"Le Mage du Kremlin" au théâtre La Scala : dans la tête du Raspoutine de Vladimir Poutine
Roland Auzet nous plonge dans les arcanes du pouvoir du locataire à perpétuité du Kremlin à travers le personnage de Vadim Baranov, l'homme qui murmurait à l'oreille du "Tsar". Terrifiant.
/2024/10/24/le-mage-du-kremlin-c-thomas-o-brien-3-671a04a9d56fd645850027.jpg)
Dans un décor froid, impersonnel, couvert de miroirs et d'écrans, se meuvent des personnages énigmatiques. Ils discutent entre eux de façon inaudible pendant que les derniers spectateurs cherchent leurs places. Cela dure presque dix minutes. Que peuvent-ils bien se dire ? Le ton est donné : de transparence, il n'y aura que l'apparence.
Le Mage du Kremlin, mis en scène par Roland Auzet, se joue à La Scala, à Paris, jusqu'au 3 novembre 2024.
Les choses importantes se décident ailleurs, dans l'opacité. Roland Auzet met en scène Vadim Baranov, le mage du Kremlin, d'après le livre éponyme de Giuliano da Empoli qui a séduit plus de 600 000 lecteurs.
À travers ce personnage, interprété par un Philippe Girard tout en intériorité malgré des explosions de colère quand les mots viennent à lui manquer ou quand il est mis face à ses contradictions, on assiste à la fin douloureuse du règne de Boris Eltsine et à l'avènement de Vladimir Poutine.
Ainsi naissent les tsars
"Le pouvoir, c'est comme le soleil et la mort, on ne doit jamais le regarder en face. Surtout en Russie", dit l'un des personnages. C'est pourtant ce défi auquel s'est attelé Roland Auzet. L'histoire de la Russie défile sous nos yeux, jusqu'à l'arrivée de celui qui veut être plus aimé que Staline.
L'élection de Vladimir Poutine ne doit rien au hasard, elle a été décidée par les oligarques qui cherchaient un successeur à Boris Eltsine. Celui qui dirigeait réellement le pays à l'époque, Boris Berezovsky, a fait son choix parmi les hommes du sérail : un homme timide, sans grande ambition, un ancien espion, dirigeant du FSB, nommé Vladimir Poutine.
/2024/10/24/le-mage-du-kremlin-c-thomas-o-brien-4-1-671a42e554858853614499.jpg)
Qui mieux que Vadim Baranov, jadis metteur en scène et producteur d'émissions de télé-réalité, avant de devenir le Raspoutine de Poutine, pour orchestrer l'ascension ? Grâce ou à cause de lui, la Russie devient un vaste théâtre politique. Finis la perestroïka, le pouvoir des oligarques, désormais les opposants sont pourchassés et certains liquidés : "Le chien est devenu loup."
Et le loup se retourne contre ceux qui tiraient les ficelles. De marionnette, Poutine devient le grand tyran, avec droit de vie et de mort sur tous. Roland Auzet s'inscrit aussi clairement dans l'actualité, en évoquant Alexeï Navalny ou encore Evgueni Prigojine, tous deux morts dans des circonstances obscures. Vladimir Poutine, tout comme Staline, ne tolère aucune contestation.
/2024/10/24/le-mage-du-kremlin-c-thomas-o-brien-6-671a4480959ce365118958.jpeg)
Roland Auzet signe une mise en scène soignée. L'utilisation de la vidéo n'est pas fortuite ou accessoire et contribue au procédé narratif complexe. Le Mage du Kremlin est porté par une distribution cinq étoiles. Avec une attention particulière pour l'excellent Hervé Pierre, de la Comédie-française, ici en Boris Berezovsky et Andranic Manet en Vladimir Poutine. Bémol, il en faut toujours un, la transposition littéraire au théâtre est un peu ardue : la densité du texte enlève de la spontanéité aux acteurs et oblige le spectateur à une grande concentration.
Le Mage du Kremlin, un miroir tendu non seulement à la Russie, mais aussi à toutes les figures de pouvoir. Un Vladimir Poutine est-il possible dans les démocraties libérales ?
La fiche
Titre : "Le Mage du Kremlin"
Durée : 2h
Texte : Giuliano da Empoli
Genre : Drame politique
Adaptation, conception, mise en scène : Roland Auzet
Scénographie, création lumières : Cédric Delorme-Bouchard
Création vidéo et musique : Wilfried Wendling
Distribution : Karina Beuthe Orr, Philippe Girard, Andranic Manet, Alexandre Zaldostanov, Hervé Pierre, Irène Ranson Terestchenko, Stanislas Roquette, Claire Sermonne, Jean Alibert et Anouchka Robert.
Lieu : La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris
Dates : Jusqu'au 3 novembre 2024
À regarder
-
Allocations familiales : vers un coup de rabot ?
-
Un braquage a eu lieu au Louvre dimanche matin à l'ouverture
-
Avions : quand des batteries prennent feu
-
Affaire Epstein : le prince Andrew renonce à son titre royal
-
Grandir à tout prix
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
-
Faux diplômes : tricher pour se faire embaucher
-
Vignes : des algues pour remplacer les pesticides
-
Du Maroc au Népal, en passant par Madagascar, la génération Z structure ses luttes sur Discord
-
À Londres, le café c'est dans les toilettes
-
De la propagande russe dans nos infos locales
-
Ordures ménagères : une taxe toujours plus chère
-
Temu, Shein... ça va coûter plus cher ?
-
C'est très compliqué dès qu'on parle de la France
-
Départ anticipé d’E. Macron : “La seule décision digne qui permet d’éviter 18 mois de crise”
-
Donald Trump : le Venezuela dans sa ligne de mire
-
Hommage à Samuel Paty : des minutes de silence "inutiles" pour sa sœur.
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter