"Il faut plus de justice fiscale tout en permettant à la France de rester attractive pour les entrepreneurs", affirme Arthur Mensch, cofondateur de Mistral AI.
Arthur Mensch, co-fondateur et CEO de Mistral AI, était l’invité du journal de 20 h, mardi 16 septembre. Il revient sur la levée de fonds record de sa startup, valorisée désormais à 11 milliards d’euros, et partage sa vision sur la fiscalité des ultrariches et l’avenir de l’intelligence artificielle en France.
Ce texte correspond à une partie de l'interview du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.
Léa Salamé : La taxe Zucman fait beaucoup parler d’elle en cette rentrée. Gabriel Zucman propose de taxer les ultrariches afin qu’ils contribuent davantage à la solidarité nationale, avec un taux de 2 %. Beaucoup de chefs d’entreprise estiment que cette mesure est impossible et qu’elle pourrait constituer une catastrophe pour l’économie française. Partagez-vous cet avis ? Menaceriez-vous de partir si cette taxe était appliquée ?
Arthur Mensch : J’ai effectivement vu qu’il y avait beaucoup de débats autour de ma position sur la taxe Zucman. Au risque de décevoir les polémistes, je suis plutôt convaincu qu’il faut davantage de justice fiscale en France. Bien sûr, il y a la question de la rédaction de la loi pour qu’elle soit efficace. Il existe toujours une tension entre la redistribution nécessaire et le maintien de l’innovation. Ce qui importe, selon moi, c’est d’aborder ce débat de manière modérée, en veillant à ce que les entrepreneurs qui créent leur entreprise aujourd’hui considèrent la France comme un lieu favorable à l’innovation. Je pense que l’équilibre est possible : plus de justice fiscale tout en permettant à la France de rester attractive pour les entrepreneurs.
Léa Salamé : Vous êtes favorable à une contribution accrue des ultrariches. Dans votre cas, avec la levée de fonds et la valorisation de votre entreprise qui dépasse les 10 milliards, seriez-vous concerné ? 24 millions, pourriez-vous payer ?
Arthur Mensch : Je ne pourrais évidemment pas payer.
Léa Salamé : Il faut l'expliquer aux gens. Vous réalisez des levées de fonds, mais ces montants ne sont pas directement à votre disposition. Vous êtes milliardaire, mais virtuellement.
Arthur Mensch : Exactement. Ces levées de fonds valorisent l’entreprise mais ne se traduisent pas nécessairement en liquidités. Au-delà de la controverse autour de la taxe Zucman, ce qui est important, c’est de mener un vrai débat, en considérant tous les aspects. Trop souvent, les polémiques ne présentent qu’un seul point de vue. Il est essentiel de trouver des solutions qui répondent au besoin de justice fiscale tout en permettant à la France de rester compétitive et attractive pour l’entrepreneuriat.
Léa Salamé : On vous a invité aussi parce que vous avez réalisé une levée de fonds record : 1,7 milliard d’euros. Cela fait de Mistral non pas une licorne, qui est une startup valorisée à un milliard, mais une "décacorne", avec une valorisation désormais à 11 milliards d’euros. Que signifie ce terme et qu’est-ce que ces chiffres représentent concrètement pour le grand public ?
Arthur Mensch : Cette levée de fonds de 1,7 milliard d’euros nous permet d’investir dans ce qui nous intéresse : la recherche fondamentale pour améliorer nos systèmes d’intelligence artificielle, d’abord pour les entreprises, puis pour les consommateurs. Elle nous permet également de soutenir notre croissance à l’international, en recrutant des ingénieurs et des commerciaux en Europe, aux États-Unis, en Asie, en Afrique aussi. J’étais au Maroc la semaine dernière, justement pour suivre ces projets.
Léa Salamé : Certains économistes s’inquiètent d’un possible "krach" des entreprises d’IA, estimant que trop d’argent y est investi. Craignez-vous un effondrement boursier ? Vous levez beaucoup de fonds, mais générez-vous aujourd’hui des revenus ?
Arthur Mensch : Aujourd’hui, nous réalisons plus de 300 millions d’euros de revenus annuels. Nous sommes donc rentables et avons connu une croissance de zéro à 300 millions en un peu plus de deux ans. L’investissement massif dans cette technologie se justifie par son caractère transformationnel : elle va changer le fonctionnement des entreprises et la manière dont nous accédons à l’information. À ce titre, ces investissements sont comparables à ceux qui ont accompagné l’émergence du web. Ce qui compte, c’est la création de valeur pour les entreprises, comme notre récent partenariat avec l’entreprise néerlandaise ASML pour améliorer leurs produits et automatiser leurs processus.
Léa Salamé : Votre objectif est de rester européen, et en particulier français. Vous êtes resté en France malgré les spéculations sur un départ aux États-Unis. Vous ne comptez pas partir ?
Arthur Mensch : Nous n’avons aucune intention de partir. Nous avons créé cette entreprise en France, car nous devons beaucoup à notre pays. Nous avons étudié dans le système public français, et nous sommes fiers de rester ici. La France dispose également d’un marché et de talents à recruter, ce qui renforce notre choix.
Léa Salamé : Certains disent que la France est en déclin. Partagez-vous cette vision ?
Arthur Mensch : Non, je ne pense pas. Il existe un véritable écosystème technologique en croissance en France. Nous en faisons partie, mais il y a aussi d’autres entreprises comme Dust, Photoroom ou Artefact, qui ont commencé ce travail avant nous. La France pourrait bénéficier d’un pilier technologique fort dans son économie, à l’instar du luxe. Nous avons les talents et des champions dans diverses verticales capables de collaborer avec l’écosystème. Je veux donc porter un message d’optimisme : la France peut progresser significativement dans le domaine technologique.
Ce texte correspond à une partie de l'interview du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.
Parmi nos sources :
- Notre invité :
Arthur Mensch : polytechnicien et normalien. Fondateur, avec deux autres Français anciens chercheurs chez Meta, Guillaume Lample et Timothée Lacroix, Mistral a notamment conçu le robot conversationnel Le Chat concurrent de ChatGPT d'OpenAI ou Gemini, de Google.
La pétition qu'il commente est signée de dirigeants d’entreprises technologiques françaises, et publiée par L’Opinion. Elle est hostile à la taxe Zucman.
Liste non exhaustive.
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