Le théâtre citoyen fait le procès d'Hamlet avec de vrais magistrats
Une pièce originale se joue ces jours-ci au Nouveau Théâtre de Montreuil. "Please continue (Hamlet)" de Yan Duyvendak et Roger Bernat réunit chaque soir de vrais magistrats et avocats pour mener devant le public le procès d'un jeune homme de banlieue difficile (Hamlet). Son crime ? Avoir tué d'un coup de couteau le père de sa petite amie Ophélie, qu'il avait pris pour un rat un soir beuverie.
"Veuillez vous asseoir, l'audience est reprise". Le président s'installe, suivi des jurés. "Monsieur Hamlet veuillez vous approcher. Après en avoir délibéré, la cour vous condamne à sept années de réclusion pour coups mortels". Un blanc, puis le public applaudit. Mais le juge ne fait pas évacuer la salle.
Pourtant, l'accusé, la partie civile et le témoin sont les seuls acteurs professionnels. Leurs tee-shirts jaunes floqués de leur nom tranchent avec la solennité des robes noires et rouges bordées d'hermine. Objectif : donner à entrevoir la justice à l'oeuvre
Le but de Yan Duyvendak avec ce "théâtre-documentaire", c'est d'offrir une "opportunité au public d'apercevoir une partie de la complexité du monde de la justice". "Rendre la justice, qu'est-ce que cela veut dire ? C'est tenter de démêler le vrai du faux pour définir ce qui est juste. Et ce n'est pas une mince affaire...", souligne le dossier de presse.
"C'est du faux, mais pour faire fonctionner l'esprit citoyen", insiste Yan Duyvendak. "C'est vous les acteurs principaux", dit-il aux professionnels de la justice enrôlés, "c'est la justice à l'oeuvre que les gens viennent voir."
Conformément à son souhait, magistrats, avocats, experts psychiatres, qui changent à chaque représentation, travaillent au plus près des conditions réelles. Pas de répétitions, mais chacun reçoit à l'avance un dossier de 65 pages: compte-rendus d'interrogatoires, rapports d'experts, photos, plans des lieux. Aux parties d'aller puiser dans ces éléments les arguments qui nourriront le débat contradictoire à "l'audience". Et les participants prennent le dossier, et leur rôle, au sérieux.
Théâtre, vraie vie ? Cette performance citoyenne brouille les frontières. "Fondamentalement, c'est la même chose. Un président d'assises est itinérant. Je préside à Paris, à Nanterre, jusqu'à Auxerre. Là je vais venir présider à Montreuil", dit Philippe Jean-Draeher, président à la cour d'assises de Paris. "On nous demande d'être dans notre personnage de tous les jours", renchérit Benjamin Grundler, avocat pénaliste. Lui pense que la vraie différence sera sans doute dans le ressenti. "Au tribunal on fait totalement abstraction du public", explique-t-il. "Là, peut-être y aura-t-il un peu de trac avec les spectateurs. D'habitude, le trac, c'est plutôt par rapport à l'enjeu".
Des spectateurs tirés au sort délibèrent
A la fin de l'audience, qui dure de 90 minutes à 2 heures, six membres du public sont tirés au hasard sur une liste nominative des spectateurs constitués en jury et s'enferment avec le président de la cour pour 20 minutes de délibéré.
Le soir de la première, Corinne Moreau, substitut général à la cour d'appel de Paris, a revêtu sa robe d'avocat général (accusation). Au départ hésitante, elle est ravie d'avoir participé. Elle a requis 12 ans. Pour elle aussi, "ce n'est pas le même enjeu" qu'au tribunal, où il est parfois difficile de "se prendre un acquittement". Ce ne sera pas le cas ce soir, un des verdicts les plus sévères depuis la création du spectacle en Suisse fin 2011 (14 acquittements sur 35 procès).
Les jurés, repartis vers le public, se sentent immédiatement libérés du secret des délibérations. "De toute façon, avec les remises de peines et l'année de détention provisoire, dans deux ans il est sorti", sourit Joseph Ancel, président d'assises à Paris.
"Please Continue (Hamlet)" est au Nouveau Théâtre de Montreuil jusqu'au 19 octobre, puis en tournée en France
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