Trêve hivernale : la Fondation Abbé Pierre appelle au maintien des aides en cas d'impayés de loyers, un "principe posé par la loi" mais "remis en cause"
La Fondation Abbé Pierre publie une étude, jeudi, à la veille de l'entrée en vigueur de la trêve hivernale.
"La prévention des expulsions apparaît plus que jamais comme le parent pauvre des politiques publiques", dénonce, jeudi 31 octobre, la Fondation Abbé Pierre. À la veille de l'entrée en vigueur de la trêve hivernale, elle appelle au maintien des aides au logement en cas d'impayés de loyers, un "principe posé par la loi Alur du 24 mars 2014" mais "remis en cause" à cause de "dysfonctionnements" et de "politiques publiques de plus en plus répressives". La Fondation publie une étude sur le sujet. Elle a été réalisée auprès de 66 associations partenaires.
"L'allocation de logement ou aide au logement [...] représente une ressource financière nécessaire à l'équilibre budgétaire de 5,8 millions de ménages", insiste la Fondation Abbé Pierre. "Dès lors, suspendre les aides au logement revient à rompre un équilibre précaire." Leur maintien en cas d'impayé est "un facteur de prévention de l'expulsion sur lequel les Caisses d'allocation familiales peuvent agir", soutient cette même source.
"Une mauvaise application de la réglementation"
Si la procédure de maintien des aides au logement en cas de loyers impayés "est connue et intégrée" par les CAF interrogées, sa "mise en pratique révèle des dysfonctionnements". Légalement, les aides ne peuvent être suspendues "qu'à l'issue d'un délai de 12 mois durant lequel les caisses départementales ont multiplié les sollicitations (au bailleur, au Fonds de solidarité logement, au locataire...) afin d'aboutir à un plan ou une aide visant à apurer la dette locative", explique la Fondation Abbé Pierre.
Mais la réalité est différente, selon cette enquête : plus de la moitié (53%) des associations interrogées "considère que lorsque les ménages prennent contact avec elles pour la première fois, ces derniers font face à des problèmes de maintien des aides au logement". Elles pointent principalement "une mauvaise analyse de la situation par la CAF ou une mauvaise application de la réglementation".
81% des associations répondantes déclarent que "les ménages accompagnés rencontrent souvent ou très souvent des difficultés pour entrer en contact avec leur caisse d'allocations familiales et pour comprendre ses instructions". Une des CAF interrogées dans le cadre de cette étude "reconnaît" que certaines notifications envoyées aux allocataires "sont souvent très peu claires". D'autant plus qu'elles sont souvent "issues d'un traitement automatique du logiciel utilisé par l'organisme payeur" ou envoyées par mail "alors que 15% de la population en 2021 était sujette à l'illectronisme".
"La dépendance du locataire vis-à-vis du bailleur"
La communication difficile entre les allocataires et la CAF constitue "une entrave supplémentaire dans l'accès aux droits" et elle "est exacerbée en cas d'impayé car la procédure de maintien des aides est complexe et souvent méconnue des ménages", dénonce la Fondation Abbé Pierre. 46% des associations interrogées dans le cadre de cette enquête déclarent d'ailleurs "que la suspension des aides au logement a souvent ou très souvent été la cause de la poursuite de la procédure d’expulsion des ménages accompagnés".
L'étude de la Fondation Abbé Pierre relève également "la dépendance du locataire vis-à-vis du bailleur" car si celui-ci refuse de signer le plan d'apurement – c'est-à-dire un calendrier pour le remboursement de loyers impayés, après accord entre le locataire et le propriétaire – "les aides au logement sont dans la grande majorité des cas suspendues, sans que le bailleur ait à justifier ce refus".
Cette dépendance "s'étend à l'ensemble du versement de l'aide" car "le bailleur doit produire les pièces justificatives sur la base desquelles l'allocation logement est calculée", explique la Fondation Abbé Pierre. Mais "rares sont les CAF acceptant des pièces produites par les locataires". Pourtant, cette "pratique mériterait d'être développée".
"La même injonction absurde : faire plus avec moins"
Les propriétaires ont également l'obligation de déclarer l'impayé à l'organisme payeur, "ce qu'il ne fait pas toujours", principalement dans le parc privé. Par conséquent, "la dette s'enlise alors sans que la CAF n'ait pu proposer de plan d’apurement ou de saisine des organismes pouvant apporter une aide", regrette la Fondation Abbé Pierre. Elle déplore aussi "l'insuffisance des moyens octroyés à la prévention des expulsions" à cause de "la même injonction absurde : faire plus avec moins".
Pourtant, "une volonté politique forte des pouvoirs publics et de la Caisse nationale d'allocations familiales, accompagnée des moyens adaptés, permettrait une stricte application de la procédure de maintien des aides au logement pour les ménages en impayé de loyer, participant efficacement à réduire les expulsions locatives", assure la Fondation.
Elle estime qu'"au-delà d'une politique sociale et protectrice très insuffisante, les dispositions fortement régressives de la loi dite 'Kasbarian-Bergé' de 2023 et les instructions de fermeté envoyées aux préfets" ont eu des conséquences "dramatiques sur le terrain". Les ménages en difficulté "obtiennent moins d'échéanciers, de délais pour quitter leur logement, les procédures sont plus rapides et les préfets font peu de cas des difficultés des ménages ou de procédures judiciaires en cours", dénonce la Fondation Abbé Pierre.
Christophe Robert, son délégué général demande donc "l'abrogation" de cette loi et des "moyens suffisants pour renforcer l’accompagnement administratif et juridique des ménages". La Fondation Abbé Pierre souligne que "le nombre d'expulsions avec le concours de la force publique n'a jamais été aussi élevé : en 2023, 19 023 ménages ont été expulsés, soit une hausse de 17% par rapport à 2022 et de 150% sur ces vingt dernières années". Elle "redoute une année 2024 plus dramatique encore".
Méthodologie : Cette étude "vise à donner un aperçu des principales difficultés rencontrées par les ménages en situation d'impayé de loyer lorsqu'il s'agit de maintenir leurs aides au logement". Elle a été réalisée auprès de 66 associations d'accès aux droits liés au logement qui accompagnent les allocataires dans leurs démarches avec les Caisses d'allocations familiales (CAF).
L'enquête se compose de plusieurs volets complémentaires : un questionnaire de 59 questions rempli par les associations, plusieurs immersions dans l'écosystème associatif accompagnées d’une série d’entretiens semi-directifs et un atelier organisé avec des responsables de dix CAF différentes, ainsi que des rencontres avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
Le questionnaire a été divisé en cinq sections : sur la situation des ménages lors du premier contact et leur accompagnement, sur le traitement des dossiers par la CAF, sur les difficultés rencontrées avec la CAF, sur les leviers d’amélioration. Enfin, la dernière section vise à recueillir des informations sur les répondants.
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