Jean-François Quandalle, un des condamnés de Goodyear : "Cette manifestation me fait chaud au cœur"
Il est l'un des huit ex-salariés de l'usine d'Amiens-Nord condamnés à neuf mois de prison ferme pour avoir séquestré deux de ses dirigeants en 2014. Une manifestation de soutien était organisée jeudi à Paris.
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Trois jours par semaine, il continue de déambuler dans son usine désespérément vide. Et regarde ses anciens outils de travail être démontés les uns après les autres. Jean-François Quandalle est l'âme ouvrière de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, et désormais son martyr.
Cet ouvrier de 53 ans a été condamné le 12 janvier, avec sept de ses collègues, à 24 mois de prison dont neuf ferme pour avoir séquestré, entre le 6 et le 7 janvier 2014, le directeur des ressources humaines ainsi que le directeur de la production du site, dans l'espoir d'empêcher la fermeture de leur entreprise. Jeudi 4 février, il est entouré de milliers de personnes rassemblées place de la Nation, à Paris, pour demander la relaxe des huit condamnés, laissés libres dans l'attente de leur appel, et, plus généralement, appeler à l'arrêt de la "répression syndicale".
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"Ça fait chaud au cœur, on se sent moins seul", souffle-t-il en embrassant du regard les drapeaux qui flottent au vent malgré la pluie. Mais ce qui l'a encore plus touché, c'est la scène à laquelle a assisté un de ses camarades de lutte. "En se promenant dans Paris la semaine dernière, il a vu un petit attroupement dans un square. Il y avait une banderole 'soutien aux Goodyear'. Pourtant, il n'y avait pas d'appel à manifester. C'est pas énorme, mais pour nous cela représente beaucoup."
Des machines démontées pièce par pièce
Deux ans après les faits et la fermeture du site, Jean-François Quandalle n'en a toujours pas terminé avec Goodyear. Réélu aux élections professionnelles en mars 2015, son mandat court jusqu'en mars 2017, malgré une lettre de licenciement reçue le 1er avril 2015. Résultat, il continue de participer aux réunions du CE et du CHSCT, dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, alors que plus un seul pneu ne sort des presses. Trois jours par semaine, il voit les machines qui ont rythmé sa vie se faire démembrer. Démontées pièce par pièce, puis chargées dans des poids lourds direction la Pologne. "Ça fout les boules."
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Un crève-cœur, surtout lorsqu'il a appris que l'entreprise qui les avait rachetées allait sûrement les revendre à une autre basée en Russie et appartenant à… Maurice Taylor, le PDG de Titan et candidat éphémère à une reprise du site d'Amiens. L'Américain avait à l'époque traité les syndicalistes CGT de "maboules".
Cette usine, Jean-François Quandalle l'a dans la peau. Il y a passé presque toute sa vie d'adulte. "J'y suis rentré à 19 ans et j'en ai aujourd'hui 53, ça fait plus de 33 ans à bosser pour Goodyear, calcule-t-il avec amertume. J'y ai laissé ma santé, à force de respirer des produits chimiques, et je me retrouve foutu dehors."
Pour autant, il ne fait pas que ressasser ses souvenirs dans les allées désertes. Il continue de participer aux réunions avec la direction de cette usine fantôme, et d'expédier les affaires courantes avec Michel Dheilly, le directeur de production. Celui-là même qu'il avait séquestré durant trente heures en 2014. "C'est purement du travail. Certains lui reparlent, pas moi." Comment le cadre a-t-il réagi à l'annonce de la peine prononcée contre les anciens salariés ? "Il aurait dit, pas à moi mais à d'autres, que c'était lourd."
"Les politiques en ont eu ras-le-bol"
Le reste de la semaine, Jean-François Quandalle reste chez lui ou participe aux sessions proposées par la cellule de reclassement pour l'aider à retrouver un emploi, refaire son CV et se former. Est-ce que ça marche ? "Pour moi, non !" Et les autres ? "Il n'y a qu'à regarder les chiffres : sur 1 173 licenciements, 800 personnes sont encore au chômage." Heureusement, il continue de toucher son salaire, pendant onze mois encore.
Aujourd'hui, il semble complètement désabusé. De gauche ou de droite, aucun politique ne trouve grâce à ses yeux. "On les emmerde avec nos histoires, et ils en ont eu ras-le-bol. Pour eux, c'est mérité ce qui nous arrive." Et François Hollande ? "Il nous a trahis", souffle Jean-François Quandalle, qui se souvient de la visite du candidat socialiste en octobre 2011.
François Hollande est venu sur mon parking [celui de l'usine] en promettant une loi pour empêcher les licenciements. Eh bien, il s'est vite assis dessus !
"Faudra pas m'emmerder"
Aujourd'hui, l'ancien salarié s'estime persécuté et ne comprend toujours pas comment des salariés et des syndicalistes qui se battent pour leur emploi peuvent être condamnés à de la prison. "Toutes les plaintes ont été levées, mais c'est l'acharnement d'un procureur qui nous a conduits dans cette situation."
"On réclame la relaxe", martèle-t-il. Pour autant, il ne regrette pas ce qu'il a fait avec ses camarades. "Grâce à nous, on a eu des avancées sur le plan social, pour nous et les salariés." Mais Jean-François Quandalle n'est pas sûr de vouloir enfiler à nouveau le bleu de chauffe syndicaliste s'il retrouve un emploi. "Je ne sais pas si je m'impliquerai autant, mais faudra pas m'emmerder."
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