Ourse tuée dans les Pyrénées : 17 chasseurs devant la justice à Foix
Il leur est reproché d’avoir chassé dans une réserve protégée ariégeoise et tué l'ourse Caramelles, en novembre 2021. Le chasseur à l'origine du tir se défend en expliquant qu'il risquait sa vie.
Mardi 18 et mercredi 19 mars, 17 chasseurs sont jugés devant le tribunal correctionnel de Foix, en Ariège. Tous comparaissent pour avoir chassé dans la réserve naturelle du Mont Valier, pour avoir utilisé illégalement des fréquences radio pour leur talkie-walkie. L'un d'entre eux, André R., est jugé pour avoir abattu une ourse, une espèce protégée. Il encourt jusqu'à trois ans de prison et 150 000 euros d'amende.
Le 20 novembre 2021 en début d'après-midi, ce chasseur de 77 ans arpente depuis trois heures la réserve naturelle du Mont Valier, dans les Pyrénées. Il est loin de tout sentier, à flanc de montagne et dans un bois humide. Comme seize autres chasseurs, ce jour-là, il participe à une battue au sanglier. Tous sont éparpillés dans les vallées des environs. C'est la première fois qu'il vient là, lui qui chasse depuis 1965.
L'ourse attaque le chasseur
André R. se positionne sur le poste d'observation le plus haut. Le chasseur guette, en silence. La quiétude de la montagne est soudain troublée par des bruits sur le feuillage au sol. À 100 mètres, il distingue un chien courir à travers les bois. Fausse alerte. Il se repositionne et voit soudain deux oursons à 30 mètres, qui se rapprochent. Derrière eux, leur mère. Le chasseur est debout, il serre son arme contre lui, se fait discret. Les deux petits passent à dix mètres, sans le remarquer. Leur mère, elle, aperçoit André R. Leurs regards se croisent, elle le charge et lui mord le haut de la cuisse. Il tire, comme pour l'effrayer, mais elle le charge à nouveau et le traîne sur plusieurs mètres. Il parvient à réarmer son arme et lui tire à nouveau dessus. Cette fois, l'ourse est touchée, roule vers le bas et ne bouge plus.
Les autres chasseurs, postés plus bas, ne parviennent pas à joindre André R. via leur radio. Ils décident de le rejoindre. Quand ils arrivent sur place, ils découvrent la dépouille de l'ourse ensanglantée. Dix mètres plus haut, ils voient leur camarade à peine conscient. Sa jambe gauche est fracturée et sur sa jambe droite, il y a de nombreuses plaies. Le chasseur est transporté par hélicoptère à l'hôpital de Saint-Jean-de-Verges.
Une réserve naturelle protégée
Les faits se sont déroulés au cœur de la réserve domaniale du Valier, un espace protégé depuis 1937 et géré par l'Office national des Forêts (ONF). La chasse y est autorisée, selon la Fédération départementale des chasseurs de l'Ariège. Son président, Jean-Luc Fernandez explique : "Si on se base sur l'arrêté préfectoral relatif à l'ouverture et à la clôture de la chasse pour la campagne 2021-2022 dans le département de l'Ariège, la chasse en battue est autorisée dans la réserve."
L'ONF n'est pas si catégorique et précise qu'il faut être accompagné d'un de ses représentants pour chasser dans cette réserve. Or, le groupe n'est pas encadré le jour de l'accident.
Les 17 chasseurs seront mardi sur le banc des prévenus. Dans un communiqué du vendredi 13 mars 2025, le président de la Fédération départementale des chasseurs de l'Ariège leur apporte son soutien : "[La Fédération] souhaite vivement que la justice prenne bien, à cette occasion, la mesure de toutes les réalités du dossier qui seront alors exposées et traite les dix-sept prévenus avec toute l'objectivité requise en résistant aux pressions médiatiques qui accordent plus d'importance à la vie d'un ours qu'à celle d'un homme cruellement blessé dans sa chair par le fauve."
Pour les associations, le droit de la chasse n'a pas été respecté
One Voice, Sea Shepherd, la Ligue de Protection des Oiseaux, Ferus, 15 autres associations de défense de l'environnement et l'ONF se sont constituées parties civiles pour ce procès. "Tout le monde aurait préféré que le prévenu ne soit pas blessé, explique Me Andréa Rigal-Casta, l'avocat de One Voice. Ce que nous déplorons, ce sont les nombreuses fautes commises par les chasseurs au droit de la chasse. Il est notoire que des ours vivent dans cette réserve."
Depuis leur réintroduction en 1996, le nombre des ours progresse dans les Pyrénées : ils sont 83 aujourd'hui. L'ourse abattue s'appelait Caramelles, était née en 1997. Ses deux derniers oursons ont survécu, selon l'Office français de la biodiversité. Son rapport 2023 du "réseau ours brun" mentionne que l'un d'eux est resté sur le domaine de sa mère et que l'autre vit en Catalogne.
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