Lutte contre la fast-fashion : "15 % des consommateurs recherchent le « moins mais mieux »", rassure Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique à l'Institut Français de la Mode

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l’agence 6médias
France Télévisions

Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique à Institut Français de la Mode, était l'invité de la matinale de franceinfo mardi 22 juillet.

Les soldes d'été se terminent sur un bilan décevant, mardi 22 juillet. Le chiffre d'affaires des enseignes est en recul de 5 % par rapport à l'année 2024. La raison ? Trop de concurrence face aux géants de la fast-fashion et aux ventes privées. Invité de Leïla Salhi dans la matinale de franceinfo, Gildas Minvielle, directeur de l'Observatoire économique à l'Institut Français de la Mode, constate une "seconde main très dynamique" malgré un secteur majoritairement "capté par l'ultra fast fashion".

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

France Télévisions : Plusieurs chaînes, aujourd'hui, de prêt-à-porter, sont en difficulté. Gildas Minvielle, est-ce que c'est la fin d'un modèle ?

Gildas Minvielle : Je ne crois pas. Il y a effectivement une conjonction de plusieurs éléments qui a fragilisé, particulièrement, le milieu de gamme, mais pas seulement. Je pense que le milieu de gamme n'est pas mort. Il y a beaucoup d'enseignes, y compris des enseignes françaises, qui arrivent à tirer leur épingle du jeu sur le milieu de gamme. Simplement, il y a beaucoup d'acteurs. La compétition est féroce et c'est difficile de tirer son épingle du jeu dans un contexte où les consommateurs ont totalement changé.

On lit souvent que les marques, notamment françaises, n'ont pas réussi à prendre le virage du web. Qu'en pensez-vous ? Qu'est-ce qu'on peut leur reprocher et quels conseils pourrait-on leur donner ?

C'est vrai qu'on a parlé de ça au moment de la fermeture de Camaïeu, à la fin de l'année 2022. C'est une fermeture qui nous a tous marqués dans l'écosystème de la mode. Par exemple, Camaïeu avait une part assez modeste de ses ventes consacrées à l'e-commerce. Je ne pense pas que ce soit aussi déterminant que cela, mais c'est vrai qu'à un moment, au tournant des années 2015, beaucoup d'enseignes ont continué à ouvrir des magasins alors qu'il fallait sans doute davantage investir dans le e-commerce. Il représente, d'après le baromètre IFM que nous venons tout juste de publier, environ 30 % des achats en valeur sur le premier semestre 2025. 30 %, effectivement, c'est très important.

Les magasins physiques mettent peut-être la clé sous la porte, mais les plateformes en ligne ne se sont jamais aussi bien portées. Selon l'Observatoire de l'Institut Français de la Mode, le trio "Amazon, Shein, Temu" totalise en valeur un quart des ventes en ligne de vêtements. Que recherche le consommateur aujourd'hui ? Cela traduit quoi ?

Le consommateur est complexe. Il veut un ensemble de choses. Nous sommes dans un contexte économique qui n'est pas favorable. Beaucoup de consommateurs recherchent des premiers prix par nécessité. Lorsqu'il y a un choc extérieur, comme l'inflation ou le Covid, la mode fait partie des possibilités de variables d'ajustement dans le budget des ménages. Malheureusement, on le regrette, parce qu'on défend plutôt les enseignes qui sont un peu plus premium et qui fabriquent éventuellement en France. Mais une grande partie des consommateurs recherchent des petits prix qu'ils ont la possibilité d'avoir avec ce qu'on appelle l'ultra fast fashion, les Shein, les Temu... Mais aussi la seconde main. Il ne faut pas l'oublier. La seconde main, c'est 11 % des achats en valeur au premier semestre en France. C'est très important. Il y a une partie du marché qui est captée par cette ultra fast fashion. Une autre par cette seconde main, qui est très dynamique. Et ce qui reste du gâteau pour les acteurs historiques, notamment du milieu de gamme, s'est nettement réduit.

Il y a une nécessité de créer l'envie aussi aujourd'hui. On parlait bien évidemment du prix : plus les prix sont bas, plus ça fonctionne. Mais le cas des marques comme Sézane est intéressant puisque c'est la démarche inverse. Internet d'abord, la boutique physique ensuite. Quelle est la stratégie derrière ?

Il faut être bon partout. Vous avez parlé de cette création d'envie, c'est très important. C'est un secteur où la créativité est importante. Il faut être bon sur le prix, il faut être bon sur le rapport qualité-prix. Cela ne veut pas dire que c'est seulement le prix bas ; le rapport qualité-prix est une notion un peu plus élaborée. Et puis, c'est l'image, le style, qui est très important. C'est un peu difficile à mesurer car immatériel, mais Sézane est assez bon là-dessus. Il y a d'autres enseignes que l'on aurait pu citer. Les Saint James, par exemple, qui fabriquent en Normandie. Armorlux, un peu à côté en Bretagne. Il y a beaucoup d'entreprises comme ça qui ont de belles performances ; on en parle moins. Mais un chiffre qui m'a paru intéressant dans les études que nous avons menées : en 2024, il y a environ 15 % des personnes que nous avons interrogées qui ont acheté des vêtements plus chers que d'habitude. Ce n'est pas lié à l'inflation, puisque l'inflation s'est calmée en 2024. Donc, il y a quand même une partie des consommateurs qui recherchent le « moins mais mieux », c'est-à-dire un peu moins d'achats, mais on va rechercher la qualité. Parce que la mode est souvent critiquée par rapport à la qualité, qui s'est amoindrie au fil des ans. Il y a quand même une partie qui a acheté plus et qui recherche cette qualité.

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