"Recréer du lien avec le public et faire acte de transparence" : pourquoi franceinfo et "La Voix du Nord" lancent l'opération "L'info et vous"

franceinfo et "La Voix du Nord" ouvrent le débat sur le traitement de l’actualité avec les citoyens. Interview croisée d'Agnès Vahramian, directrice de franceinfo radio, Daniel Picault, directeur général délégué Rossel France et Benoît Deseure, rédacteur en chef adjoint de La Voix du Nord.

Article rédigé par Xavier Allain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le studio 421 de franceinfo. (AURÉLIEN ACCART / RADIO FRANCE)
Le studio 421 de franceinfo. (AURÉLIEN ACCART / RADIO FRANCE)

Pour la 2e édition de "L'info et vous", franceinfo s'associe à La Voix du Nord pour créer une opportunité d'échange libre et ouvert avec les citoyens sur l'information, le journalisme et ses fonctionnements. Quelles sont leurs attentes ? Quelles sont nos pratiques ?

Avant une soirée d'échanges et de débats le 3 avril à Lille, interview croisée entre Agnès Vahramian, directrice de franceinfo radio, Daniel Picault, directeur général délégué Rossel France et Benoît Deseure, rédacteur en chef adjoint de La Voix du Nord.

franceinfo et La Voix du Nord lancent "L'info et vous", une consultation citoyenne sur les médias, l'information, le journalisme... A quoi servira-t-elle ?

 
Agnès Vahramian, directrice de franceinfo radio : Notre métier premier est de faire le lien entre le public et l'information. Or, toutes les enquêtes d'opinion soulignent la crise de la confiance à l'égard des journalistes et des médias. Le lancement de cette consultation citoyenne est une première manière de récréer ce lien. Et créer une opportunité d'écoute avec les citoyens sur l'actualité et son traitement à l'antenne, le journalisme et ses fonctionnements. Il nous faut remettre de la transparence, expliquer nos pratiques, réinstaurer de l'échange, recréer les conditions propices au dialogue. Avec "l'info et vous", franceinfo et La Voix du Nord s'engagent à entendre les retours de nos auditeurs, téléspectateurs, lecteurs et répondre à leurs questions, quelles qu'elles soient. Les résultats de cette consultation nourriront les échanges de la soirée organisée dans les locaux de La Voix du Nord à Lille, le 3 avril prochain.

Une défiance des Français persiste envers les médias et les journalistes : comment les médias peuvent-ils enrayer ce phénomène ?

Agnès Vahramian : Le monde se complexifie et avec lui, l'actualité que nous traitons tous les jours. Nous vivons une période dans laquelle la confusion est importante, la désinformation est partout. Face à cela, nous devons délivrer à nos publics une information basée sur des faits avec une variété de perspectives, une pluralité des angles pour avoir une vision la plus exhaustive possible des sujets d'actualité. Mais il faut aller encore plus loin : il ne suffit pas de le faire, il faut le faire savoir. Parce que la confiance passe par la transparence. Il nous faut expliquer nos choix, nos méthodes. Expliquer pourquoi, comment. Expliquer notre hiérarchie de l'information. Expliquer la manière dont nous avons recueilli un témoignage, dont nous avons établi des faits avec certitude. Expliquer le temps que nous passons sur le terrain pour réaliser un reportage... C'est ce que nous voulons faire avec "L'info et vous" : recréer du lien avec le public et faire acte de transparence.

Considérez-vous que la liberté de l'information est aujourd'hui menacée en France ?

Benoît Deseure, rédacteur en chef adjoint de La Voix du Nord : Si on devait additionner le nombre de marques de presse écrite, de radio, de télé et de sites web proposant de l'information, on n'a pas l'impression que la liberté de l'information soit menacée. Mais de fait, c'est un discours que l'on entend, par exemple quand l'Arcom retire l'autorisation d'émettre sur la TNT de C8 ou quand des milliardaires rachètent des médias et font évoluer fortement la ligne éditoriale. Que des médias aient une ligne marquée politiquement n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est la puissance d'opérateurs qui n'hésitent pas à manipuler et à proférer des mensonges. Que des pays soient capables de mener de puissantes campagnes de désinformation visant à déstabiliser les démocraties est effrayant. Que des plateformes numériques exacerbent la polarisation et réduisent le contrôle de la véracité de leurs contenus l'est aussi. Cela doit nous amener, ici au journal quand on produit l'info mais aussi à l'autre extrémité, chez les lecteurs, à prendre conscience de l'enjeu : bien s'informer, c'est aussi important que bien se nourrir ou faire du sport.

36% des Français sont favorables à l'utilisation de l'IA dans les médias. Quel regard portez-vous sur le recours à l'intelligence artificielle dans les rédactions ?  

Daniel Picault, directeur général délégué Rossel France : Les outils d'Intelligence artificielle représentent incontestablement un progrès pour nos rédactions et offrent de nouvelles opportunités intéressantes dans le quotidien des journalistes. C'est un progrès car nos rédactions respectent des règles. La déontologie et l'éthique sont des valeurs de base. Et nos journalistes travaillent au sein de médias dotés de chartes éditoriales, et plus spécifiquement de chartes d'utilisation de l'IA. En d'autres termes, ces outils seront bien utilisés car entre les mains de gens responsables. C'est d'ailleurs une sécurité pour les lecteurs et annonceurs qui ont confiance en nos marques. D'autant plus que l'IA va certainement générer de plus en plus de fake news. Et les journalistes seront demain quasi les seuls capables de sourcer et de vérifier une information de manière indépendante. Leur mission sera donc de plus en plus nécessaire au citoyen, un garde-fou à cette évolution inquiétante véhiculée déjà aujourd'hui par les réseaux sociaux, et amplifiée demain avec le développement croissant de l'IA.

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