Budget : "Il faut arrêter de penser que Gabriel Zucman a inventé la pierre philosophale de la taxation optimale", affirme le député Renaissance Roland Lescure

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Article rédigé par France 2 - J. Wittenberg
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Roland Lescure, député Renaissance des Français de l'étranger, était l'invité des "4 Vérités" sur France 2. L'ex-ministre de l'Industrie s'est dit opposé à la taxe Zucman, attestant que d'autres solutions étaient possibles. Néanmoins, il a souligné la nécessité que "les socialistes aient une victoire sur ce sujet".

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.

Jeff Wittenberg : Votre circonscription ce sont les Français d'Amérique du Nord, c'est-à-dire États-Unis et Canada. À ce titre, vous serez lundi avec le président Macron à New York, à l'Assemblée générale des Nations unies, où il va reconnaître, au nom de la France, l'État palestinien. Emmanuel Macron a eu des mots très durs pour Israël, affirmant que ce pays détruisait totalement son image et sa crédibilité avec ce qui se passe à Gaza. Vous partagez le point de vue du président ?

Roland Lescure : Aujourd'hui, ce qui se passe avec l'armée israélienne qui est entrée à Gaza et les colonisations accélérées en Cisjordanie, le risque, c'est qu'il n'y ait plus d'État à reconnaître, parce qu'il n'y aura plus de pays. Donc, évidemment, le temps s'accélère, il est urgent de reconnaître la Palestine, mais ce n'est pas une fin en soi. Ce qui est important de comprendre, c'est que c'est un processus qui s'accompagne, et c'est la première fois que les États arabes le reconnaissent, par la démilitarisation du Hamas, par la sécurisation d'Israël, par l'implication des pays arabes dans un processus qui va changer la gouvernance en Palestine. On est vraiment en train de changer, j'espère, de monde, vers un monde de paix.


Est-ce que vous dites, comme Emmanuel Macron, que l'image d'Israël est totalement détruite ou très abîmée, en tout cas ?

Même aux États-Unis, vous l'avez dit, j'y suis élu, on a aujourd'hui des voix qui s'élèvent, des voix politiques. On sait que les États-Unis sont l'allié historique d'Israël. On a des voix démocrates, des journalistes, des intellectuels, y compris d'ailleurs de confession juive. Ce n'est pas une histoire religieuse aujourd'hui, c'est une histoire politique de gens qui voient que ce qui se passe sur le terrain est horrible, inadmissible et doit cesser. Et la reconnaissance de la Palestine, c'est une étape vers ce processus de paix qui est aujourd'hui indispensable : cessez-le-feu, libération des otages et démilitarisation du Hamas.


Sébastien Lecornu disait jeudi soir, je cite, que : "les revendications des manifestants pour plus de justice sociale étaient au cœur des consultations" qu'il a entamées avec les partenaires sociaux. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce qu'il va falloir faire des concessions ? Et si oui, desquelles ?

Ce n'est pas de la langue de bois, c'est la réalité. Aujourd'hui, il y a trois axes de négociation pour faire avancer la France et faire voter un budget. D'abord, la trajectoire, les fameux 44 milliards. La négociation ne se fait pas sur les plateaux de télévision, elle se fait dans les salles de négociation. C'est important, parce que si on commence tous à dire : "Pour moi, ce n'est pas 44, c'est 42", d'abord on fait le travail du Premier ministre, et puis on négocie avec nous-mêmes.
Donc il faut que ça se fasse à la table de négociation. Ce qui est important sur la trajectoire, je pense, c'est de montrer qu'il y a deux ans devant nous sur lesquels on donne une perspective. Ce qui compte, ce n'est pas seulement 2025, c'est 2026 et 2027, de manière que les Français croient à la stabilité, les marchés financiers, les entreprises, les investisseurs. Qu'on puisse se dire, une fois qu'on aura un accord, j'espère qu'on l'aura et je pense qu'on va l'avoir, qu'on a deux ans devant nous, que la France va être gouvernée, stable et on va pouvoir préparer la suite.


Ce à quoi les Français croient, c'est qu'il y a aujourd'hui de l'injustice sociale. 80 % des Français, et même parmi vos sympathisants, souhaitent qu'il y ait désormais la taxe Zucman, qui taxerait à 2 % les patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros. Vous vous y êtes opposé. Pourquoi ne pas aller vers cette direction réclamée par une grande majorité ?

Je ne suis pas opposé à la justice fiscale. Nous avons déjà un État extrêmement redistributif et j'entends aujourd'hui la volonté que, si nous devons redresser les finances publiques, tout le monde doit y contribuer. Mais il faut quand même comprendre de quoi nous parlons. La taxe Zucman est contre-productive et inopérante. Contre-productive, parce qu'on a beaucoup parlé de Mistral AI, mais il y a aussi Doctolib, Blablacar, Sisley, Fleury-Michon, qui sont des entreprises du patrimoine, de taille intermédiaire, qui exportent, et qui seraient aussi concernées. On se retrouverait avec des actionnaires qui, bien que riches, n'ont pas les revenus nécessaires pour payer ces impôts. En passant, ce serait sans doute anticonstitutionnel. Donc cela signifie qu'il faut trouver d'autres solutions. Je suis sûr qu'il y en a. Il y a un adage qui dit que quand vous mettez deux économistes dans la salle, vous avez trois opinions. Donc il faut qu'on arrête de penser que Gabriel Zucman a inventé la pierre philosophale de la taxation optimale. Le problème de la taxe Zucman, c'est les entreprises d'aujourd'hui qui risquent d'être affectées et, surtout, les entreprises de demain, les champions de demain, qui iront se créer ailleurs. Donc il faut trouver d'autres solutions. Il y en a. Je suis sûr que Bercy a plein d'idées et je pense que c'est au Premier ministre de les négocier. Évidemment, il faut que les socialistes aient une victoire sur ce sujet.


Quelles concessions peut-on faire aux socialistes si ce n'est pas cette taxe sur les plus hauts patrimoines ? Qu'est-ce que vous êtes prêts à faire ? Que faut-il céder ? Est-ce que, par exemple, une pause sur la réforme des retraites est envisageable ?

Ce que je dis, c'est que pour que les socialistes, et cela sera indispensable, aient des victoires, il va falloir qu'on ait des défaites. Une négociation, cela signifie qu'on est prêt à faire des concessions. Donc, sur le principe, il faut être prêt à faire des concessions. Mais nous allons négocier. Sur les retraites, il faut être très clair sur le fait que le déséquilibre démographique aujourd'hui crée un déséquilibre structurel sur les retraites. Est-ce que cela signifie qu'il y a des situations particulières sur des métiers pénibles, sur la condition des femmes, qu'il ne faut pas traiter ? Bien sûr qu'il faut s'y atteler. Et là encore, ce sera avec les partenaires sociaux qu'il faudra négocier. Nous avons un Premier ministre aujourd'hui qui a la bonne méthode, qui fait preuve d'humilité, que l'on ne voit pas sur les plateaux tous les jours et qui est entré dans une phase de négociation qui se fait plutôt derrière des portes fermées que sur les plateaux. Je pense que c'est la méthode pour avancer. Il faut que tout le monde soit prêt à avancer. Cela va être une négociation extrêmement difficile. Mais je pense que nous avons tous besoin qu'on y arrive.

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