Municipales 2026 : ce qu'il faut savoir sur la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille

Le texte, qui devrait s'appliquer pour les élections de l'année prochaine, met fin au système spécifique instauré en 1982 pour les trois plus grandes villes de France.

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
L'Assemblée nationale, le 8 juillet 2025. (TELMO PINTO / NURPHOTO / AFP)
L'Assemblée nationale, le 8 juillet 2025. (TELMO PINTO / NURPHOTO / AFP)

La bataille fut longue et rude. A moins de neuf mois des élections municipales, le Parlement a définitivement adopté, jeudi 10 juillet, la réforme du scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille (ou PLM). Le gouvernement a décidé de passer outre l'opposition farouche du Sénat. Les députés ont approuvé en lecture définitive la proposition de loi portée par le député Ensemble pour la République (EPR) Sylvain Maillard, par 112 voix contre 28.

Le Rassemblement national, La France insoumise et la majorité de la coalition gouvernementale ont apporté leur soutien à la réforme, qui doit permettre de "rapprocher du droit commun" le mode de scrutin dans les trois métropoles, selon le ministre des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola (MoDem). Franceinfo revient sur ce qui va changer avec cette réforme, dont l'adoption a provoqué la colère de la maire de Paris, Anne Hidalgo.

La fin d'un système particulier en vigueur depuis 1982

La réforme, adoptée par le Parlement, entend mettre fin au mode de scrutin mis en place en 1982 dans la loi PLM. Actuellement, les électeurs à Paris, Lyon et Marseille votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers, les élus du haut de la liste siégeant au conseil d'arrondissement et au conseil municipal. Dans sa version mise au vote, le texte prévoit à la place d'instaurer deux scrutins, l'un pour élire les conseillers d'arrondissement ou de secteur, l'autre pour élire ceux du conseil municipal, sur une circonscription unique.

Il s'agit d'"une avancée majeure pour la démocratie municipale dans nos trois plus grandes villes", selon Jean-Paul Mattei, rapporteur MoDem du texte à l'Assemblée. Le système actuel est "complexe" et "peu lisible pour les citoyens", tandis que la réforme rapprochera "du droit commun" les scrutins à Paris, Lyon et Marseille, a-t-il martelé. "Nous mettons fin à un système opaque et inégalitaire", a également salué Sylvain Maillard dans un message sur X.

Une réforme qui devrait être appliquée pour les prochaines municipales, en mars

C'était évidemment l'enjeu de cette longue bataille parlementaire. La réforme, une fois adoptée, va-t-elle pouvoir s'appliquer dès les prochaines élections municipales, prévues en mars 2026, soit dans neuf mois ? Certains commentateurs politiques ont brandi le Code électoral. Ajouté en 2019, l'article L567 dispose qu'"il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin"

De quoi empêcher l'application du texte l'année prochaine ? Non, ont assuré plusieurs juristes contactés par franceinfo, cette période d'un an tenant plus de la tradition politique que de l'obligation. "Cette disposition du Code électoral est inapplicable en l'espèce, tout simplement parce que la portée d'une loi ne peut être bornée par une autre loi", explique le constitutionnaliste Benjamin Morel. "Une autre loi", en l'occurrence la loi PLM, peut donc "y déroger, car elle a la même valeur dans la hiérarchie des normes", complète Romain Rambaud, professeur de droit public à l'université Grenoble-Alpes. 

Surtout, aucune "disposition constitutionnelle n'interdit de modifier le mode de scrutin ou de suffrage moins d'un an avant", pointe Benjamin Morel. Interrogé sur ce sujet en 2008(Nouvelle fenêtre), à l'occasion d'un recours sur la loi favorisant l'égal accès au mandat de conseiller général, le Conseil constitutionnel "a refusé d'élever ce principe au rang constitutionnel, ce qui aurait eu pour effet de s'imposer au législateur", ajoute Thibaud Mulier, maître de conférences en droit public à l'université Paris Nanterre. Le constitutionnaliste pointe d'ailleurs plusieurs précédents, "comme la réforme de mai 2013 pour les municipales de mars 2014"

La décision du Conseil constitutionnel très attendue

Gauche comme droite sénatoriales ont déjà promis de saisir le Conseil constitutionnel pour empêcher la promulgation du texte. Les deux principaux groupes du Sénat, Les Républicains et le Parti socialiste, refusent en effet de voir le mode de scrutin changer à moins de neuf mois des élections municipales, sans étude d'impact ni avis préalable du Conseil d'Etat. Le Sénat a donc largement rejeté le texte par deux fois. La dernière lecture, mercredi soir, s'est même terminée dans un climat rarissime de défiance vis-à-vis des méthodes de l'exécutif.

Un "passage en force", selon le chef du groupe des sénateurs LR, Mathieu Darnaud, qui s'indigne du choix du gouvernement d'activer la procédure du "dernier mot" de l'Assemblée nationale, donnant ainsi la primeur aux députés... alors que François Bayrou avait pourtant assuré dès février qu'il ne pouvait imaginer faire adopter ce texte sans compromis entre les deux chambres.

Depuis l'arrivée du Premier ministre à Matignon, aucun texte de loi n'avait été adopté sans l'accord du Sénat. Suffisant pour que le Conseil constitutionnel censure la réforme PLM ? "La procédure parlementaire a été respectée, assure auprès de franceinfo Benjamin Morel. C'est une proposition de loi, donc il n'y a pas obligation d'avoir une étude d'impact." Et la promesse du Premier ministre n'est évidemment pas engageante d'un point de vue constitutionnel.

Reste cependant quelques interrogations sur lesquelles les opposants à la réforme pourraient fonder leur recours. "Il y a d'abord la question de la lisibilité du scrutin puisqu'on va passer à deux scrutins, et pour Lyon, trois votes, avec celui de la métropole en plus, détaille Benjamin Morel. Cela n'est encore jamais arrivé d'avoir trois scrutins le même jour, sous la Ve République."  "L'organisation de trois élections à Lyon : arrondissement, ville, métropole, unique en France, risque de provoquer une forte confusion pour les électeurs et une complexité accrue pour la mise en œuvre du triple scrutin", a d'ailleurs pointé le maire de Lyon, Grégory Doucet. Néanmoins, tempère Benjamin Morel, "le Conseil constitutionnel n'a jamais plafonné le nombre de scrutins dans sa jurisprudence."

Reste enfin et surtout l'article 40 de la Constitution auquel sont soumises les propositions de loi. Il dispose que celles-ci "ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique." Or, en l'espèce, "organiser deux scrutins [trois à Lyon], c'est plus coûteux qu'un seul", assure Benjamin Morel, même si le Conseil constitutionnel pourra toujours trouver "une voie possible", liée à une réorganisation d'un mode de scrutin, pour ne pas censurer la loi.

"Même si le moyen n'est pas invoqué, le Conseil constitutionnel pourrait le soulever d'office, remarque Thibaud Mulier, qui ne trouverait pas absurde une censure sur ce fondement. Ce serait cohérent qu'il censure sur ce moyen. Le Conseil constitutionnel est toujours sévère avec les parlementaires et pas avec le gouvernement, à moins de prendre en compte l'évolution du jeu institutionnel."

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