Un "Faust" éternellement jeune au Théâtre Ranelagh à Paris
Mettre en scène un classique interroge toujours sur la pertinence de l’œuvre avec ses contemporains. C’est bien la définition de la modernité qui se dessine dans la résonnance d’un texte de 1808 en 2017. Aux vues des adaptations depuis, au théâtre, à l’opéra, au cinéma, "Faust" démontre toute sa modernité, vérifiée dans la version qu’en donne Romain Rivière au Théâtre Ranelagh jusqu'en mars.
Fantastique
Le texte, le texte, rien que le texte. C’est le crédo de Romain Rivière quand il s’approprie la pièce de Goethe dans sa traduction originelle par Gérard de Nerval. Ce respect est audible dans des emprunts au "Faust I" (1808) et au "Faust II" (1832) du romantique allemand, afin d’enrichir les personnages. En reprenant la structure du livret de "La Damnation de Faust" (1848) d’Hector Berlioz, il en facilite aussi l’accessibilité. Le seul ajout de la plume du metteur en scène, par ailleurs interprète de Méphistophélès, n’est pas innocent : un prologue qui interpelle le public sur le sens de ce à qu’il va voir et entendre. Très beau texte où se dessine "l’horreur cosmique", comme l’aurait définie Lovecraft, que doit inspirer tout texte fantastique.Car, on l’oublie trop souvent, "Faust" relève du fantastique, source-même du romantisme originel, que l’on qualifiera plus tard de "noir", pour le différencier de sa mièvre déclinaison sentimentaliste tardive. C’est cette veine plus métaphysique que sentimentale, que privilégie Romain Rivière. Elle est détectable dans son décor, constitué d’un enchevêtrement d’échelles et de passerelles modulables que les comédiens déplacent au gré de l’évocation des lieux. Un espace abstrait entre terre et ciel, où se situe la place de l’homme, enraciné dans la glaise, la tête dans les étoiles. Etoiles suggérées dans l’omniprésence du télescope de Faust sur le plateau, vers lesquelles il pointe. Ces inaccessibles étoiles. Tout l’enjeu de la pièce.
Méphisto héros
L’histoire d’amour avec Marguerite (Laura Chetrit) n’en demeure pas moins au cœur de ce "Faust". Goethe définissait sa première mouture comme le drame "d'un être troublé par la passion, qui peut obscurcir l'esprit de l'homme", alors que la seconde est plus orientée vers la quête du Salut. Si le pacte faustien précède la rencontre avec Marguerite, donc ne le motive pas, c’est elle qui structure la suite de l’intrigue. Mais Méphisto n’en est pas pour autant absent. Et dans le désir de Faust à posséder Marguerite, il est fortement mis à contribution. Il en deviendrait même sa chose, lui donnant des ordres, l’obligeant à le servir en utilisant son pacte comme sésame de ses désirs. Cela serait mal connaître le diable qui a plus d’un tour dans son sac et usera de ses inventions pour mieux piéger le mortel. Non sans humour, avec un art de l’ironie que Romain Rivière manie à plaisir, jusqu’à faire de Méphistophélès le héros, plus que ce Faust opportuniste et sans noblesse.
Cette valorisation méphistophélique renvoie à la fascination, toute humaine, pour le mal. Mais elle trouve, au-delà, écho dans l’époque, sans qu’un mot en soit dit, dans l’adhésion pour les extrêmes politiques qui se font jour pour préserver, pérenniser, rajeunir en gage d’éternité, les nations séculaires et les fondamentalismes primaires. N’est-ce pas là la finalité du pacte faustien, conserver ? "Faust", métaphore du conservatisme ambiant ? Pourquoi pas ?
C‘est ce qui qualifie de moderne la pièce de Goethe, elle-même déduite d’un conte du XVIe siècle, voire d’un personnage réel, alchimiste pragois, devenu un mythe. Cette faculté à s’ouvrir à des lectures toujours actualisées est décuplée par Romain Rivière qui fait de Méphisto, dans sa géniale interprétation, le personnage central de l’œuvre. Ses compagnons de scène sont à la hauteur. Tous font preuve d’une présence, d’une maîtrise du texte en bouche qui manque parfois chez certains comédiens ailleurs. Les costumes participent du décor et du sens, ainsi que les beaux éclairages de Fantôme qui dramatisent l’ambiance fantastique de la pièce. Sans oublier les improvisations au piano qui accompagnent tout le long la représentation, renvoyant à ses origines romantiques et au film de Murnau. Les merveilleuses boiseries néo-gothiques du Ranelagh englobent enfin une pièce éternelle, qui y trouve toute sa place.
Faust
De Johann Wolfgang (von) Goethe
Adaptation et mise en scène : Ronan RIVIERE
Mise en scène (assistante) : Lucile DELZENNE
Distribution : Aymeline ALIX, Laura CHETRIT, Romain DUTHEIL, Anthony AUDOUX, Ronan RIVIERE, Jérôme RODRIGUEZ, Olivier LUGO, Jean-Benoît TERRAL
Compositeur : Léon BAILLY
Piano : Léon BAILLY, Olivier MAZAL
Décor : Antoine MILIAN
Lumière : FANTOME
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