Reportage "Ça fait cinq générations que l'on travaille pareil" : à Lorient, les pêcheurs ne veulent pas abandonner le chalutage pour des modes de pêche alternative

Le chalut, ce filet en forme d'entonnoir traîné par le bateau, est accusé de ratisser les fonds marins, de détruire des habitats, les coraux ou les herbiers.

Article rédigé par Boris Hallier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le quai Pourquoi Pas, au port de pêche de Lorient. (MARION FERRERE / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
Le quai Pourquoi Pas, au port de pêche de Lorient. (MARION FERRERE / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Il faut mettre fin à la pêche au chalut. C'est l'une des revendications de certaines ONG mobilisées pour la Conférence des Nations unies sur l'océan, organisée à Nice (Alpes-Maritimes) en ce moment. Ces associations environnementales dénoncent une pratique qui, selon elles, détruit les fonds marins et surexploite les ressources en poissons. Elles appellent donc à ce que le chalutage de fonds soit interdit, notamment dans les aires marines protégées.

Mais pour les principaux concernés, ce n'est pas envisageable. Après deux jours en mer, de retour au port de pêche de Lorient (Finistère) avec ses quatre marins, Florent Le Bolay, patron du Men Gwen, fait les comptes. "Ce week-end, on a pêché un kilo de bar, 1,9 kilo de barbue, 60 kilos de lotte, 446 kilos de langoustine...", égrène-t-il. Près d'une tonne de poissons et crustacés pêchés en 48 heures grâce aux deux filets enroulés sur le pont arrière de son chalutier.

"Avec ces deux chaluts, on peut pêcher de la crevette comme du maquereau entre deux eaux. C'est très varié", relève-t-il. Mais cette technique de pêche est dans le viseur des défenseurs de l'environnement. Le chalut, ce filet en forme d'entonnoir traîné par le bateau, est accusé de ratisser les fonds marins, de détruire des habitats, les coraux ou les herbiers.

"Ça ne racle pas le sol, ça récolte ce qu'il y a sur le dessus du fond. Si on raclait le sol, on ne pêcherait que de la vase."

Florent Le Bolay, pêcheur à Lorient

à franceinfo

Les chalutiers sont également accusés d'éradiquer les populations de poissons, en attrapant tout dans leur filet. Mais cela aussi, Florent Le Bolay, le conteste. "C'est faux, ça fait cinq générations de pêcheurs qu'on est là, cinq générations qu'on travaille pareil, et cinq générations qu'on gagne notre croûte, raconte-t-il. Je vois plus l'inverse : les zones où il n'y a plus de chaluts ou moins de chaluts, on ne peut plus y travailler. Il y a une espèce d'algue, on appelle ça vulgairement du foin. Au bout d'une heure, le bateau est stoppé."

Pas de quoi convaincre les ONG environnementales, qui comparent le chalutage en mer à la déforestation de l'Amazonie. Selon certains experts, il existe des alternatives au chalut. D'après Didier Gascuel, professeur en écologie marine à l'Institut Agro à Rennes, les pêcheurs professionnels pourraient très bien adopter d'autres techniques moins invasives, que l'on appelle les arts dormants : lignes, casiers ou filets.

Un enjeu de souveraineté alimentaire

"On a montré que sur les vingt premières espèces pêchées au chalut de fond, 17 étaient aujourd'hui déjà capturées de manière significative par des modes de pêche alternatifs, explique ce professeur. C'est bien la démonstration qu'il est possible de pêcher les mêmes espèces, les mêmes volumes, sans augmenter la pression de pêche sur la bande côtière. Donc, on devrait passer de plans de retrait de flotte – ce que les marins appellent des plans de casse des navires – à des plans de transition des navires."

Mais pour les pêcheurs bretons, il s'agit là d'une vision simpliste. "Je ne suis pas un escroc ni un bandit, je suis là pour gagner ma vie, rétorque Florent Le Bolay. J'essaie de préserver au mieux l'environnement dans lequel je travaille." Et il l'assure, les chalutiers permettent de proposer une large variété de produits non importés à des prix abordables, un enjeu de souveraineté alimentaire, selon les représentants de la filière.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.