: Reportage Législatives 2022 : dans le Val-de-Marne, l'ex-ministre Roxana Maracineanu joue des coudes pour doubler Rachel Keke
L'ancienne championne de natation et ministre des Sports a fini le premier tour avec une longueur de retard derrière la "femme de chambre qui a fait plier le groupe Accor" investie par la Nupes.
Roxana Maracineanu vient de monter les marches quatre à quatre jusqu'au troisième étage de l'immeuble pour tomber nez à nez avec une tête connue. Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, tout sourire sur un tract de campagne soigneusement glissé dans la fente d'une porte. "Ça vient d'être mis", assure l'équipe de l'ancienne ministre des Sports, qualifiée pour le second tour des législatives dans la 7e circonscription du Val-de-Marne. Signe que l'ex-championne de natation n'est pas la première, lundi 13 juin, à plonger dans les couloirs de cette imposante résidence aux murs beiges et blancs qui monte dans le ciel de L'Haÿ-les-Roses.
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Dans cette circonscription, le camp présidentiel n'est pas assuré d'asseoir sa candidate dans l'hémicycle, dimanche 19 juin. A l'issue du premier tour de scrutin, Roxana Maracineanu a été devancée de plus de treize points par une nouvelle venue en politique : 23,77% pour celle qui a officié sous les ordres de Jean Castex et d'Edouard Philippe, 37,22% pour Rachel Keke, femme de chambre et figure d'une grève historique contre le groupe hôtelier Accor et candidate de la Nupes.
Pour combler son retard de 4 000 voix, la médaillée d'argent aux JO de Sydney, aujourd'hui âgée de 47 ans, applique la stratégie macroniste : attaquer frontalement la Nupes et surtout Jean-Luc Mélenchon. Comme la Première ministre, Elisabeth Borne, et plusieurs membres du gouvernement, Roxana Maracineanu demande à "toutes les personnes qui n'ont pas voté pour Rachel Keke" d'intégrer son "front républicain contre l'extrême gauche".
Objectif : convaincre les électeurs de droite de glisser un bulletin pour elle lors du second tour de dimanche. Vincent Jeanbrun, le candidat LR arrivé troisième avec 18,32% des suffrages, a déjà appelé "toutes les électrices et tous les électeurs de notre circonscription à faire barrage aux extrêmes en allant voter contre la candidate de Jean-Luc Mélenchon au second tour".
"Un mépris de classe extraordinaire"
Sans surprise, l'opposition voit rouge. "C'est absolument affreux ce que Roxana Maracineanu dit, c'est un mépris de classe extraordinaire", manque de s'étouffer Aurélie Trouvé, candidate Nupes en Seine-Saint-Denis. "Rachel Keke s'est battue pendant 22 mois de grève, c'est le meilleur de la République. Ils montrent leur vrai visage, il fallait s'en douter, en fait c'est la droite dure." François Ruffin, en lice pour conserver son fauteuil de député dans la Somme, s'est adressé directement à l'ancienne ministre sur Twitter : "Quand les Rachel Keke du pays nettoient les chiottes de vos chambres d'hôtel, là vous n'appelez pas au 'front républicain' !"
Parmi les électeurs de l'ex-ministre aussi, quelques dents grincent. "Affirmer que Rachel Keke est d'extrême gauche alors qu'elle s'est juste battue pour que des femmes de chambre soient mieux traitées dans les hôtels, bon, je trouve ça franchement moyen", regrette Jean-Pierre, retraité de l'Education nationale, croisé à la descente du bus 131, arrêt Les Coquelicots. "Je vous le dis d'autant plus facilement que j'ai voté pour Roxana Maracineanu au premier tour et que je revoterai pour elle. Il y avait d'autres arguments que de taper comme ça sur une adversaire qui débute en politique."
Troisième étage, bâtiment de gauche. Roxana Maracineanu continue sa tournée des appartements. Porte d'en face : une mère de famille qui doit donner le bain à son bébé. Porte de droite : une infirmière qui doit partir travailler. Devant l'ascenseur : un couple qui part pique-niquer. Pas une seule fois l'ancienne sportive de haut niveau ne nomme Rachel Keke. Elle la présente comme "la candidate de Jean-Luc Mélenchon". C'est assumé : "Je veux rappeler aux habitants que la candidate en face de moi, c'est une femme qui va voter le programme de La France insoumise. Et moi, je pense que ce n'est pas de ça qu'on a besoin aujourd'hui dans notre pays."
"Je ne pense pas avoir eu des mots durs à l'égard de madame Keke. Au contraire, je trouve qu'elle a un parcours remarquable, aussi remarquable que le mien. Comme elle, je suis issue d'un milieu très modeste, on est venus de Roumanie avec deux valises. Mais aujourd'hui, c'est projet contre projet."
Roxana Maracineanu, candidate Ensemble ! dans la 7e circonscription du Val-de-Marneà franceinfo
Sur le palier, René, 93 ans, n'en finit plus de lui tenir la main. "Vous avez cent fois raison, madame. C'est quand même M. Mélenchon en face. Je vais voter pour vous et mon aide à domicile aussi."
"Quand tu dis ça, c'est que tu as peur"
Pendant ce temps, à un petit kilomètre de là, Rachel Keke mène sa campagne de l'entre-deux-tours presque comme si de rien n'était. Elle termine de serrer les mains des parents d'élèves de l'école maternelle Salvador-Allende de Chevilly-Larue, elle doit repartir distribuer des tracts devant un centre commercial voisin. Elle s'arrête quelques minutes, s'assied sur un banc de la rue de Berry, dans le quartier où elle a grandi.
Les paroles de l'ancienne ministre à son sujet ? "J'ai rigolé quand je les ai entendues !" s'esclaffe la gouvernante d'hôtel de 47 ans. "Quand tu dis ça, c'est que tu as peur, et elle a peur. Ils ne veulent pas que quelqu'un qui nous ressemble arrive à l'Assemblée nationale, poursuit-elle. Ce que je vois, moi, c'est que depuis le premier tour, il y a des gens qui me klaxonnent et me disent qu'on va gagner. C'est une joie, je sens qu'ils me font confiance. Les gens veulent me voir à l'Assemblée." Depuis dimanche, son compte WhatsApp déborde de "génial" et de "bravo". Eric Coquerel, député sortant et candidat dans la 1re circonscription de Seine-Saint-Denis, l'a appelée pour la féliciter.
"L'entre-deux-tours va ressembler à une bataille, une vraie lutte. Et ça a déjà commencé. Mais je suis une guerrière."
Rachel Keke, candidate Nupes dans la 7e circonscription du Val-de-Marneà franceinfo
Rachel Keke a prévu d'arpenter les marchés de la circonscription mercredi. Le lendemain, la femme de chambre rencontrera des familles et fera du porte-à-porte à Fresnes. Vendredi soir, elle terminera par une fête dans un quartier populaire de Chevilly-Larue.
Dans le camp d'en face, Roxana Maracineanu, qui avait reçu la visite de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe juste avant le premier tour, a prévu de faire le tour des associations sportives de Thiais mercredi après-midi, et de refaire du porte-à-porte jeudi. Où ça ? Mystère. Mais les deux femmes ont bien l'intention d'occuper le terrain jusqu'à la fin de la campagne vendredi soir.
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