Reportage "C'est un crève-cœur" : dans le Morbihan, la fièvre catarrhale ovine décime les exploitations laitières

Malgré la stratégie vaccinale du gouvernement français pour protéger les élevages ovins et bovins, de nombreux éleveurs sont confrontés à la fièvre catarrhale ovine. Une maladie qui aura des conséquences sur plusieurs générations de cheptels.

Article rédigé par Lauriane Delanoë
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'éleveur Ronan Le Pogam, avec sa vache Tzia, qui souffre de la fièvre catharrale ovine. (LAURIANE DELANOË / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
L'éleveur Ronan Le Pogam, avec sa vache Tzia, qui souffre de la fièvre catharrale ovine. (LAURIANE DELANOË / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

Ce sont trois lettres synonymes de cauchemar pour les éleveurs de brebis et de vaches : la FCO, la fièvre catarrhale ovine, se propage en France depuis le début de l'été. La maladie dite de la langue bleue – qui n’est pas transmissible à l’homme et est sans danger les humains - vient de mouches et de moucherons piqueurs. Ils transmettent deux formes de la maladie en ce moment : la FCO 3, avec près de 3.500 foyers recensés en France depuis le mois de juin, et la FCO 8, avec près de 2.000 foyers à ce jour.

Cette fièvre catarrhale sévit fortement en Bretagne. Elle est arrivée d’abord dans le Morbihan, où la FCO provoque de la mortalité dans les troupeaux de brebis ainsi que de gros dégâts dans les élevages bovins. Le passage de la maladie est flagrant constate Ronan Le Pogam, éleveur laitier à Caudan près de Lorient. "Vous voyez la courbe de lait ?" désigne-t-il sur l'écran de son ordinateur. "On sait qu'on a perdu 10 000 litres de lait sur la période où il y a eu le pic de maladie. En revanche, tous les effets indirects, on ne peut pas les calculer pour le moment".

"Elle a du mal à se lever, elle piétine"

Certaines de ses vaches noires et blanches souffrent encore. L'agriculteur a même dû euthanasier l’une d’elles il y a une dizaine de jours, un mois et demi après son vêlage. Elle était trop affaiblie par la FCO. Ronan et sa compagne, Typhaine, s’inquiètent maintenant pour une vache en particulier, Tzia, dans le champ des gestantes, celles qui portent des petits. "Elle a du mal à se lever. Elle piétine", désigne Ronan. Et Typhaine de renchérir : "Elle est obligée de réfléchir à comment poser ses pattes". Tzia "est maigre, elle n’est pas aussi ronde" que les autres, explique l'agriculteur. La vache "est creuse, elle a dû perdre son veau. On ne l'a pas su...", souffle Ronan, inquiet. Fausse alerte : Tzia porte encore son veau. Mais il reste une crainte pour ses éleveurs : "Que le veau n'ait pas de problèmes particuliers à la naissance. On en a eu au moins cinq ou six qui sont nés avec trois semaines, un mois d'avance et ils meurent prématurément. La perte sur les veaux est énorme.

"Le matin, c'est la première question qui passe par la tête : est-ce qu'elles sont mortes ? Est-ce qu'elles sont vivantes ? Est-ce que les veaux sont vivants ? C’est aussi la dernière question qui passe par la tête le soir, en se demandant 'qu'est-ce qu’on va trouver' le lendemain. C'est un crève-cœur", angoisse Typhaine.

"Les veaux qui ne sont pas nés ou qui sont morts, on ne les aura pas pour renouveler le troupeau. Ça va affecter le fonctionnement de l'exploitation sur le long terme"

Ronan Le Pogam, éleveur laitier à Caudan près de Lorient

à franceinfo

Ces difficultés vont frapper de nombreux élevages, en Bretagne. Selon Gaëtan le Seyec, président de la chambre d’agriculture du Morbihan, lui-même éleveur à Guern touché par la fièvre catarrhale, "tout le monde va quasiment y passer. Sur le Morbihan et pour les autres [départements] aussi". Il prédit que l'"on aura une baisse de production à venir, essentiellement laitière et de viande, qui va amener une perte financière sur nos élevages". "Nous, on va recenser les impacts qu'il y a sur les exploitations, après qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on demande à l'Etat ?" se questionne Gaëtan le Seyec.

En attendant, le président de la chambre d’agriculture lance un appel aux éleveurs : "Ceux qui ne l'ont pas eu, vaccinez ! C'est la vaccination qui va empêcher tout ça. Alors c'est vrai, c'est une contrainte de vacciner, c'est un coût, aussi. Mais au moins ceux-là seront protégés".

Ronan Le Pogam, lui n’a pas eu le temps de vacciner ses vaches. Il donne donc "rendez-vous au mois de février, mars 2026 pour vacciner. Malheureusement et à contrecœur, mais vu les pertes, on va éviter ça", se résout-il. L’éleveur n’aurait pas pu de toute façon éviter la maladie cette année. Quand ses bêtes ont attrapé la FCO 8, l’une des formes de la fièvre catarrhale, le bon vaccin n’était pas disponible en Bretagne. Il faudra "tirer les leçons" de cette épizootie, prévient la chambre d’agriculture du Morbihan, pour mieux anticiper et protéger les troupeaux à l’avenir.

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