L'art pour attirer l'attention sur le changement climatique, une arme à double tranchant pour les activistes selon les experts
Les actions menées par des militants écologistes autour de célèbres tableaux, sans toutefois les endommager, se multiplient ces dernières semaines. La démarche, qui vise à stimuler l'action climatique, est pourtant décriée. Y compris par les défenseurs du climat.
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Cibler des toiles de maîtres est l'une des nouvelles armes des activistes pour tirer la sonnette d'alarme sur le changement climatique, au risque de braquer une partie de l'opinion. Dernière action en date : deux militantes écologistes se sont collé la main sur les cadres de tableaux de Francisco Goya au musée du Prado à Madrid, en Espagne, samedi 5 novembre.
Les peintures visées, La Maja nue et La Maja vêtue, qui figurent parmi les œuvres les plus célèbres du peintre espagnol (1746-1828), n'ont pas été endommagées, selon le musée. Les deux militantes, membres du collectif "Futuro Vegetal" affilié au collectif Extinction rébellion, ont été interpellées par la police espagnole.
Bis repetita
La veille, d'autres activistes appartenant au groupe de défense du climat "Last generation" ("Dernière génération" en français) avaient, elles, projeté de la soupe sur un Van Gogh protégé par une vitre à Rome, en Italie. Le Semeur, une œuvre datant de 1888 montrant un paysan ensemençant son champ avec en arrière plan un énorme soleil, est exposé dans le cadre d'une exposition consacrée au peintre hollandais au palais Bonaparte sur la place de Venise. Le tableau n'a pas non plus été endommagé.
De fameuses toiles ont déjà été prises pour cible dans plusieurs villes d'Europe. Fin octobre, deux militantes de "Last Generation" avaient répandu de la purée de pommes de terres sur la vitre protégeant la toile de Claude Monet Les Meules au musée Barberini de Potsdam, en Allemagne. Des militants écologistes se sont également collés sur la vitre protégeant La Jeune Fille à la perle de Johannes Vermeer dans un musée aux Pays-Bas et d'autres ont jeté de la soupe sur celle qui protégeait Les Tournesols de Vincent van Gogh à la National Gallery de Londres.
Ne pas utiliser la culture "comme un mégaphone"
Miquel Iceta, le ministre espagnol de la Culture, a estimé que l'action des militantes du collectif "Futuro Vegetal" était "injustifiable". Une réaction similaire à celle de son homologue italien. "Attaquer l'art est un acte ignoble qui doit être fermement condamné", a fustigé le ministre italien de la Culture Gennaro Sangiuliano dans un communiqué suite à l'attaque du Van Gogh. "La culture, qui est à la base de notre identité, doit être défendue et protégée, et certainement pas utilisée comme mégaphone pour d'autres formes de protestation".
Pour le groupe de défense du climat "Last generation", cette action menée en Italie par quatre individus est "un cri désespéré et fondé scientifiquement qui ne peut être assimilé à du simple vandalisme". Dans ces actions, "ce qui compte, c'est de décaler l'objet de l'action pour dire : écoutez, prenons-nous en à tout, y compris au plus sacré qu'est l'art, parce qu'en face, c'est la mort qui nous attend si on ne fait rien", analyse Xavier Arnauld de Sartre, géographe au CNRS. "A court terme, ça a un coût d'image élevé", reconnaît l'universitaire, "mais en même temps, ces jeunes pourraient vouloir ainsi assumer la radicalité et faire passer les radicaux d'hier pour des gens respectables, avec qui on peut parler".
Chercher des actions qui ont "du sens pour les gens ordinaire"
Cependant, la démarche est loin de faire l'unanimité, y compris dans le camp écologiste. "Le climat mérite mieux que cette caricature imbécile", a réagi l'ex-candidat vert à la présidentielle Yannick Jadot après une attaque à la soupe contre les Tournesols de Van Gogh. "Il y a tellement de gens qui cherchent à décrédibiliser la lutte contre le changement climatique, pourquoi voulez-vous leur donner des munitions supplémentaires ?", interroge aussi le politologue belge François Gemenne.
L'universitaire, qui contribue aux rapports scientifiques des Nations unies (Giec), appelle à faire le tri dans les actions, jugeant "catastrophique" de s'attaquer à l'art. "Aux critiques, je dirais ceci : si vous n'aimez pas ce qu'ils font, alors ne vous contentez pas de chicaner et faites quelque chose que vous jugez meilleur, qui soit plus positif et efficace", rétorque Rupert Read, professeur à l'université d'East Anglia et ancien porte-parole d'Extinction rebellion, autre collectif écologiste adepte de la désobéissance civile. Il conseille néanmoins aux militants de "faire attention : car les actions peuvent aussi se retourner contre (eux)". "Essayez toujours, leur conseille-t-il, de faire en sorte que toute action que vous entreprenez ait un sens pour les gens ordinaires. Et si possible, qu'elle soit belle".
Des musées en mode protection
En attendant, les musées se protègent. Le Prado a fermé la salle où se trouvaient les deux tableaux après l'incident de ce samedi 5 novembre. Il y a quelques jours, le Musée d'Orsay avait porté plainte pour "tentative de dégradation sur une œuvre" après avoir empêché une jeune fille de lancer de la soupe sur un tableau le 27 octobre 2022. La France n'est pas "à l'abri un jour qu'un activiste forcené attaque un tableau" non-protégé, a prévenu la ministre de la Culture Rima Abdul Malak, demandant "à tous les musées nationaux de redoubler de vigilance". Ils ne sont pas les seuls pour qui ce conseil vaut désormais.
En dehors des œuvres d'art aspergées de soupe, les nouveaux partisans de la désobéissance civile recourent à d'autres actions tout aussi clivantes : compétitions sportives interrompues ou encore routes bloquées. L'objectif étant toujours le même : installer à la une le débat sur l'inaction climatique à quelques jours de l'ouverture de la COP27 en Egypte.
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