"On ne peut pas dire que la France soutienne davantage que les autres pays" : le Sénat rend son rapport sur les aides publiques aux entreprises

La commission d'enquête sénatoriale chiffre à 211 milliards d’euros les aides publiques aux entreprises en 2023, pointant un manque de transparence. Le rapport propose 26 recommandations, dont le remboursement en cas de délocalisation.

Article rédigé par Raphaël Ebenstein
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le Sénat, le 9 mai 2023. (MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / VIA AFP)
Le Sénat, le 9 mai 2023. (MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / VIA AFP)

Des conclusions qui ne passeront pas inaperçues. La commission d'enquête du Sénat sur les aides publiques aux entreprises a rendu son rapport mardi 8 juillet et chiffre à 211 milliards d'euros le montant total de ces aides pour l'année 2023. Un rapport rendu public une semaine avant les premières annonces attendues de François Bayrou sur les 40 milliards d'économies budgétaires jugées nécessaires en 2026.

La commission a calculé elle-même ce montant de 211 milliards d'euros, faute de véritable évaluation objective. Elle a recensé 2 252 dispositifs émanant de l'Etat, des collectivités ou de l'Union européenne. Des estimations très variables circulent, avec des périmètres différents en comptant ou non les subventions directes, les allègements de cotisations sociales ou encore les crédits d'impôt, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mis en place par François Hollande. Le ministre de l'Économie Eric Lombard, auditionné en juin, estimait le montant de ces aides à environ 150 milliards d'euros par an.

La commission d'enquête a donc retenu un total supérieur pour l'année 2023 en incluant jusqu'aux allègements de TVA pour les autoentrepreneurs. "Sur ces 211 milliards, il n'y a pas de jugement de valeur, explique Olivier Rietmann, le président Les Républicains de la commission. Cela peut paraître énorme, mais c'est sur cinq millions d'entreprises. Si on regarde ce qui se fait autour de nous, ne serait-ce que nos voisins européens, on ne peut pas dire que la France soutienne davantage que les autres. En plus, on n'a pas noté que certaines entreprises, pardonnez-moi l'expression, se goinfrent."

Rembourser en cas de délocalisation

La commission formule tout de même 26 recommandations. La première étant tout simplement de confier à l'Insee la création d'un tableau détaillé de l'ensemble des aides, actualisé tous les ans à horizon 2027. Elle ne propose pas de conditionner les aides aux entreprises à certains engagements, notamment en matière d'emploi. Le sujet étant très politique, et la commission pas unanime, le rapport n'exige le remboursement total des aides publiques qu'en cas d'infraction grave faisant l'objet d'une condamnation définitive de l'entreprise, ou de non-publication des comptes. Fabien Gay, sénateur communiste et rapporteur de la commission, se satisfait toutefois d'une autre disposition, un peu moins sévère.

"Une des recommandations fortes, c'est qu'en cas de délocalisation, il faut rembourser l'aide publique sur les deux dernières années. On ne remontera pas sur x années, mais sur deux ans, on estime que c'est plutôt de bonne fortune."

Fabien Gay, sénateur communiste et rapporteur de la commission

à franceinfo

Symboliquement, une autre recommandation vise spécifiquement Michelin. Il a été demandé au géant du pneumatique de rembourser la part de CICE perçue pour l’achat de six machines destinées à son usine de La Roche-sur-Yon (Vendée), finalement fermée en 2020, et qui ont été transférées vers d'autres sites en Europe.

Parmi les autres mesures préconisées, qui témoignent des différences d'appréciation au sein de la commission, la poursuite d'une réflexion sur l'efficacité des allègements de cotisations sociales, jugées trop coûteuses à gauche. Mais aussi, à l'inverse, l'extension à dix ans des PGE, les prêts garantis par l'Etat, massivement utilisés pendant la crise Covid-19 et qui a bénéficié y compris à de grands groupes à l'époque, comme Air France ou Renault.

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