Faux documents, images générées par IA, sinistres fictifs... Comment les assureurs se prémunissent contre une fraude qui se diversifie
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Les outils permettant de frauder se démocratisent, en partie grâce à l'intelligence artificielle, même si le phénomène reste difficile à quantifier. Les compagnies d'assurances tentent de rester à la page des évolutions technologiques grâce à différents procédés de vérification.
La fraude à l'assurance évolue et prend de nouvelles formes, plus sophistiquées ou simplement plus accessibles grâce à des outils parfois disponibles sur les réseaux sociaux. Le volume global de la fraude identifiée, lui, était de 695 millions d'euros en 2023, selon l'Alfa (Agence de lutte contre la fraude à l'assurance), en hausse de 18% par rapport à 2022. L'enjeu est donc de taille pour les assureurs, qui cherchent à améliorer leur capacité à détecter les fraudes, en partie grâce à l'IA.
La fraude n'a évidemment pas attendu les IA génératives pour devenir préoccupante. "Pendant le Covid, des gens achetaient des faux stickers bris de vitre, les collaient sur les vitres et multipliaient les contrats d'assurance et les demandes auprès des assureurs, rappelle Maxence Bizien, directeur de l'Alfa. On ne pouvait pas se déplacer, il n'y avait pas d'expertise. Maintenant, si les fraudeurs sont assez doués et qu'ils font un 'prompt' (une demande sur un chatbot IA) de qualité, ils n'ont même plus besoin d'acheter des stickers."
"Il y a des traces que les fraudeurs ne savent pas retirer"
L'IA a surtout permis de démocratiser ce qu'on appelle la fraude documentaire, comme des faux justificatifs d'identité ou des fausses factures. "Les fraudeurs vont être à même de contrôler la cohérence globale du document, la bonne application de la TVA, le bon format de numéro de Siret", cite par exemple Vincent Le Hir, responsable de l'innovation pour le groupe Stelliant, qui aide notamment des assureurs à se prémunir contre la fraude. "Auparavant, les fraudeurs n'avaient pas forcément toute la connaissance requise pour fabriquer une facture propre du premier coup. Aujourd'hui c'est plus facile, en prenant des informations qu'on trouve un peu partout, d'avoir une facture vraiment conforme. Néanmoins il y a des traces que les fraudeurs ne savent pas retirer."
Ce type d'escroquerie se répand ainsi que la propagation de modes opératoires via les réseaux sociaux. La fraude dans son ensemble est par ailleurs en hausse dans toutes les branches d'activité, soit parce qu'il y a réellement plus de fraudes, soit parce que les organismes d'assurance savent mieux les repérer.
Une multitude de petits sinistres fictifs
Les fraudes détectées concernent en majorité des petits dossiers sur des contrats multirisques habitation, précise Vincent Le Hir. "Le cas le plus industrialisé est le faux sinistre. La personne va nous dire qu'il y a un sinistre alors qu'il n'y en a pas, relève-t-il. Tout est falsifié, il n'y a jamais rien eu et on n'est même pas sûr que la personne soit vraiment en possession du bien." Il arrive aussi qu'une personne essaie de "généraliser sa fraude". L'escroc "signale par exemple un petit dégât des eaux chez lui, sur un contrat qu'il a souscrit récemment avec des faux documents, et va essayer de le faire passer sur plusieurs assurances", notamment des néoassureurs ou des assureurs en ligne.
"Si on parle d'un dossier qui a été indemnisé par exemple 2 000 euros, sur une centaine de dossiers de ce genre, on va en détecter dix de frauduleux."
Vincent Le Hir, responsable innovation chez Stelliantà franceinfo
Les faux documents sont parfois "très bien faits avec des IA génératives, qui peuvent leurrer les assureurs qui ne sont pas à la pointe de ce qu'on fait aujourd'hui, mais de là à y voir un tsunami, cela me paraît bien exagéré", nuance Maxence Bizien, le directeur de l'agence antifraude. Il estime que l'IA est un moyen supplémentaire pour frauder, mais cela ne change pas radicalement la nature de la menace.
Cette sophistication de la fraude documentaire a néanmoins changé l'approche de certains assureurs quand ils sont contactés pour des sinistres. "Aujourd'hui, il vaut mieux partir du principe qu'un document est faux et voir comment le gestionnaire ou l'expert peut vérifier qu'il est véridique", avance Vincent Le Hir. "Si on reçoit un document sans maîtriser le canal d'acquisition, on ne peut pas être sûr qu'il n'a pas été modifié. Si vous recevez une enveloppe chez vous qui est ouverte, est-ce que vous avez confiance dans ce document ? Pas forcément. C'est la même chose pour les assureurs."
Contrôler l'échange de documents
Pour les compagnies d'assurances, une façon efficace de s'assurer de la réalité d'un sinistre et de la bonne foi de l'assuré est de maîtriser de bout en bout la façon dont sont échangés les documents. Certaines entreprises vendent des solutions clés en main à des assureurs, permettant notamment de prendre des photos directement via le téléphone de l'assuré. C'est ce que propose notamment la société WeProov à une trentaine de compagnies d'assurance françaises, en particulier sur le volet des sinistres auto.
"Avec un bon 'prompt' formulé à un chatbot IA qui vous prend une minute trente, vous pouvez créer sur ordinateur une photo d'un dommage de 462 euros sur le pare-chocs avant droit de votre voiture, que vous envoyez à votre assureur qui, s'il fait du gré à gré, vous indemnise directement sans avoir à repasser par une expertise", décrit Alexandre Meyer, le cofondateur et PDG de cette entreprise née en 2015.
Au-delà d'un certain montant d'indemnisation, l'expertise de terrain s'impose pour constater les dégâts. Mais dans certains cas, l'expert ne se déplace pas et juge à distance sur les photos et documents envoyés par l'assuré. Les images transmises via WeProov "ne sont pas des photos que vous prenez sur votre téléphone puis que vous importez dans notre outil", précise Alexandre Meyer. On vous oblige à prendre les photos dans notre application, cela aide l'expertise à distance."
"On donne des informations réellement captées par le téléphone à un moment T, à un endroit précis, de manière à créer des faisceaux de preuves qui nous permettent de vérifier l'authenticité."
Alexandre Meyer, cofondateur et PDG de WeProovà franceinfo
Le procédé doit permettre aussi d'accélérer l'étape de l'expertise pour l'assureur. En revanche, des doutes peuvent subsister sur les éléments transmis. "Sur une centaine de dossiers, environ sept vont être retoqués pour des choses incohérentes", par exemple sur l'identification du véhicule ou sur le délai pris entre plusieurs photos.
Des correspondants antifraude formés à l'IA
Plus largement, les assureurs tentent de recouper le plus d'informations possible. Une technique consiste à utiliser l'IA pour croiser les contenus d'appels téléphoniques d'un assuré qui échangerait successivement avec plusieurs gestionnaires. L'IA peut retranscrire les appels, analyser la sémantique et comparer les contenus, de manière à "s'assurer qu'il ne change pas de déclaration, qu'il ne dise pas la première fois que le sinistre est sous le lavabo, la deuxième fois sous la fenêtre, la troisième fois sous la toiture, décrit Vincent Le Hir. Là, il y aurait potentiellement une anomalie, donc cela nécessiterait une visio expertise." Certains assureurs peuvent aussi inclure des informations externes, telles que des données météo, dans le cas où une personne déclarerait une infiltration par la toiture.
"Les fraudeurs se musclent, mais nous aussi", résume Maxence Bizien, le directeur de l'Agence de lutte contre la fraude à l'assurance. Depuis septembre 2024, l'Alfa forme à l'IA des correspondants antifraude de compagnies d'assurances. Plus de 70 correspondants ont été formés sur les 2 000 existants, selon l'Agence. Des formations sur l'image, la voix, les deepfakes... ou comment utiliser le potentiel de l'lA générative pour mieux lutter contre la fraude.
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