Résultat du 2d tour des législatives 2024 : pourquoi le RN et ses alliés sont-ils arrivés en troisième position en nombre d'élus alors qu'ils ont obtenu le plus de voix ?
Cet apparent paradoxe s'explique en partie par le nombre plus important de candidats RN restés en lice au second tour, et par l'efficacité des désistements décidés par la gauche et le camp présidentiel.
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Un constat en demi-teinte pour le Rassemblement national. Le parti d'extrême droite et ses alliés ciottistes ont obtenu 143 députés à l'issue de second tour des élections législatives, devenant ainsi le troisième bloc politique à l'Assemblée nationale, derrière la coalition de gauche du Nouveau Front populaire (180 élus) et celle du camp présidentiel, Ensemble (163 élus).
Jean-Philippe Tanguy, un des députés les plus médiatiques du RN, note pourtant sur X que "le Rassemblement national a largement gagné le suffrage populaire" dimanche, en dépassant le seuil des 10 millions de voix. Et présente comme un "hold-up démocratique" le fait que ce nombre de voix supérieur ne se traduise pas par une majorité, au moins relative, à l'Assemblée nationale. Comment l'expliquer ?
Il est vrai qu'à l'échelle nationale, davantage d'électeurs ont voté pour le Rassemblement national au second tour que pour le NFP ou Ensemble. Le RN a recueilli à lui seul plus de 8,7 millions de voix dimanche, auxquelles s'ajoute près d'1,4 million de voix pour les candidats investis par Eric Ciotti, étiquetés Union de l'extrême droite (UXD) par le ministère de l'Intérieur. Soit un total de 10,1 millions de voix, loin devant l'Union de la gauche (7 millions) et la majorité présidentielle (environ 6,6 millions, en incluant les voix obtenues par les candidats Horizons). Ce qui semble confirmer la dynamique du premier tour, où le RN et ses alliés avaient obtenu 10,6 millions de voix, contre près de 9 millions pour la coalition de gauche et 6,6 millions pour le camp présidentiel.
Un mode de scrutin qui permet le barrage
Mais le score du RN "est en trompe-l'œil", prévient Frédéric Dabi, directeur général opinion de l'institut de sondages Ifop, interrogé lundi sur TF1. En cause, notamment, le mode de scrutin des législatives en France, à deux tours. Si certains députés sont élus dès le premier tour, la plupart des circonscriptions voient au moins deux candidats accéder au second tour, parfois trois ou quatre. Les électeurs sont donc appelés une deuxième fois aux urnes, avec un choix plus réduit, et sont en mesure d'adapter leur choix en conséquence, par exemple pour faire barrage à un candidat ou un parti qu'ils désapprouvent.
Le Rassemblement national critique depuis longtemps ce mode de scrutin et plaide pour l'instauration de la proportionnelle, et qu'il juge plus représentative du vote de l'électorat. En 1986, lors des seules élections législatives à la proportionnelle qu'a connu la France, à l'initiative du président socialiste François Mitterrand, le Front national (ancien nom du Rassemblement national) avait d'ailleurs effectué une percée à l'Assemblée nationale, obtenant 35 sièges et 9,7% des voix, après un seul tour.
Dans le scrutin actuel, l'émergence d'un front républicain dans l'entre-deux-tours a tout changé pour le RN, note Frédéric Dabi. En effet, 215 candidats qualifiés pour une triangulaire ou une quadrangulaire, configurations où la division des votes aurait profité au parti en tête au premier tour, se sont désistés pour n'offrir qu'un adversaire à l'extrême droite, et ainsi concentrer les votes de ses opposants. Cette stratégie a surtout profité à Ensemble, qui a remporté 86 des circonscriptions concernées, contre 57 pour l'alliance de gauche et 30 pour LR et ses alliés. Seuls 42 candidats d'extrême droite ont réussi à l'emporter dans cette configuration.
"Si on était sur le mode de scrutin anglais, c'est-à-dire uninominal à un tour, le RN aurait eu la majorité absolue."
Frédéric Dabi, directeur général Opinion chez Ipsosà TF1
D'autres modes de scrutin existent. Au Royaume-Uni, les électeurs viennent de choisir leurs députés grâce au scrutin uninominal à un seul tour : le candidat qui arrive premier est élu, quel que soit son score. S'il avait été utilisé pour les législatives françaises, ce mode de scrutin aurait favorisé le bloc d'extrême droite, note Frédéric Dabi, puisque ce dernier était arrivé en tête dans 297 circonscriptions au premier tour – mais le vote des électeurs n'aurait sans doute pas été le même sans la perspective d'un second tour.
Les adversaires du RN étaient absents de la plupart des circonscriptions
C'est d'ailleurs en partie en raison de ces désistements que la gauche et le camp présidentiel ont collecté moins de voix que l'extrême droite : ils étaient présents dans une part plus faible du territoire. Selon le décompte de franceinfo, le RN et ses alliés présentaient 441 candidats au second tour, contre seulement 276 pour le NFP et 231 pour Ensemble, qui s'étaient qualifiés dans moins de circonscriptions et avaient renoncé dans une partie d'entre elles pour faire barrage.
Les électeurs habituels de la gauche ou du camp présidentiel étaient plus nombreux que ceux de l'extrême droite à ne pas pouvoir voter pour leur formation favorite dimanche, et à devoir choisir entre l'abstention et un vote par défaut. "Le ratio de nombre de voix par circonscriptions a été bien meilleur pour Ensemble et pour le NFP que le RN", note d'ailleurs auprès de franceinfo Mathieu Gallard, directeur recherche au sein de l'institut de sondages Ipsos. Le nombre de voix au second tour des élections législatives n'est donc pas un reflet aussi fiable de l'opinion politique des Français que celui du premier tour ou d'une élection à la proportionnelle. Et un parti politique peut réaliser un bon score (37,05% des suffrages exprimés pour le RN et ses alliés) et envoyer un nombre relativement réduit de députés à l'Assemblée nationale.
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