L’archéologie, cette science qui contribue à fabriquer l’histoire
Aujourd’hui, l’archéologie peut aussi bien s’intéresser à une nécropole mérovingienne qu’à un site de la Seconde guerre mondiale. Dans ce contexte, qu’est-ce exactement que l’archéologie ? La réponse de Vincent Carpentier, chercheur à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en Normandie.
-C’est une science qui contribue à l’élaboration des grands objets de mémoire. Pour ce faire, il s’agit de traiter de la façon la plus régulière possible les accumulations de traces concrètes enregistrées dans le sol d’un espace donné. Il s’agit ensuite de les interpréter selon une méthode donnée. Autrement dit : on met au jour des éléments, on les enregistre, on les conserve pour en faire un document avant de les interpréter.
-Vous parlez de science. L’archéologie n’est-elle pas plutôt une pratique ?
-L’archéologie est devenue une science grâce à l’archéologie préventive qui a multiplié les découvertes. On a ainsi pu accumuler les données indispensables pour la recherche.
C’est une science fondée sur une observation factuelle, cousine de l’histoire, qui pose des questions et cherche à y répondre. Sur certains sujets, on doit se passer de l’histoire. Notamment sur le Moyen Age, quand il n’y a pas d’archives écrites.
-Vous fouillez des sites du XXe, par exemple ceux du débarquement allié en 1944 dans votre région. L’archéologie n’est-elle pas réservée à des périodes beaucoup plus anciennes ?
-Elle peut traiter toutes les périodes à condition qu’il y ait des traces. Ce qui pose des problèmes pour certaines époques. Par exemple pour celle des Vikings en Normandie, qui est l’un de mes objets d’étude. Alors que leur présence dans la région est absolument certaine, on trouve sur eux très peu de données, contrairement à la Grande-Bretagne. En fait, selon mon interprétation, une fois qu’ils se sont installés sur ce nouveau territoire et sont devenus des féodaux, leur passé de pillards s’est très vite effacé. Ce qui explique l’absence de traces et de marqueurs ethniques propres à cette population.
-Travailler sur les Vikings, ce n’est pas la même chose que travailler sur la Seconde guerre mondiale…
-On se retrouve sur les mêmes domaines. Ce qui change, c’est le processus de fouille, voire le contexte juridique quand il y a eu des crimes. Pour autant, l’acte de fouille reste le même. L’archéologue est un peu comme un chirurgien : il dissèque le plus régulièrement possible en dehors de tout aspect émotionnel. Une distanciation est indispensable : pour une période comme la Seconde guerre mondiale, on peut se sentir concerné pour des raisons familiales.
Fouiller les sites du débarquement permet, dans certains cas, de combler de grosses lacunes au niveau des sources : il faut savoir qu’en 1945 de nombreux documents écrits ont brûlé en Normandie.
-Pourquoi l’archéologie s’intéresse-t-elle au Débarquement ?
-Le débarquement allié a une portée internationale : on a alors commencé à résoudre par la violence cet évènement criminel de masse qu’était le nazisme. Au début du fil, il y a la Normandie, à l’autre bout Auschwitz. Les fouilles s’intéressent ainsi à une facette de cette gigantesque opération. L’archéologie contribue ainsi à la compréhension d’un épisode majeur de l’histoire contemporaine en établissant des faits objectifs, chronologiques, topographiques et stratigraphiques.
Aujourd’hui, on voit progressivement disparaître les traces physiques du Débarquement. Les derniers témoins sont en train de disparaître, comme le sable vitrifié ou les restes microscopiques d’éclats d’obus antipersonnel à Omaha Beach. Comme élément moteur, il y a aussi eu cette décision, prise par le ministère de la Culture en 2014, d’inscrire la recherche archéologique sur la Seconde guerre mondiale dans les programmes nationaux de la recherche archéologique. Cette décision a été définie comme le rattrapage d’un certain retard. Cela nous a amenés à fouiller une dizaine de sites dans la zone où est intervenue la 6e division aéroportée britannique, sur le flanc est du dispositif allié, au nord-est de Caen.
Il faut aussi tenir compte du fait que c’est un passé proche et douloureux, qui soulève encore beaucoup d’émotion. Mais dans le même temps, on constate une attente du public pour une autre représentation du conflit. Les gens veulent sortir des mémoriaux où on les a enfermés. L’archéologie tente de répondre à cette demande.
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