"Les Gratitudes" au théâtre du Petit Saint-Martin : et Catherine Hiegel nous laisse sans mots

Sur un piano électronique, Pascal Sangla joue des airs connus. Au public de citer les titres des chansons le plus rapidement possible. Le quiz musical installe une complicité immédiate autour de Mistral gagnant ou d'Une chanson douce, etc. Les spectateurs jouent le jeu et font appel à leur mémoire.

La musique remplit le silence. Une vieille dame traverse la salle et entre en scène. Sur un plateau presque nu, trois comédiens incarnent une dame âgée, une jeune fille et un orthophoniste pour se donner la réplique dans une pièce bouleversante d'humanité. La pièce Les Gratitudes est au théâtre du Petit Saint-Martin, à Paris, jusqu'au 27 avril 2025.

Assise sur un fauteuil, Michka, ancienne parolière, perd ses mots de manière irrémédiable. Elle est atteinte d’aphasie, mélange les mots et les expressions. Elle dit "d'abord" pour "d'accord", nage dans la confusion, essaie d'avaler les mots dits, de les rattraper une fois sortis. Son orthophoniste ne promet pas de la guérir, mais fera tout pour ralentir l'évolution inéluctable de cette terrible maladie. Placée dans un Ehpad après un entretien désopilant, elle n'a pour compagnie que Jérôme, son orthophoniste, et Marie, sa jeune et ancienne voisine, qui lui rend visite tous les week-ends.

Les trois personnages portent en eux de lourds secrets. Michka, avant de mourir, aimerait retrouver le couple qui l'a sauvée des griffes des nazis et qu'elle n'a jamais remercié.

Apprentissage de la perte

Que dire de la prestation de Catherine Hiegel sans abuser de superlatifs ? La presque octogénaire (79 ans) est tout simplement bluffante d'authenticité.

On se surprend à oublier que c'est une pièce de théâtre et non un documentaire qui se joue sous nos yeux, en suivant ainsi Michka entraînée par la maladie, en suspens dans ses paroles évanouies, absente jusqu'à l'évanescence.

Dans la salle, des onomatopées d'acquiescement montent discrètement d'une partie du public, l'émotion (et ce n'est pas un cliché) est palpable. Le sujet touche au plus intime, avec peut-être un parent dans la même situation, le souvenir de moments similaires ou un vécu douloureux. Les Gratitudes, sans doute aucun, relève du profond et de l'universel.

La mise en scène sobre et épurée de Fabien Gorgeart, qui a adapté le livre éponyme de Delphine de Vigan, laisse le champ libre aux interprètes pour occuper tout l'espace. La distribution (Catherine Hiegel, Pascal Sangla et Laure Blatter) est plus que convaincante. Le théâtre, c'est la vie, littéralement. Les Gratitudes, un apprentissage de la perte, de la mort. Et Catherine Hiegel, encore une fois, une formidable comédienne.

La fiche

D'après Les Gratitudes de Delphine de Vigan
Adaptation : Fabien Gorgeart, Agathe Peyrard
Mise en scène : Fabien Gorgeart
Assistante à la mise en scène : Aurélie Barrin
Distribution : Laure Blatter, Catherine Hiegel, Pascal Sangla
Durée : 1h20
Dates : jusqu'au 27 avril 2025
Lieu : théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulanger, 75010 Paris