"La France a profité d'une certaine mansuétude" : quelles seront les répercussions si l'agence Fitch dégrade la note de l'Etat français ?
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La France appartient au groupe AA ("qualité haute ou bonne") mais pourrait être rétrogradée vendredi dans le groupe A ("qualité moyenne supérieure") par l'agence de notation américaine. Une décision qui ne serait ni surprenante ni particulièrement grave à ce stade.
Un bulletin de notes très attendu en cette rentrée. Alors que la France se débat dans une interminable crise politique aux répercussions très concrètes sur son économie, l'agence de notation Fitch pourrait rétrograder, vendredi 12 septembre, sa note souveraine. Le pays appartient jusqu'à présent au groupe "AA" ("qualité haute ou bonne") mais risque de passer dans le groupe "A" ("qualité moyenne supérieure"). L'agence américaine pourrait aussi s'abstenir de toute décision pour le moment et octroyer un nouveau sursis à l'Etat français.
Une dégradation de cette note – qui reflète la capacité des Etats à rembourser leur dette – ne serait cependant pas une surprise : le 14 mars, Fitch avait maintenu la note du pays en "AA-", assortie d'une "perspective négative". "Les finances publiques, en particulier le niveau élevé de la dette publique par rapport au PIB et le faible bilan en matière d'assainissement budgétaire, constituent un point faible de la notation", avait alors justifié l'agence dans sa décision. Elle ajoutait : "La fragmentation politique complique la capacité de la France à mettre en œuvre un assainissement budgétaire durable". Depuis, la situation politique s'est encore dégradée avec la chute du gouvernement de François Bayrou, et on ne sait pas, pour l'heure, quels seront les efforts entrepris dans le budget 2026 pour réduire le poids de la dette.
La France parmi les bons élèves de la zone euro
Cette possible dégradation serait aussi l'occasion de rétablir une anomalie. "Avec cette dégradation attendue, Fitch commence à restaurer une certaine cohérence entre les notes qu'ils donnent et la réelle performance budgétaire des pays", explique à franceinfo l'économiste Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management. "La France a profité jusqu'à présent d'une certaine mansuétude des agences", estime-t-il. Une notation particulièrement favorable, certes loin derrière le "AAA" des premiers de la classe de la zone euro (Allemagne et Finlande en tête), mais bien au-dessus de certains pays du sud de l'Europe. "Il devient presque impossible de justifier que l'Espagne et le Portugal soient si mal notés par rapport à la France", juge l'économiste.
Pour comprendre précisément le raisonnement des principales agences de notation (Fitch, mais aussi Standard & Poor's et Moody's), il faut faire un peu d'histoire. Ces organismes ont vécu des heures compliquées au moment de la crise de subprimes (2007-2010) – du nom de ces fameux prêts immobiliers à haut risque – et ont été très critiqués pour ne pas avoir anticipé la situation désastreuse des crédits aux Etats-Unis. "Par effet de rétorsion, elles avaient été extrêmement dures au moment de la crise de la dette souveraine en 2010 en Europe, se remémore l'économiste Stéphanie Villers, conseillère au cabinet PwC France. Aujourd'hui, leur politique, c'est le 'ni-ni' : il ne faut ni passer à côté d'un problème ni souffler sur les braises."
"Un mouvement de défiance peut être ultrarapide"
Pour justifier cette notation favorable de la France, les agences s'appuient sur la grande diversification de son économie, qui la rende moins sensible aux aléas, la solidité des banques françaises, mais aussi la bonne liquidité de sa dette, c'est-à-dire sa capacité à ne pas faire varier grandement les cours. De même, la prospérité du secteur privé, avec un haut niveau d'épargne – qui pourrait, le cas échéant, être ponctionnée –, a largement contribué à maintenir la notation de la dette souveraine de la France à un haut niveau.
Il y a, enfin, la conviction que la France est "too big to fail" ("trop grosse pour faire faillite") du fait de sa stature et sa position particulière au sein de la zone euro. De quoi s'assurer d'un niveau de confiance élevé. "Cette notation prend en compte l'attractivité de la dette française par rapport aux investisseurs ; il n'y a pas de défiance massive jusqu'à présent", résume Stéphanie Villers, qui ajoute néanmoins qu'"un mouvement de défiance peut être ultrarapide."
Mais l'incohérence dans la notation se constate jusque sur les marchés. Fitch, comme les autres agences, note par exemple moins bien le Portugal que la France. Pourtant, les marchés imposent des taux d'intérêt plus bas à l'Etat portugais pour qu'il emprunte. Le rendement de l'emprunt français à dix ans, lui, s'est même aligné mardi sur celui de l'Italie, autrefois considérée comme une mauvais élève de la zone euro, et dont la notation souveraine appliquée par Fitch est "BBB".
"Les marchés ont déjà intégré l'instabilité politique"
De quoi conduire l'économiste Stéphanie Villers à relativiser les répercussions d'une dégradation modérée, vendredi, de la note de la France pour son économie : elle ne devrait pas emprunter à des taux (encore) plus élevés puisque les marchés se sont déjà ajustés. "Les marchés financiers ont déjà intégré l'instabilité politique, les taux de la dette sont en train de progresser, la dégradation de la note ne ferait que constater a posteriori ce que les marchés financiers ont déjà répercuté dans leurs cours", analyse-t-elle.
"Les agences de notation ne font plus la pluie et le beau temps."
Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Managementà franceinfo
Les agences n'ont plus autant de poids que par le passé, poursuit Eric Dor. "Les marchés se font leur propre avis concernant les pays 'développés' et transparents, qui présentent toutes les données", explique Eric Dor. Et pour cause, les acteurs privés ont leurs propres équipes pour faire des analyses et juger de la solvabilité des pays.
Mais pas question pour autant de minimiser la gravité du moment. "La situation financière du pays risque de se dégrader encore davantage sans budget voté et les agences de notation pourraient le sanctionner", anticipe Stéphanie Villers. Les prochains rendez-vous sont d'ailleurs déjà pris : Moody's se prononcera le 24 octobre et Standard & Poor's le 28 novembre.
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