Changement de sexe des oiseaux : "C'est un problème de survie des espèces", alerte un ornithologue de la LPO

"C'est un problème de survie des espèces", alerte mercredi 20 août sur franceinfo l'ornithologue Cédric Marteau, directeur du pôle Protection de la Nature de la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux), alors qu'une étude australienne révèle que près de 6% des oiseaux sauvages présentaient un sexe biologiquement différent de celui indiqué par leurs chromosomes. Les perturbateurs endocriniens et autres facteurs environnementaux sont pointés du doigt par les scientifiques.

Cette étude "confirme malheureusement les doutes qu'on avait sur les impacts des perturbateurs endocriniens et plus globalement de tous les produits chimiques que l'on trouve dans l'environnement, regrette Cédric Marteau. Des études scientifiques existaient déjà sur le changement de sexe chez les mollusques, les crustacés, mais pour la première fois on découvre que ça touche aussi les oiseaux". L'ornithologue de la Ligue pour la protection des oiseaux appelle à "immédiatement démarrer les mêmes suivis ici en Europe, en France en particulier, puisque la consommation de produits chimiques ne cesse d'augmenter, les indicateurs de perturbateurs endocriniens et de produits chimiques dans notre environnement ne cessent de progresser. Il faut donc très vite vérifier ces impacts sur les dynamiques dans le cas des populations d'oiseaux."

Une incapacité à la reproduction

Cédric Marteau note plusieurs choses importantes dans cette étude, "au-delà du changement de sexe". "C'est que la capacité de ces oiseaux qui ont changé de sexe à continuer à se reproduire de façon viable, à produire des poussins, s'effondre", souligne-t-il. "Les espèces concernées pourraient être amenées, à terme, à ne plus réussir à se reproduire, et donc disparaître dans des temps très très courts", s'alarme-t-il.

Il rappelle qu'"on perd encore aujourd'hui 20 millions d'oiseaux par an à l'échelle de l'Europe, soit 800 millions d'oiseaux sur les 40 dernières années, selon le CNRS. C'est principalement à cause des intrants chimiques - pesticides, fongicides, tout ce qu'on met dans les terres agricoles. Ce n'est pas un hasard si les oiseaux qui diminuent le plus en France sont les oiseaux des champs, ceux qu'on trouve dans les plaines agricoles, comme l'alouette des champs. Ils ne trouvent plus de nourriture mais les aspersions, les traitements, tuent immédiatement les oiseaux", avance Cédric Marteau.

Accompagner le monde rural "vers de l'agroécologie"

Au sujet de la loi Duplomb qu'il qualifie de "rétrograde", "ce qui est aberrant", selon lui, "c'est qu'avec toutes les études scientifiques, les recommandations de l'Anses, cet article puisse apparaître, puisse être proposé par le Sénat. C'est la preuve qu'il y a des forces inverses, des lobbies qui s'expriment et qui vont dans le sens inverse de l'intérêt général, de la protection de l'environnement, qui s'assoient sur la science, sur la médecine".

"Ce n'est pas seulement des problèmes environnementaux, d'oiseaux, etc. C'est un problème de santé humaine, d'alimentation... Malgré cela, on arrive encore à produire du droit contraire à l'intérêt général, et ça ce n'est pas acceptable."

Cédric Marteau, directeur du pôle Protection de la Nature de la LPO

à franceinfo

Face à un monde rural "en souffrance", il propose d'"accompagner la profession et d'aller vers de l'agroécologie". Cédric Marteau préconise globalement "la mise en place dans notre culture d'une position environnementale", avec par exemple la réintroduction des haies pour prévenir les inondations notamment.