Crise climatique : dans un avis très attendu, la Cour internationale de justice ouvre la voie à une obligation pour les pays pollueurs de payer des "réparations"

La plus haute juridiction des Nations unies s'est prononcée mercredi, deux ans après l'adoption à l'unanimité d'une résolution au siège de l'ONU.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les magistrats de la Cour internationale de justice au siège de l'instance, à La Haye (Pays-Bas), le 5 mai 2025. (LEX VAN LIESHOUT / ANP MAG / AFP)
Les magistrats de la Cour internationale de justice au siège de l'instance, à La Haye (Pays-Bas), le 5 mai 2025. (LEX VAN LIESHOUT / ANP MAG / AFP)

Une décision historique contre une "menace urgente et existentielle". La Cour internationale de justice (CIJ) a estimé, mercredi 23 juillet, dans un avis consultatif inédit, que les Etats qui violent leurs obligations climatiques commettent un acte "illicite", susceptible de déclencher des réparations intégrales aux pays affectés, sous certaines conditions et au cas par cas.

La Cour a rejeté l'idée défendue par les grands pays pollueurs que les traités climatiques existants, notamment le processus de négociation des COP annuelles, étaient suffisants. Les Etats ont "des obligations strictes de protéger le système climatique (...) pour les générations présentes et futures", a affirmé le juge Yuji Iwasawa, président de la Cour internationale de justice, lors d'un discours de deux heures.

Selon l'avis de la CIJ, un Etat qui enfreint ses obligations en matière de changement climatique, fixées par plusieurs traités et textes internationaux, "a un devoir continu de s'en acquitter même s'il ne les a pas respecté". Parmi les conséquences possibles, la CIJ cite "la cessation des actions ou omission illicites, si elles se poursuivent", "la fourniture d'assurances et de garanties de non-répétition des actions ou commissions illicites", mais aussi "l'octroi d'une réparation intégrale aux Etats lésés sous forme de restitution, d'indemnisation et de satisfaction".

Une décision forte et saluée...

La Cour internationale de justice a aussi clairement abordé les actions et omissions des Etats liées aux énergies fossiles. "Le fait pour un Etat de ne pas prendre les mesures appropriées pour protéger le système climatique contre les émissions de gaz à effet de serre notamment en produisant ou en utilisant des combustibles fossiles ou en octroyant des permis d'exploration ou des subventions pour les combustibles fossiles peut constituer un fait internationalement illicite attribuable à cet Etat", a-t-elle souligné dans son avis.

La décision "affirme une vérité simple de la justice climatique : ceux qui ont le moins contribué à cette crise méritent protection, réparations et un avenir", réagit Vishal Prasad, directeur de l'association Étudiants des îles du Pacifique luttant contre le changement climatique. "La plus haute juridiction du monde l'a clairement indiqué : les activités néfastes pour le climat violent le droit international et les droits des personnes", salue Elisa Morgera, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les changements climatiques et les droits de l'homme.

... mais non contraignante

Sous la pression du Vanuatu, petite nation insulaire du Pacifique et l'un des Etats les plus pauvres du monde, l'ONU avait demandé à la CIJ de répondre à deux questions : quelles obligations les Etats ont-ils en vertu du droit international pour protéger la Terre contre les émissions de gaz à effet de serre ? Quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations, lorsque les Etats, "par leurs actes et leurs omissions, ont causé des dommages importants au système climatique" ?

Cette décision du plus haut tribunal des Nations unies était très attendue. Même si elle n'est pas contraignante, elle bénéficie d'une forte reconnaissance et trace un cadre juridique mondial pour régler, notamment, les litiges liés à l'épineuse question des "pertes et dommages" provoqués par le réchauffement climatique. L'objectif est de guider la réflexion pour réparer une injustice : les pays les plus pauvres sont les plus touchés par le changement climatique alors qu'ils en sont les moins responsables.

L'avis de la CIJ ne porte pas que sur les "pertes et dommages". Il a notamment lié droits humains et protection de l'environnement et du climat. "La Cour est d'avis qu'un environnement propre, sain et durable est une condition préalable à la jouissance de nombreux droits de l'homme, dont le droit à la vie, le droit à la santé et le droit à un niveau de vie adéquat, qui inclut l'accès à l'eau, à l'alimentation et au logement", a-t-elle estimé.

Sur l'accueil des réfugiés climatiques, la Cour internationale de justice a aussi émis un avis très clair. "La Cour considère que les changements climatiques pourraient créer des conditions susceptibles de mettre en danger la vie d'individus qui pouraient devoir chercher refuge dans un autre pays ou se trouver empêcher de retourner dans le leur, écrit-elle. Elle est d'avis que les Etats ont des obligations découlant du principe de non-refoulement lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire que le renvoi d'individus dans leur pays d'origine comporte un risque réel de préjudice irréparable au droit à la vie."


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