avec les vagues de chaleur que personne ne peut nier. Tous les clients à l'international ont conscience de la nécessité d'agir rapidement, mais la priorité est plus ou moins partagée en fonction du pays. Même aux États-Unis, où l'on peut se dire que l'arrivée de Donald Trump empire la situation, mais les entreprises prennent conscience de ce sujet. Et il y a une vraie volonté de réduire sa consommation. Globalement, tout le monde a compris la sobriété énergétique, maintenant il faut l'actionner.

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