Flèche de la basilique Saint-Denis : "Le chantier de la reconstruction devrait durer cinq à six ans"

Dès septembre, le chantier proposera au public une visite immersive et novatrice, plongeant au cœur de l'histoire et des savoir-faire qui ont façonné la basilique cathédrale Saint-Denis, la "grande sœur" de Notre-Dame.

Article rédigé par Paul Dubois
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Photo de la basilique de Saint-Denis, en janvier 2025. (PAUL DUBOIS / FRANCEINFO CULTURE)
Photo de la basilique de Saint-Denis, en janvier 2025. (PAUL DUBOIS / FRANCEINFO CULTURE)

Il est revenu le temps des cathédrales. Après Notre-Dame, c'est au tour de la basilique Saint-Denis, elle aussi propriété de l'État, d'être en chantier et de revoir sa flèche surplomber la cité dionysienne. Comme sa "sœur" parisienne, cette église gothique a perdu sa flèche – pour celle de Saint-Denis, ce fut en 1847. Le mercredi 8 janvier marque un point d'étape avant le dépôt de la première pierre, une étape symbolique vers la renaissance de ce monument emblématique du patrimoine gothique d'Île-de-France.

Initialement construite pour abriter la sépulture de Saint-Denis, martyrisé vers 250, la basilique se transforme en un lieu majeur avec l'édification d'un monastère. Au XIIe siècle, l'abbé Suger agrandit et développe la basilique. Lieu de pèlerinage et de mémoire, son histoire est liée à celle de la monarchie française. De Dagobert à Louis XVIII, elle abrite les tombes de quarante-trois rois, trente-deux reines, soixante-trois princes et dix grands serviteurs du royaume, ornées de plus de soixante-dix sculptures funéraires.

Un défi de taille

Sous le soleil éclatant d'Île-de-France, les cloches de Saint-Denis marquent 11h. Sur le parvis de la basilique, tout juste vidé de son marché de Noël, une foule d'officiels – sous-préfète, Direction régionale des affaires culturelles (Drac), élus locaux – et quelques curieux ont bravé le froid pour ce "point d'étape du remontage de la flèche". Car ne parlez pas de reconstruction ou de rénovation. Il s'agit bien d'un remontage tel que l'ont voulu les architectes et maires des siècles passés, pour redonner à l'édifice son allure majestueuse et sa place dans le paysage.

Le projet de restauration, porté par l'association Suivez la flèche, est d'une envergure considérable, impliquant un large déploiement de ressources et l'expertise de nombreux artisans spécialisés. En tout, 15 228 pierres seront soigneusement taillées et posées afin de redonner à cette œuvre emblématique son éclat pluriséculaire. Pour ce faire, près de 80 artisans aux compétences diversifiées telles que la maçonnerie, la taille de pierre, la ferronnerie, la charpente, la menuiserie et la couverture, contribueront à la réalisation de ce chantier.

Après la consolidation du massif occidental, prévue avant les Jeux olympiques de Paris 2024, le projet entre dans une nouvelle phase marquée par des travaux visibles. Un imposant échafaudage de plus de 90 mètres de haut est en train d'être installé, destiné à soutenir les différentes étapes de la reconstruction. En parallèle, les "tac-tac" et autres harmonies de chantier résonnent dans le jardin de la basilique, où les travaux de restauration de la base de la tour nord et de la flèche ont débuté. Sous un atelier temporaire tapissé de bâches en plastique, des artisans, masqués de lunettes de protection, sculptent les premières pierres extraites d'une carrière de l'Oise. Ils redonnent à ces matériaux la forme que leurs aïeules avaient au XIXe siècle.

Ce chantier se distingue non seulement par son aspect architectural, mais aussi par son ambition de devenir un véritable lieu de transmission des savoir-faire. Il s'inscrit dans une démarche innovante, offrant des opportunités d'apprentissage à de nombreux apprentis venus de différentes régions. L'objectif est de faire revivre les techniques ancestrales de construction, notamment la taille de pierre, le travail du bois et l'utilisation de matériaux naturels, sous la guidance d'artisans expérimentés. Chaque geste et chaque pierre posée sur le chantier participent ainsi à la préservation et à la transmission des traditions de l'artisanat, tout en intégrant des jeunes dans un processus de formation vivant et concret.

Un chantier inclusif et immersif

L'une des étapes les plus marquantes du projet sera la reconstruction de la tour et de la flèche, culminant à 90 mètres de hauteur, dans le cadre d'un chantier de cinq ans. Parmi les éléments à restaurer figurent un coq, 25 gargouilles, 8 fleurons et 183 chapiteaux, pièces maîtresses de l'architecture gothique.

Dès septembre, la "Fabrique de la flèche" offrira aux visiteurs une immersion dans l'avancement d'un chantier de 3 000 m2, mobilisant 50 artisans. Quatre espaces interactifs, dont une galerie didactique, une salle de réalité virtuelle, un cube immersif, ainsi qu'un village d'artisans, seront accessibles. Les enfants pourront aussi découvrir l'histoire et les métiers à travers un espace ludique. Les travaux ont déjà débuté avec l'installation des échafaudages et la restauration des tours nord. À partir de septembre 2025, des dispositifs interactifs permettront de suivre l'évolution du chantier en temps réel.

Stéphane Bern, président du comité de parrainage pour la reconstruction de la flèche, et Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis. (PAUL DUBOIS / FRANCEINFO CULTURE)
Stéphane Bern, président du comité de parrainage pour la reconstruction de la flèche, et Mathieu Hanotin, maire de Saint-Denis. (PAUL DUBOIS / FRANCEINFO CULTURE)

Ce matin-là, les pieds dans la boue, mais tiré à quatre épingles, Stéphane Bern, président du comité de parrainage, se dit ravi de retrouver la nécropole des rois de France. Il prend place sur les marches de la basilique. Il défend tout sourire un projet qui lui tient à cœur. Il explique que son engagement repose avant tout sur le respect de sa parole donnée il y a dix ans. "François Hollande m'avait sollicité en 2014 pour la flèche de Saint-Denis. Bien que des travaux aient eu lieu, ils sont restés peu médiatisés. Le maire m'a ensuite demandé de renouveler mon engagement, tandis qu'un autre président m'a confié une mission sur le patrimoine."

L'animateur de "Secrets d'Histoire" voit ce projet comme une aventure collective, un pont entre passé et avenir : "Ce n'est pas simplement un retour au passé, mais un projet tourné vers l'avenir, un projet d'avenir pour les générations futures."

Un projet formateur

Ce projet va bien au-delà d'une simple restauration : il ambitionne de renforcer l'identité locale de Saint-Denis et de redonner fierté à ses habitants. "Nous sommes la génération qui va faire. Et le but est de changer le regard sur Saint-Denis et sur la banlieue à travers ce chantier", se réjouit le maire PS de la ville, Mathieu Hanotin, ravi de voir l'engouement suscité par le projet.

Ce chantier sera également un projet de formation d'envergure, à l'image de la construction d'une cathédrale au Moyen Âge. Son objectif est de favoriser l'insertion professionnelle et le développement local, en mettant en valeur le travail manuel à travers une initiative unique, visant à inciter les jeunes à s'orienter vers ces métiers. Respectant les techniques de construction traditionnelles, il offrira un terrain d'apprentissage aux dizaines d'apprentis qui y participeront.

Chantier du remontage de la flèche de la basilique Saint-Denis. (SUIVEZ LA FLECHE)
Chantier du remontage de la flèche de la basilique Saint-Denis. (SUIVEZ LA FLECHE)

Le projet, d'un montant estimé à environ 37 millions d'euros, bénéficie principalement du soutien des départements franciliens (22 millions), de la Région Île-de-France (5 millions) et de la Métropole du Grand Paris (4 millions). Afin de soutenir l'initiative, un financement participatif a été mis en place, permettant à chaque citoyen, qu'il soit riche ou pas, de parrainer une pierre. Les contributions sont accessibles dès 15 euros et peuvent aller jusqu'à plus de 3 000 euros. Ce mécanisme permet ainsi à tous, particuliers comme entreprises, de participer activement à la renaissance de la flèche.

Ce projet ambitieux permet également de soutenir la restauration de manière participative. "Le patrimoine est essentiel pour les jeunes générations. C'est un peu comme un jeu de mécano où l'on remonte une flèche pour la protéger des intempéries", explique Stéphane Bern. "Les parrains suivront l'évolution de leur pierre, découvriront les métiers des bâtisseurs grâce à la réalité virtuelle et à des rencontres avec les artisans."

Pas de débat

Dans le cadre du débat sur les rénovations contemporaines, le "Monsieur patrimoine" français rappelle que "la flèche a été démontée pour être remontée" et insiste : "Nous ne sommes pas propriétaires du patrimoine, mais gardiens." Il s'appuie notamment sur des textes comme la Convention de Venise de 1964, qui stipule que les interventions sur le patrimoine doivent respecter son intégrité pour garantir son authenticité aux générations futures.

Le maire de Saint-Denis a confirmé que la première pierre "serait posée en mars 2025", et les travaux devraient durer "cinq à six ans" et être achevés autour de 2030, avec "un horizon souple".

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