"Si nous ne sommes pas soutenus par l'État, c'est une trahison" : les agriculteurs manifestent nus pour protester contre la diminution des aides européennes

"Le gouvernement nous met à poil" : c'était le mot d'ordre, mercredi 2 juin, des agriculteurs bio. Peggy a fait plus de 400 kilomètres pour venir manifester aux Invalides, à Paris. Cette viticultrice bio est installée près de Lons-le-Saunier, dans le Jura. Pas évident d'oser se mettre en sous-vêtements en plein Paris : "C'est quand même impressionnant aussi de devoir se mettre comme ça pour faire comprendre au gouvernement qu'ils sont en train de nous mettre à poil."

"Sans considération, on finira comme ça, cul nul à n'être plus rien."

Peggy, viticultrice bio

à franceinfo

Tous n'ont pas osé la tenue d'Ève. C'est le cas de Mathieu, agriculteur dans la Creuse. Mais il apporte sa pierre à l'édifice avec une photo postée sur les réseaux sociaux. "Je me suis mis derrière mon champ de pommes de terre avec une bêche de maraîcher en guise de cache-sexe et ma compagne a pris la photo", sourit-il. L'agriculteur creusois a déjà fait les comptes : pour lui, la suppression des aides au maintien en bio se chiffrerait à 10 000 euros en moins par an. "C'est mon salaire à moi qui est menacé, ou des investissements. C'est une trahison, et nous sommes, agriculteurs bio, sollicités par la société civile pour être l'agriculture de demain. Si nous ne sommes pas soutenus par l'État, c'est une trahison."

Deux tiers d'aides en moins

Le 21 mai dernier, Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, a présenté ses arbitrages sur la répartition de l'enveloppe française de la future Politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-27. Il entérine la disparition d'aides spécifiques à l'agriculture bio pour les agriculteurs déjà convertis à ce mode de production, une mesure entamée en 2017. En revanche, les subventions à la conversion vers le bio sont relevées à 340 millions d'euros par an. 

Mais selon la Fédération nationale d'agriculture biologique, avec la nouvelle PAC, les agriculteurs bio vont perdre les deux tiers de leurs aides, et cela inquiète Élise et son mari Olivier, en pleine conversion dans leur ferme du Cher. "On s'est engagé sur cinq ans, moi en tant que jeune agricultrice, je me suis engagée, il y a un prévisionnel économique derrière", explique Élise. Olivier poursuit : "Donc ça compromet l'exploitation, même nous on se pose la question comment va devenir notre ferme, si on perd les aides, ça risque de compromettre notre projet biologique."

L'avenir, c'est justement ce qui préoccupe Loïc Madeline, secrétaire national de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab) : "Profitons de cet outil pour mettre en forme l'agriculture de demain et accepter les enjeux qui sont les nôtres : santé, biodiversité, souveraineté alimentaire."

"Il faut qu'on ait une politique ambitieuse, un écorégime fort et pas qu'on nous dispatche des petites mesures qui viennent nous tirer vers le bas."

Loïc Madeline, secrétaire national de la Fnab

à franceinfo

Selon les derniers chiffres de l'agence bio, 8,5% de la surface agricole utile française est cultivée en bio. Le gouvernement souhaite atteindre 13% l'an prochain.