La question de la restitution des biens coloniaux revient sur le devant de la scène en France
En 2020, la France a restitué à l'Algérie 24 crânes supposés appartenir à des résistants anticoloniaux. Cependant, une enquête du "New York Times" a révélé que seulement six d'entre eux pouvaient être formellement identifiés, remettant en question la crédibilité de cette restitution.
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Le gouvernement français s'apprête à relancer un chantier sensible : celui des restitutions de biens culturels pillés pendant la colonisation. Après plusieurs reports, un projet de loi facilitant ces retours dans les pays d'origine devrait être présenté en Conseil des ministres le 30 juillet. Cette nouvelle initiative vise à dépasser les blocages actuels, alors que "les restitutions se font encore au compte-gouttes en France", malgré les promesses du président Emmanuel Macron en 2017. Chaque restitution exige pour l'instant une loi spécifique, un processus long et complexe.
Depuis 2017, seuls 27 objets ont été restitués, dont 26 au Bénin en 2021. Pourtant, dix États, majoritairement africains (Algérie, Côte d'Ivoire, Madagascar...), ont formulé des demandes concernant plusieurs milliers de pièces, selon un recensement de 2023. "Des milliers de pièces ont été restituées vers l'Afrique de par le monde et la France se trouve vraiment à la traîne", déplore la chercheuse Saskia Cousin. En comparaison, l'Allemagne a restitué environ 1 100 œuvres au Nigeria dès 2022, illustrant l'écart qui subsiste.
"Une avancée majeure"
Le texte que prépare le gouvernement prévoit de permettre la restitution d'un bien par simple décret en Conseil d'État, sans recourir à une loi spécifique. Il s'agit d'une avancée majeure, selon les services du Premier ministre. Ce projet de loi-cadre suscite de fortes attentes : il concentre "l'essentiel des attentes", a reconnu la ministre de la Culture, Rachida Dati, après avoir été contrainte, au printemps 2024, de retirer un précédent texte jugé insuffisant par le Conseil d'État et vivement critiqué par des sénateurs dénonçant un "examen à marche forcée".
La sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly, spécialiste du sujet, souligne l'importance de bien encadrer cette réforme : "C'est un sujet délicat, attendu et il faut donc qu'on produise une bonne législation". Elle appelle à établir une méthodologie rigoureuse pour éviter les erreurs du passé. En 2020, la France avait restitué à l'Algérie 24 crânes présentés comme ceux de résistants anticoloniaux. Mais une enquête du New York Times a révélé que seuls six d'entre eux pouvaient être identifiés avec certitude, jetant le doute sur l'opération.
"Consensus politique" autour de la question
Des incertitudes ont également entouré d'autres restitutions symboliques. Ainsi, le sabre remis au Sénégal fin 2019 ne serait pas, selon l'historien Francis Simonis, celui du chef de guerre El Hadj Oumar Tall, contrairement à ce qu'avaient affirmé les autorités françaises. "Avant que le Parlement ne se dessaisisse de son pouvoir, on veut s'assurer qu'il y ait tout un travail méthodique et scientifique pour être sûrs de l'authenticité du geste", insiste Catherine Morin-Desailly. L'objectif est d'assurer la crédibilité et la légitimité des décisions à venir.
Pour le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, l'adoption en juillet de la restitution du "tambour parleur" à la Côte d'Ivoire marque une avancée significative. Il estime qu'un "consensus politique" a émergé autour de cette question, en dépit des désaccords persistants sur la mémoire coloniale. "Ce n'est pas au Parlement d'écrire l'histoire", souligne-t-il. "En revanche, c'est notre rôle de réparer des fautes et d'apporter la justice comme cela a été fait pour les spoliations antisémites ou les restes humains". Il considère enfin que les restitutions peuvent devenir "des formes de coopération entre des États qui travaillent à la reconstitution d'un patrimoine national auquel les populations sont profondément attachées".
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