Mort à Marseille d'une octogénaire touchée par une grenade lacrymogène : les zones d'ombre qui persistent dans l'enquête
A ce jour, Zineb Redouane est la seule personne morte en marge d'une manifestation des "gilets jaunes" pour laquelle la police est mise en cause. Ces derniers jours, plusieurs éléments nouveaux ont relancé l'enquête.
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Elle est devenue un symbole de la répression policière pour les "gilets jaunes". Zineb Redouane, une octogénaire algérienne vivant à Marseille, est morte après avoir été touchée par une grenade lacrymogène alors qu'elle se trouvait dans son appartement, le 1er décembre. Le projectile a été tiré par des CRS en intervention au pied de son immeuble pour contenir une manifestation de "gilets jaunes" dans la cité phocéenne. La femme de 80 ans fermait sa fenêtre pour se protéger des gaz lacrymogènes au moment où elle a été touchée par une grenade en plein visage.
Grièvement blessée, Zineb Redouane est morte le lendemain, à l'hôpital, sur la table d'opération. Une information judiciaire a été ouverte le 4 décembre pour déterminer les causes de la mort mais, sept mois plus tard, plusieurs zones d'ombre persistent dans ce dossier. La famille de l'octogénaire a de son côté porté plainte, en avril, pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Franceinfo fait le point sur cette affaire.
Les causes de la mort
Après la mort de Zineb Redouane, le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux, avait d'abord affirmé que l'octogénaire avait succombé "d'un arrêt cardiaque sur la table d'opération". "A ce stade, on ne peut pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès", avait-il affirmé. L'autopsie, réalisée au lendemain du décès à la demande du parquet, a mis en évidence "un traumatisme facial sévère avec fractures", ainsi que "des fractures costales et un œdème pulmonaire aigu qui serait la cause du décès, après tentative de réanimation", selon un communiqué de la cour d'appel. Rédigé par deux médecins légaux du CHU de la Timone, le document, cité par Mediapart, précise que seul le dossier médical de la victime "pourrait déterminer avec plus de précision les circonstances de survenue du décès".
Une autre autopsie, menée en Algérie vingt-cinq jours après la mort, à la demande du tribunal de Dar El Beïda et révélée par Le Media mardi 2 juillet, ne prend pas autant de précautions dans son analyse des faits constatés. Plus péremptoire, la contre-expertise évoque ainsi un "important traumatisme facial imputable à l’impact d’un projectile non pénétrant (…) pouvant correspondre à une balle lacrymogène". D'après ce document, ce "traumatisme est directement responsable de la mort par aggravation de l'état antérieur".
"J'espère que cette expertise va faire bouger les choses", a commenté auprès de l'AFP Brice Grazzini, l'avocat de Sami Redouane, l'un des fils de la victime. Regrettant un "manque de diligence" de l'autopsie française, il a dit sa volonté de verser cette contre-autopsie algérienne à l'instruction.
L'identité du tireur
Le 1er décembre, lors de la manifestation qui se tient autour du domicile de Zineb Redouane, cinq CRS étaient dotés de lanceurs de grenades. Avec le capitaine qui les dirigeait, ils ont été entendus par l'IGPN à la fin du mois de janvier, indique Mediapart, qui publie des extraits des auditions. Tous les policiers ont affirmé ne pas savoir lequel d'entre eux avait tiré la grenade qui a touché l'octogénaire. Des propos confirmés à franceinfo par une source proche du dossier.
Même confrontés aux images de vidéosurveillance, ils ont affirmé ne pas être en mesure d'identifier le tireur. "Cela peut être moi ou pas, je n’ai aucune certitude", a notamment affirmé l'un d'entre eux, cité par Mediapart. "La grenade retrouvée provenait d’un gilet de recomplètement. On s’en est rendu compte par le numéro. Mais impossible de dire qui était le porteur", a affirmé aux enquêteurs un des cinq policiers.
"Je pense que l'identité du tireur est en réalité bien connue. Quand ils disent qu'ils sont cinq à avoir des lance-grenades ce jour-là mais qu'ils ne sont pas capables de savoir qui a tiré, je ne peux pas y croire, s'indigne auprès de franceinfo Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille de Zineb Redouane. Lorsque des suspects donnent des explications invraisemblables et fantaisistes, la pratique judiciaire et policière classique, c'est de les placer en garde à vue et de les mettre en examen. Cela n'a pas été le cas ici. Comment ne pas douter de la qualité de l'enquête menée par l'IGPN ?"
La présence d'un magistrat dans la manifestation
Un autre élément crée la confusion dans cette enquête. Le 27 juin, Mediapart a révélé la présence André Ribes, le vice-procureur du parquet de Marseille, aux côtés des policiers sur le terrain le 1er décembre. Sa présence a été signalée par les policiers lors de leurs auditions, menées à la fin du mois de janvier. Lui n'en avait informé ni les enquêteurs, ni la juge d'instruction marseillaise en charge du dossier, selon le site d'information.
"Il n'est pas normal qu'un membre du parquet qui était présent sur les lieux au moment où madame Redouane a été touchée par la grenade n'a pas fait état de sa présence au magistrat instructeur. Il aurait pu fournir des éléments utiles à l'enquête", regrette Yassine Bouzrou. Fait encore plus troublant selon l'avocat : André Ribes était en charge de l'enquête jusqu'à ce que celle-ci soit confiée à un juge d'instruction, le 5 décembre.
Persuadé que, dans ce contexte, "une enquête objective n'était pas possible à Marseille", Yassine Bouzrou a réclamé le dépaysement des investigations. Une demande soutenue par le parquet général d'Aix-en-Provence et désormais transmise à la Cour de cassation, qui pourra choisir quelle juridiction prendra le relais.
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