: Reportage Grève du 2 octobre : "La colère est là, mais pas la mobilisation", confient ces ouvrières de Sablé-sur-Sarthe, qui renoncent pour des raisons financières
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Cette deuxième journée de mobilisation s'annonce moins suivie, notamment dans cette ville de la Sarthe. Des ouvrières racontent pourquoi elles ne font pas grève jeudi, alors qu'elles ont bien des revendications.
Appel des syndicats à la grève et à la mobilisation pour faire pression sur le futur gouvernement Lecornu. Une mobilisation qui s'annonce en baisse par rapport à la semaine dernière. Sablé, dans la Sarthe, rassemble 13 000 habitants, et 3 000 salariés chez le géant de la volaille LDC, qui possède des marques comme Le Gaulois ou Marie. Le 18 septembre, dans cette ville, il y avait 250 personnes dans la rue.
Jeudi, les salariés de LDC passent leur tour, ils ne font pas cette deuxième journée de grève. Et la raison est très simple. "Il y a les factures à payer, il y a les impôts à payer, et c'est pas le gouvernement qui va les payer", lance une salariée. Impossible de perdre encore une journée de salaire quand on gagne à peine 1 800 euros par mois.
"Pour le groupe, c'est une goutte d'eau..."
Le 18 septembre, Nicole, Patricia et Stéphanie sont "sorties", comme elles disent. Elles ont fait grève pour aller manifester, mais pas cette fois-ci. "Ça ne va servir à rien du tout. Quand vous voyez qu'on était quoi, cinq de l'atelier ? C'est très peu. Pour le groupe, c'est une goutte d'eau...", déplore l'une.
"L'autre fois, ça ne m'a pas dérangée, mais je ne vais pas la faire tout le temps non plus, parce que ce n’est pas assez fort. Les gens, ils disent 'on va faire grève, on va faire grève', mais on les voit jamais, fustige sa collègue. C'est toujours les mêmes à sortir. Et ils viennent après gueuler par-derrière. Faites comme nous, sortez !"
"Tu traverses la route et puis tu as du boulot ?"
Nicole et ses collègues ne se mobilisent pas, pourtant la colère est toujours là. "Quand vous avez travaillé depuis l'âge de 16 ans et que vous voyez maintenant qu'il faut encore bosser jusqu'à je ne sais pas quel âge... On a le droit aussi d'avoir une vie ?, s'étrangle Patricia. Tu traverses la route et puis tu as du boulot ? Eh bien, viens faire 70 bornes pour travailler, tu vas voir ce que c'est. C'est mon cas, je n’ai pas le choix, c'est comme ça. Et si on n'a plus les moyens de se payer une bagnole, on fait comment pour aller au boulot quand vous commencez à 4 heures, il faut se lever à 2 heures."
"Qu'ils viennent travailler avec nous ! Pas pour une journée, pour plusieurs mois, ils verraient ce que c'est. À part notre colère, qu'est-ce qu'on peut donner de plus ? De toute façon, on n'aura jamais raison avec eux."
Patricia, salariée à Sablé-sur-Sartheà franceinfo
Jeudi à Sablé-sur-Sarthe, il n'y a donc même pas de cortège. Dans le minuscule Algeco qui sert de local syndical à Force ouvrière, les élus du personnel ont le moral dans les chaussettes et se sentent en décalage avec les consignes nationales. "C'est vrai qu'à Paris, ce n’est pas la même vision que nous. Nous, on est dans le monde ouvrier, on est sur le terrain, affirme Emmanuel Seguin, engagé depuis plus de 15 ans. Il y a des choses qu'on voit et qu'eux ne voient pas forcément. La grève à saute-mouton, je veux bien, mais on ne va pas se permettre d'avoir trois ou quatre journées non payées dans le mois. Nous aussi, on a besoin de vivre et des charges à payer."
"Pour moi, ça se jouera dans deux ans"
Ce manque de mobilisation en rend certains malheureux. "Oui car quelque part, c'est pour eux, pour leurs petits-enfants, pour tout le monde", estime Grégory Besnard, responsable syndical depuis deux ans. La grève est-elle un moyen d'action désormais inefficace ? "Je pense que ça ne se fait plus, les gens regardent sur Internet. J'ai l'impression qu'ils ne s'impliquent plus, ça n'est plus leur problème" regrette-il. Lui a pourtant manifesté pour la première fois la semaine dernière et raconte combien l’expérience collective lui a "fait chaud au cœur".
La grève est-elle un moyen d'action désormais inefficace ? "Je pense que ça ne se fait plus, les gens regardent sur Internet, ils ne regardent pas la télévision, ils se foutent de la politique, renchérit son collègue Belkacem Herhar. J'ai l'impression qu'ils ne s'impliquent plus, ça n'est plus leur problème." "On se mobilise beaucoup pour tout le monde, mais là, pour le gouvernement, c'est open bar, à part les syndicats, personne ne bouge", dénonce un troisième.
"La colère est là, mais pas la mobilisation, constate Laurence Diogène, déléguée centrale FO. Mon point de vue personnel, c'est qu'on a beau changer de Premier ministre tous les quatre matins, tant qu'on aura monsieur Macron, ça ne changera pas. C'est lui, le décideur de tout, puisqu'il dit qu'il ne démissionnera pas. Pour moi, ça se jouera dans deux ans." Donc pas dans la rue aujourd'hui, mais dans les urnes à la prochaine présidentielle.
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