Les "CumCum" : une fraude fiscale à trois milliards d'euros ?
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Alors qu'une loi a été votée fin 2024 pour mettre fin à ce système de fraude sophistiqué, le Sénat accuse Bercy d'avoir "ouvert une brèche" sous la pression des banques.
"Nous serons intraitables en matière de fraude fiscale", promettait Emmanuel Macron en 2018. Un discours qu'il tient après des révélations d'une fraude fiscale qui aurait fait perdre à la France 33 milliards d’euros de recettes fiscales sur vingt ans.
Sept ans plus tard, le Parlement pensait avoir mis fin à cette pratique dite des "CumCum" — du latin "avec", sous-entendu “gagnant-gagnant”. Mais c'était sans compter sur "des textes d'application de la loi, prévus par le gouvernement, qui ouvrent une brèche dans laquelle les banques peuvent s'engouffrer pour continuer à frauder", dénonce Jean-François Husson, sénateur (LR) de Meurthe-et-Moselle et Rapporteur général de la commission des finances.
Un schéma de fraude sophistiqué
Quand un investisseur étranger détient des actions d’une entreprise française, il touche des dividendes. Selon la loi, il doit alors payer un impôt sur ces dividendes : entre 15 et 30 %.
Mais un mécanisme lui permet d’échapper à cet impôt. Juste avant le versement des dividendes, l’investisseur prête temporairement ses actions à une banque française — c’est elle qui va toucher les dividendes — et elle n’est pas soumise à cet d’impôt. La banque rend ensuite les actions à l’investisseur initial, en échange d’une petite commission. Résultat : l’investisseur évite l’impôt. L’État, quant à lui, perd des milliards d’euros de recettes fiscales.
En France, le prêt d’actions est autorisé. Mais le faire au moment du versement des dividendes pour échapper à l’impôt est illégal.
Nous avons retrouvé un courtier spécialiste de ce montage financier, intermédiaire entre les banques et les investisseurs : "Tout le monde picore. Il y a assez à manger pour que chacun prenne sa part", raconte-t-il. Pour lui, pas de doute : "Ce sont des fraudes."
Une loi votée à l’unanimité puis mise à jour par Bercy
Fin 2024, malgré la résistance des banques, le Sénat a unanimement adopté un texte pour y mettre fin. Désormais, même si des actions sont temporairement prêtées, le bénéficiaire final des dividendes doit payer l’impôt. Mais dans un courrier adressé à la DGFiP le 17 février, la Fédération bancaire française (FBF) a demandé à Bercy d’instaurer des exceptions à cette règle.
Selon d'autres notes internes dont nous avons eu connaissance, les services de Bercy eux-mêmes ont conseillé au ministre Eric Lombard de ne pas accéder à cette requête "afin d’écarter tout risque que l’administration ou le gouvernement ne soit perçu comme revenant sur la volonté du législateur", ajoutant qu'il "existe un risque polémique sévère."
Malgré ces mises en garde, le ministre de l’Économie a publié en avril une mise à jour du BOFiP (le bulletin officiel des finances publiques) qui change tout.
"Lorsque les titres sont échangés sur un marché réglementé, la banque n’a pas l’obligation d’identifier le bénéficiaire effectif."
Ministère de l’EconomieBulletin officiel des finances publiques (Bofip)
En clair : les banques peuvent se contenter d’ignorer qui est réellement derrière les actions… et donc ne pas appliquer l’impôt.
Un "sabotage" dénoncé par un sénateur LR
“Le gouvernement a à nouveau contourné la volonté du législateur, ce n’est pas entendable. Sauf erreur de ma part, le Parlement est souverain lorsqu’il vote la loi, surtout quand il s’agit du budget”, dénonce Jean-François Husson. Le 19 juin, il s’est invité par surprise au ministère de l’Économie, usant de son "droit de contrôle sur place et sur pièces".
Alors pourquoi le ministre n’a-t-il pas suivi la volonté du législateur ? Selon son entourage, Bercy serait intervenu pour '"clarifier la loi" et éviter d’imposer des contraintes aux banques lors de leurs transactions boursières.
Face aux députés mardi, le Premier Ministre a, lui, semblé découvrir le problème : "Je ne connaissais pas, je dois le dire, le texte que M. le rapporteur général Husson a découvert." François Bayrou a qualifié les "CumCum" de procédé inacceptable, rappelant que les décisions du Parlement devaient être appliquées.
PARMI NOS SOURCES :
• "CumCum" : le scandale des dividendes expliqué simplement
• Précisions apportées par le ministère de l’Economie dans le Bulletin officiel des finances publiques (Bofip)
• Fraudes "CumCum" : le rapporteur général du Sénat à Bercy pour demander des comptes
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