Festival Off d’Avignon : Françoise Dolto, Antigone et la mystérieuse Betty, trois personnages dans leur jeunesse incarnés par trois belles comédiennes
Une journée dans le Off d’Avignon avec trois pièces qui nous ont particulièrement séduits.
Le bouche-à-oreille et parfois le hasard nous ont fait croiser dans le Off d’Avignon la lumineuse Françoise Cadol dans La femme qui ne vieillissait pas de Grégoire Delacourt, la vibrante Eglantine Jouve dans Rhapsodes Antigone, et la pétillante Sophie Forte dans Lorsque Françoise paraît. Trois personnages habités par les comédiennes.
"La femme qui ne vieillissait pas"
La femme qui ne vieillissait pas, Betty, n’a pas été épargnée dans son enfance mais désormais adulte, elle croque la vie, solaire et amoureuse. Fabrice, un ami photographe, lui propose de devenir un des modèles qu’il photographie chaque année à date fixe, pour voir le temps défiler sur leurs visages. Puis les années passent et à trente ans, Betty découvre qu’elle ne vieillit plus.
Françoise Cadol est une comédienne totalement investie dans les projets qu’elle défend. Après le très réussi Jeanne et Marguerite écrit par ses soins, c’est en enregistrant le livre audio de Grégoire Delacourt qu’elle a eu l’envie irrépressible d’incarner Betty. Et c’est avec une incroyable fraîcheur qu’elle se glisse dans la peau de cette femme dont aucune trace du temps ne marque le visage, et qui ne vieillit que de l’intérieur. D’abord flattée d’être enviée par ses amies, courtisée par les hommes, la jeune femme va devoir apprendre à vivre avec un visage qui ne correspond plus à ce qu’elle est vraiment. Imperceptiblement, ce qui ressemblait à une bénédiction se met à brouiller les relations avec son mari et son fils qu’elle chérit.
Extrait :
"C’est extraordinaire ! Regarde, regarde ! C’est le même visage sur les cinq photos ! Je veux dire le même, Betty, exactement le même ! Regarde, à part l’inclinaison de la tête qui n’est pas strictement la même à chaque prise de vue, l’angle des bras qui diffère un peu, la coiffure aussi, c’est le même visage depuis cinq ans, Betty. C’est hallucinant. Le même. Le temps n’a pas prise sur toi. Ne te marque pas. La peau est la même. Le grain de la peau est le même. Aucune ride en cinq ans, aucun flétrissement. C’est superbe" (Fabrice Photographe).
A rebours des diktats sur la jeunesse, le texte de Grégoire Delacourt, interprété avec une grande finesse par Françoise Cadol, démontre combien vieillir c’est vivre. La mise en scène, qui entretient le suspens de cette inaltérable jeunesse, est rythmée par les flashes des projecteurs et le déclencheur de l’appareil photo mais aussi par cet album que l’on feuillette et dont les portraits ne racontent rien. Un beau moment de théâtre.
"La Femme qui ne vieillissait pas" de Grégoire Delacourt
Adaptation et interprétation : François Cadol.
Mise en scène Tristan Petitgirard
Théâtre Buffon, Avignon
18 rue Buffon
Jusqu'au 31 juillet à 15h25
04 90 27 36 89
"Rhapsode Antigone"
Qu’est-ce a bien pu conduire Antigone à devenir une héroïne ? C’est pour répondre à cette question qu’Eglantine Jouve remonte le cours de l’histoire pour nous conter, à la manière des rhapsodes, ces chanteurs-conteurs de la Grèce antique qui allaient de ville en ville, l’enfance d’Antigone, jeune fille sur la route de l’exil avec son père, Œdipe : un cheminement au côté d’un homme qui s’est crevé les yeux après avoir découvert l’horreur de ses origines, et qui aujourd’hui est devenu un sage clairvoyant qui a fait la paix avec lui-même. Antigone, "la princesse aux pieds nus" a parcouru le monde, a mendié pour survivre et, sans calcul, est toujours restée fidèle aux siens.
La simplicité et la pureté du dispositif (un cercle de sable, du feu, un accompagnement subtil de la harpiste et chanteuse grecque, Elisa Vellia) permettent une nouvelle écoute de ce bouleversant personnage dans l’approche remarquable d’Henry Bauchau. On est captivé et ému par le destin de cette figure héroïque qu’Eglantine Jouve nous rend si proche et si contemporaine.
Extrait :
C’est au début de leur voyage/exil elle n’est encore qu’une enfant, elle et son père sont dans une forêt, ils préparent un abri pour la nuit, rassemblent du bois pour le feu… Et là Oedipe détache le bandeau qu’il porte toujours sur ses yeux, à la place elle voit deux trous noirs qui la fixent ! il lui dit :
-prends mon bandeau et mets-le.
-Maintenant marche Antigone, marche, mets le chemin sous tes pas
-Mais Papa, je vais tomber
-Marche je te dis.
-Papa... J’ai peur du noir, tu le sais
-Tu veux me suivre ? Si tu veux me suivre et m'accompagner, tu dois vivre ce que je vis, ne réfléchis pas, vis les choses, accueille le monde, accueille tes sensations
"Rhapsodes Antigone" d’après Henry Bauchau
Adaptation, mise en scène et interprétation : Eglantine Jouve.
Musique et chant : Elisa Vellia.
Théâtre de l’Adresse, Avignon
2, avenue de la Trillade
Jusqu'au 31 juillet à à 11h15
04 65 81 17 85
"Rhapsodes Antigone" est joué en alternance avec un "Œdipe" plein de fougue et d’humour, incarné par Sébastien Portier, avec Matia Levrero à la guitare.
"Lorsque Françoise paraît"
Comment devient-on Françoise Dolto ? C’est en voulant travailler avec la comédienne Sophie Forte qu’Eric Bu a pensé à la célèbre psychanalyste et plus particulièrement à ses années d’enfance. Françoise est une petite fille de bonne famille, curieuse, qui déconcerte sa mère : "il y a en vous quelque chose de monstrueux", dit-elle à sa fille d’à peine 5 ans.
Car chez les Marette, on n’explique rien, on ne s’apitoie pas ; les filles ne travaillent pas et sont destinées à un beau mariage. Seule face aux deuils successifs de son grand-père, de son oncle puis de sa sœur Jacqueline, la préférée de la mère, Françoise continue de s’affirmer avec la discrète complicité du père. A 8 ans, elle en est sûre, quand elle sera grande, elle sera médecin d’éducation.
Extrait
Françoise : Quand je serai grande, je ne serai jamais sous la dépendance de qui que ce soit ! Je serai au-to-nome ! Je travaillerai, je serai médecin d’éducation !
Henri : Et qu’est-ce qu’il ferait, ce médecin d’éducation ?
Françoise : Il éduquerait les parents !
Suzanne & Henri (scandalisés) : Françoise !
Françoise : Ben oui ! Comment ça se fait que les grandes personnes ne comprennent pas les enfants ?
Des blessures de l’enfance aux origines de la pensée de Françoise Dolto, Sophie Forte prend un plaisir palpable à incarner ce personnage à tous les âges de la vie. Elle est bien accompagnée par Christine Gagnepain et par Stéphane Giletta jouant de manière inénarrable différents personnages masculins. Le spectacle, entre rires et émotion, dresse un très joli portrait de celle qui a prôné la libération de la parole entre les enfants et les parents.
"Lorsque Françoise paraît", écrit et mis en scène par Eric Bu
Avec Sophie Forte, Christine Gagnepain et Stéphane Giletta
Théâtre du Balcon, Avignon
38, rue Guillaume Puy
Jusqu'au 31 juillet à 10h30
04 90 85 00 80
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